Suns 88, renaître de ses cendres

Depuis la finale perdue en 1976 contre les Boston Celtics, les Phoenix Suns s’affirment comme une des meilleures franchises de la conférence Ouest. La dynamique s’essouffle au milieu des années 80 et la morosité gagne l’Arizona. En 1987, les Suns touchent le fond et vivent le pire été de leur jeune histoire. Pourtant, en quelques mois seulement, Phoenix inverse la tendance pour entrer dans un nouveau cycle victorieux.

Le Waltergate

La saison 1986/87 touche quasiment à sa fin, il reste un match à Phoenix qui doit clore une régulière bien terne face aux Los Angeles Clippers. C’est une rencontre sans enjeux entre la pire équipe de l’histoire jusque là (seulement 12 victoires), et des Suns qui s’apprêtent à manquer les playoffs pour la deuxième fois consécutive, du jamais vu depuis 1975. Cependant, malgré la tristesse de l’affrontement qui s’annonce, la franchise de l’Arizona se retrouve à animer l’actualité du pays tout entier.

En effet, le 16 avril 1987, le shérif du comté de Maricopa officialise la mise en examen de trois joueurs des Suns pour des accusations relatives aux paris sportifs, la consommation et la vente de drogues. Au départ, on ne sait pas qui est visé par ce scandale, mais deux jours plus tard des noms sortent dans la presse. La situation est même pire que celle déclarée initialement, puisqu’on parle dorénavant de l’implication de six individus.

De jour en jour, les détails du dossier sont révélés et l’affaire concerne désormais une dizaine de personnes. Parmi les joueurs en activité, on trouve le pivot James Edwards, le meneur Jay Humphries et l’arrière Grant Gondrezick. Ces noms ne vous évoquent peut-être pas grand-chose, mais Edwards est un des joueurs clés de l’équipe et Humphries vient de poser le record de passes décisives pour un Suns sur une saison.

James Edwards, Grant Gondrezick et Jay Humphries, les premiers et principaux inculpés du Waltergate. © The Arizona Republic

Sur le banc des accusés se retrouve aussi Mike Bratz, un ancien Suns passé brièvement sans laisser de grands souvenirs. Surtout, on trouve Garfield Heard, ailier légendaire à Phoenix et auteur du tir le plus entendu de l’histoire de la NBA. Son dossier est particulièrement délicat, puisque c’est le maire de la ville qui le promeut à la tête d’un groupe de travail sur la toxicomanie au sein de la franchise de Phoenix.

Enfin, certains arrivent à négocier leurs immunités en échange de témoignages. C’est le cas du décevant rookie William Bedford, qui est entendu pour mettre en cause son colocataire suspecté d’avoir vendu des stupéfiants à des joueurs. Il y a aussi Alvin Scott, Curtis Perry, Johnny High et la légende Don Buse, tous sont d’anciens Suns. Tous sont cités dans les actes d’accusation comme ayant été présents lors de transactions ou d’en avoir eu connaissance, mais en retour de leurs dépositions, aucun d’entre eux n’est inculpé.

Cependant, celui qui est au centre de cette affaire n’est autre que la star de l’équipe, l’arrière Walter Davis. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il joue gros, en réalité il joue sa carrière. Déjà admis en cure de réhabilitation en 1985 pour abus d’alcool et de cocaïne, s’il est testé positif et selon les nouvelles règles antidrogue imposé par le commissionnaire David Stern, il serait tout simplement banni de la ligue.

Dès l’officialisation du procès, Walter Davis se rend de son plein gré en désintoxication. Comme d’autres, il obtient l’immunité en échange de son témoignage. Il devient un allié de poids pour le procureur James Keppel et l’affaire est ironiquement nommée le « Waltergate ». L’avocat de Grant Gondrezick, Larry Debus, n’est pas dupe de la manœuvre en cours et le fait savoir en déclarant ceci :

 Davis est évidemment le mouchard, mais pourquoi ? D’après l’acte d’accusation, il est le plus coupable de tous. Ils ont donné le requin pour récupérer les anchois. » Larry Debus

Mai 1987, un scandale qui ne touche pas que les Suns

L’affaire ne tarde pas à éclabousser la NBA entière, puisque par rebond, Dennis Johnson des Celtics, ainsi que Paul Mokeski et Jack Sikma des Milwaukee Bucks se retrouvent eux aussi suspectés même s’ils ne sont pas officiellement accusés. Cependant, il n’y a pas que des joueurs qui sont impliqués, on trouve entre autres, Joseph Benanito le photographe du club, Ramon Vives patron de restaurant, Charles Keenan son serveur, et James Jordan et Terrence Kelly propriétaire et serveur d’une boîte de nuit.

