Tabula rasa dans l’Arizona. Place nette. On vire tout et on recommence. Mat Ishbia n’avait pas prévenu, mais il l’a fait. Arrivé en Février cette année (2023) à Phoenix, il ne lui a fallut qu’un printemps et un été pour bouleverser totalement la franchise des Suns.
Bon sang, quelle brutalité, quelle rapidité, quel bouleversement. Le fan des Suns que je suis accuse le coup. Écrire un billet ici pour faire le point sur ma franchise de cœur. Parce qu’en quelques mois seulement, elle a totalement changé d’ère, de profil, d’identité, d’âme.
Faisons le point, pour se calmer l’esprit, soigner le cœur, et dire au-revoir à ces promesses si cool à croire.
Que reste-t’il ?
Que reste-t’il de cette équipe que nous, fans des Suns, suivons depuis le 8-0 de la bulle ? Personne n’y croyait. On pensait au temps long. On voyait bien que Monty Williams était l’homme de la situation pour accélérer la progression de ce roster. Ces jeunes joueurs, pétris de talent, encore dans le dur quand il faut aller chercher les places de playoffs…
Nous sommes dans la saison 2018-2019. Devin Booker est alors un jeune franchise player dans une équipe de bas de tableau. Mikal Bridges commence à choper de grosses minutes de titulaires. Deandre Ayton vient d’être drafté en premier choix, jouissant d’une grosse hype après une énorme saison à Arizona State. Bilan de 19-63 pour les joueurs d’Igor Kokoskov, au fond de la conférence Ouest.
Et puis les Suns font des choix. Monty Williams est mis sur le banc. En échange de Jarett Culver, ils récupèrent un package chez les Wolves, et notamment un grand gaillard avec un joli shoot : Cameron Johnson. Un pivot avec de jolies mains débarque avec lui. Il s’agit de Dario Saric. D’autres mouvements (arrivée de Baynes notamment) vont construire un effectif qui sera le point de départ d’une nouvelle ère aux Suns. Une ère qu’on va adorer assez vite, remplie de promesses délicates et d’une identité attachante.
La Bulle
Monty Williams dessine du jeu. Les Suns vont commencer à jouer au basketball. La fanbase va découvrir des joueurs auxquels elle va s’attacher fermement : Aaron Baynes fera le plaisir du public en rotation de Deandre Ayton. Mais on pense surtout à Mikal Bridges. L’ailier va gober les minutes du poste 3 jusqu’à devenir ce titulaire indéboulonnable. On découvre un gars souriant, absolument élite en défense, et qui file de jolis coups de mains en transition.
Autour d’eux ? Que des noms désormais classiques chez les Suns : Rucky Rubio, fraîchement arrivé, apporte sérénité et science du jeu. Kelly Oubre Jr, avec son audace et ses coups de chaud. Cam Payne et Frank « The Tank » Kaminsky, deux animateurs de colo dans un vestiaire qui retrouve de la joie après des années de brouillard.
Cette équipe, si vous la mentionnez aux fans aujourd’hui, ils ne vous en diront que du bien. Parce qu’elle donnait un nouvel espoir à toute une fanbase, avec du jeu, avec des sourires, avec une ambiance d’équipe unique.
La bulle va sceller cet espoir, et changer la dynamique à jamais pour ces gars là. 8-0. 8 victoires et 0 défaites dans ce moment si particuliers de la NBA. Les Suns vont cliquer et faire cliquer. Elle est là la darling de la saison. Et pour nous les fans, elle va rester. Comme les mots de Monty Williams après le dernier match de cette séquence inoubliable. Des mots forts, qui nous ont toutes et tous pris au cœur, et qui lancent la suite.
Finales NBA, Records…
« You’ve been through a lot ». Lorsque Monty pointe du doigt Devin Booker en prononçant ces mots, chaque fan est en droit de les prendre pour lui. Les mots raisonnent dans la tête de tous les gens qui ont suivi cette équipe pendant les années noires, du départ de Nash à cette bulle. Les promesses naissent ici. Comme si Monty semaient les graines des saisons qui arrivent, dans nos têtes. Et ça va pousser.
Lors de la saison 2020-21, chaque éclosion de la saison précédente est une confirmation. Ricky Rubio remplacé par Chris Paul, les Suns sont devenus une équipe respectée, observée, commentée. Pour les fans, les Suns sont redevenus une chance de joie renouvelée, autour d’un Devin Booker taille patron. L’arrière all-star passe des caps arizoniens : il avance à grands pas dans le classements des meilleurs scoreurs de la franchise, et il devient avec Chris Paul le second duo de All Stars de l’histoire des Suns.
Phoenix va faire une saison remarquable. Les playoffs vont démontrer toute leur qualité, et voilà que les Finales ouvrent leur porte à cette équipe. Pour la troisième fois depuis la création des Suns en 1968, l’équipe arizonienne est tout en haut. Elle perd contre des Bucks ultra costauds, mais TOUT dans cette saison reste inoubliable. Quel run, quel jeu, quel kif. On y a vu tout ce que le trio Book, Mikal et Cam J pourrait nous donner sur le long terme. Et on a tous mordu à l’appât.
Un record de Win comme chant du cygne
On a aussi vévu à ce moment là les premiers symptômes visibles de la frustration de et autour de Deandre Ayton. Comme si les premiers grains de sable s’était glissé dans cette belle mécanique, on a vu Deandre ne pas comprendre son rôle (dans le vestiaire et sur le terrain) et Monty Williams (et d’autres) ne pas comprendre son engagement et ses requêtes.
Les Suns vont tout de même taper le record de victoires de la franchise. 64-18 en bilan de la saison 2021-22. Pourtant, ils vont aussi perdre leur statut de darling. Le story-telling autour de Devin Booker s’obscurcit. En tant que fan des Suns, plutôt neutre sur le cas Booker, j’avoue que je n’ai jamais vraiment compris pourquoi. Phoenix crispe les fanbases, et les Suns sont l’équipe à abattre. Les Mavs font faire le boulot, dans une série catastrophique en tout point coté Suns.
Cette saison aura été sans doute le chant du cygne. Aucun des joueurs du cœur si attachant de l’équipe n’aura jamais été aussi bon. Et la désillusion n’en sera que plus grande. Voir ces gars rentrer aux vestiaires après avoir pris une fessée comme ça…
Et puis…
Tout va finalement se dérouler très vite. Les scandales autour du précédent propriétaire vont accélérer le changement d’ère des Suns. On s’imaginait continuer avec ce noyau merveilleux. A ce moment là, la fanbase aurait même pu entendre un trade intelligent autour de Deandre Ayton, pour libérer le pivot et assainir la situation. il sera finalement resigné en matchant une offre gourmande des Indiana Pacers. De son coté, prévenu qu’il ne serait plus titulaire, Jae Crowder décide de quitter le groupe. Les fans se réjouissent de voir Booker, Bridges et Johnson être titulaires ensemble dans le 5, et de voir Ayton de retour. C’était peut-être se bercer d’illusions…
Mais elles étaient chouettes et douillettes ces illusions. Alors pourquoi ne pas y croire ? Monty allait s’ajuster, Booker allait prendre sa place de patron avec un Chris Paul en lieutenant. Mikal serait au top du classement DPOY, et le shoot de Cam J serait aussi beau à voir qu’efficace !
… la fin
9 Février 2023, Mat Ishbia a le téléphone du front office à dispo depuis 48h. Vous connaissez le deal, je le connais aussi. Passons.
Émotionnellement, peu de fans des Suns vous diront qu’ils ont apprécié ce deal. Surtout les fans historiques. La dimension affective qui nous liait à Cameron Johnson et Mikal Bridges était invraisemblable. Ce trade a été et est encore un crève-cœur, tout Kevin Durant que soit la contre-partie. Ce n’est pas contre lui, d’ailleurs, on l’adore. Mais bon sang, quel crève-cœur. A-t’on pour autant appris de nos erreurs ? A-t’on imaginé la possibilité de voir ce nouveau proprio faire une tabula rasa complète et sans omission sur la franchise ?
Non. On s’est lancé, un peu groggy, dans cette campagne de playoffs. Les plus perspicaces d’entre nous n’ont pas cru en la victoire, contrairement à un nombre trop important d’observateurs. Moi j’y croyais, je me suis grave menti. On m’y reprendra pas. L’ascenseur émotionnel fout trop la gerbe. Merci mais non merci.
Table rase. Dès la fin de saison. Monty out. Chris Paul out. Cam Payne out. Torrey Craig out. Puis finalement, Ayton out. De l’effectif si attachant des finales 2021, il ne reste aujourd’hui que Devin Booker. Nous, les fans, on pleure cette époque bénie du Suns basketball pour des raisons affectives. On regarde ce qui nous attends avec scepticisme, avouons le. Moi, j’essaie de rationaliser. Reflex classique de chez classique d’un type qui collectionne les Suns PTSD comme PJ Tucker les sneakers. Je me dis « on verra bien » et je me lance dans des tableaux de stats avancés que je comprends à moitié (HELP).
On va pas lâcher cette franchise pour autant. L’attente est interminable, mais les matchs nous redonneront ce qu’on aime. Voir ce maillot sur des parquets, sur les épaules d’une équipe emmenée par Devin Booker. Qui sait, il y a peut-être des mecs dans ce roster qui nous prendront au cœur.