La NBA ne transige pas avec les combines liées au pari sportif, c’est d’ailleurs durant une de ces affaires que la ligue a sanctionné sévèrement des joueurs pour la première fois. Lors des années 50,une enquête sur ce que les Américains appellent le « point shaving » est menée contre le club des Indianapolis Olympians. La plupart des joueurs de l’équipe, dont la star Alex Groza, sont bannis de NBA pour triche avérée, la franchise des Olympians ne s’en remet pas et disparaît.

C’est exactement les mêmes accusations qui planent désormais sur Sikma, Mokeski et James Jordan, patron du fameux night-club le « Malarkey’s ». Le serveur Charles Keenan affirme qu’un joueur des Suns, en présence de Sikma et Mokeski, dit à qui veut l’entendre que le total de points des deux équipes sera inférieur à 226. Phoenix perd sur le score de 115 à 107, soit 222 points cumulés, les parieurs ayant misé sur le « under » ramassent une bonne centaine de milliers de dollars. La police de Phoenix saisit alors une vidéo de la rencontre Suns-Milwaukee qui s’est tenue le 21 février à Phoenix afin d’étudier le déroulé du match et de conclure si les suspects ont influencé son résultat.

Don Nelson, le coach des Bucks à ce moment-là, s’exprime devant la presse et dit avoir regarder à nouveau la rencontre et que rien ne montre un comportement particulier de ses joueurs. Une conférence de presse est organisée pour que Sikma et Mokeski puissent s’expliquer. Jack Sikma se déclare furieux et regrette de voir son nom associé à une telle histoire. Le journeyman Paul Mokeski apparaît fortement secoué par les répercussions de l’affaire et il lutte pour retenir ses larmes.

J’ai deux enfants et une femme à la maison. Quand des choses comme ça sortent dans les journaux cela affecte vos vies. Quand cela sort, il n’a rien que vous puissiez faire et ma famille et très importante pour moi. » Paul Mokeski

Dennis Johnson des Boston Celtics dément toutes les accusations faites à son encontre et qui proviennent de l’ancien Suns Johnny High, qui prétend avoir consommé de la cocaïne avec celui qui fut un temps son coéquipier. Autant vous dire que les Celtics qui sont encore de sérieux contenders pour le titre NBA ne tardent pas à réagir dans la presse. La franchise du Massachusetts est formelle, elle fait confiance à son meneur et déclare ne pas envisager de le contrôler. Dennis Johnson affiche sa sérénité et dit qu’il est prêt à se faire tester n’importe quand et autant de fois que la justice le souhaite.

Le Waltergate touche également des joueurs en tous points innocents, mais qui, parce qu’ils sont des Suns, deviennent suspects. C’est le cas de Jeff Hornacek, le jeune arrière doit à plusieurs reprises répondre aux interrogations de journalistes ou fans qui se demandent si lui aussi n’est pas un junkie. Davis et Hornacek ce sont rapidement liés d’amitié et partagent leur passion pour le golf, mis sous pression, Hornacek se confie sur la dépendance de son camarade.

Ce n’est pas une situation où on peut mépriser un coéquipier. Walter est un peu accro, mais je ne pense pas que les autres gars le sont. Je pense qu’aucun d’entre eux ne l’a fait avant un match. Ils étaient des consommateurs occasionnels et le faisaient peut-être lors des fêtes après les matchs. » Jeff Hornacek

Pour ne rien arranger, Walter Davis perd sa mère quelques heures après avoir pris le petit déjeuner avec elle. Dernier d’une fratrie de douze enfants, Walter Davis subit maintenant un douloureux nouveau deuil seulement une semaine après la mort de son père. La star des Suns est en train de vivre le pire été de son existence, et les drames humains ne font que commencer pour les acteurs de cette histoire.

Walter Davis face à Dennis Johnson des Celtics. © The Arizona Republic

Juin 1987, les premiers abandons de charge

Le mois de juin commence avec l’annulation de quelques charges retenues contre le joueur Mike Bratz, le gérant de club James Jordan, le serveur Terrence Kelly du restaurant Avanti et son patron Ramon Vives. La raison pour laquelle ces accusations sont abandonnées est la mort de l’ancien Suns, Johnny High.

Johnny High décède après avoir percuté un panneau de signalisation avec son véhicule un samedi soir à deux heures du matin. L’autopsie démontre qu’il est considéré en état d’ébriété avec 0,11 % d’alcool dans le sang, mais dans la presse et au vu de la portée de l’affaire, certains jugent ce décès comme mystérieux, voire suspect.

High était le témoin principal dans les accusations visant Bratz, Kelly, Jordan et même Johnson, Sikma et Mokeski. Maintenant, le seul à pouvoir fournir des précisions sur cette partie du procès est Walter Davis. Les avocats demandent alors à recevoir le dossier médical et psychiatrique de Walter afin de savoir s’il est mentalement compétent pour apporter un témoignage sûr. La défense souhaite jouer la carte du junkie accro qui manque de cohérence et de fiabilité.

Au-delà de ça, l’accusation commence à montrer qu’il y a beaucoup de trous dans ce dossier. Par la suite, c’est même des poursuites envers James Edwards qui sont abandonnées après que Alvin Scott soit revenu sur ses propos. Puis James Jordan et Ramon Vives, se voient presque lavés de tout soupçon, mais le serveur Terrence Kelly est lui le premier à partir en prison pour transport et vente de narcotique ainsi que pour obstruction d’affaire criminelle.

Août 1987, l’été meurtrier

Le scandale devient l’espace d’un instant secondaire avec un événement qui secoue la nation tout entière, mais aussi toute la franchise des Phoenix Suns. Le 16 août 1987 à 20 h 42, un avion de la Northwest Airlines s’écrase à Detroit après seulement 14 secondes de vol et fait 156 morts, ce qui est le deuxième accident aérien le plus meurtrier de l’histoire des États-Unis. Le drame ne laisse qu’une survivante, la petite Cecelia Cichan âgé de quatre ans.

Les images impressionnantes des débris du vol NW 255. La survie de la petite Cecelia Cichan tient du miracle. © The Associated Press

Sur la liste des victimes se trouve le nom de Nick Vanos, jeune pivot en pleine ascension et rayon de soleil dans la morosité des Suns. Bien qu’il soit un joueur de bout de banc, les nombreuses blessures de James Edwards et autres intérieurs de l’équipe ont propulsé Vanos dans le cinq de départ. C’est une titularisation qui arrive en fin de saison et qui voit les Suns réussir un finish canon avec 10 victoires pour 3 défaites.

L’énergie de Vanos conquit le public qui en fait son chouchou, il floque des t-shirts et brandit des pancartes avec le slogan « Let Nick play ». Avec 5 points, 6 rebonds et 1,5 passe en 21 minutes de jeu, Nick Vanos se montre capable de tenir la raquette grâce à son activité et son envie. Le jeune intérieur est même bien parti pour devenir le prochain titulaire à son poste, les Suns étant lassés par la présence régulière de James Edwards à l’infirmerie.

Le rêve de Nick Vanos prend fin à l’aéroport de Detroit, alors qu’il venait de rendre visite pour la première fois aux parents de sa fiancée Carolyn. Le choc est terrible pour toute la franchise et lors de la saison à venir, un brassard noir en son hommage est porté toute l’année. John Wetzel, coach de Phoenix, est anéanti et décrit la mort de Vanos comme le pire moment de sa carrière.

Quand il a eu la chance de jouer en fin d’année, il s’est montré prêt et a très bien joué. Il était aimé et respecté par ses partenaires parce qu’il travaillait dur pour devenir meilleur. » John Wetzel

Le 18 août, le procès refait surface dans la presse, mais avec moins d’impact du fait du crash aérien qui met en deuil de nombreuses familles à Phoenix. Cependant, on apprend qu’une fois de plus des charges contre le photographe Joseph Beninato, le colocataire de William Bedford et les dernières concernant James Jordan sont toutes abandonnées.

Nick Vanos à la lutte avec le pivot de Utah, Mark Eaton. © NBA.com

Septembre 1987, un procès qui fait pschitt

Le plus grand scandale sportif de l’histoire des Suns se termine finalement en laissant la réputation des joueurs totalement intacte. Rien ne démontre la culpabilité de James Edwards ou Jay Humphries, qui en acceptant de suivre un programme lié à leur consommation de marijuana se voient être mis hors de cause.

Quand le procureur du comté de Maricopa et le chef de la police de Phoenix ont organisé au mois d’avril une conférence de presse pour inculper les Suns, tout portait à croire que le dossier était solide. Seulement cinq mois plus tard, l’absence de preuve flagrante dans ce qui devait être un procès de premier plan devient un fiasco judiciaire.

En effet, les motifs d’accusations sont aujourd’hui plus suspects que les accusés. Si on prend le cas de Garfield Heard, rien ne révèle la moindre implication dans une affaire liée à la drogue ou autre. Pour quelques journalistes, sa présence dans le dossier n’est qu’une vengeance politique envers le maire de Phoenix.

Il se peut que la victime la plus impactée par cette affaire soit en réalité Walter Davis. La justice a profité de lui et de sa peur d’être banni à vie de NBA afin de le faire parler et d’accusé ses coéquipiers pour de simples soupçons remontant à une enquête lancée en 1985.

Les procureurs ont mis Walter dans une position où il n’avait d’autres choix que de fournir les informations qu’il possédait. Ils l’ont mis dans une situation dans laquelle personne ne voudrait se retrouver. » Jerry Colangelo

Walter Davis, le délateur, doit désormais retrouver les partenaires qu’il a dénoncés dans les vestiaires et sur le terrain. Ses coéquipiers James Edwards et Jay Humphries confient ne pas lui tenir rigueur de toute cette histoire et qu’ils se présenteront aux camps d’entraînement en professionnels.

Quelques-uns des accusés ne vont pas s’en sortir aussi bien que les autres. C’est le cas de Grant Gondrezick, condamné à trois ans de probation pour possession de drogues et subordination de témoins. D’autres rôles secondaires du procès reçoivent également des sanctions, mais on est loin, très loin, d’être sur l’affaire du siècle annoncée en avril. Ce qui a commencé par une histoire de pari sportif impliquant notables de la ville et joueurs NBA rémunérée avec de la cocaïne n’est finalement qu’une tempête dans un verre d’eau.

Les Suns annoncent une nouvelle attitude pour la saison à venir, histoire de faire oublier un été qui a terni la réputation des joueurs.

Novembre 1987, la saison arrive

Dernier rebondissement de cet été éprouvant, le rachat des Suns par Jerry Colangelo pour le montant record à l’époque de 44 millions de dollars. Jerry Colangelo est la figure emblématique des Phoenix Suns et durant l’intersaison des murmures sont parvenus à ses oreilles. Les bruits de couloirs tendent à lui faire croire que le club est prêt à être vendu et même délocalisé. Jerry Colangelo ne peut se résoudre à laisser partir ce qu’il considère comme son équipe. Il monte un dossier avec des investisseurs et mi-octobre, la ligue annonce le rachat des Suns qui restent à Phoenix.

Un autre événement synonyme de renouveau survient bien avant le mois de novembre, c’est la draft de 1987. Les Suns sont en bonne position pour avoir le premier choix qui ne peut-être personne d’autre que l’Amiral David Robinson. Mais on le sait les Suns ne sont pas une équipe en veine lorsqu’il s’agit de draft et de bigmens. Ils obtiennent le deuxième pick et ils décident de choisir Armen Gilliam en provenance de UNLV.

Une draft qui semble difficile à décrypter à l’époque, les équipes convoitent en priorité les gros gabarits et les Suns hésitent entre Gilliam et Derrick McKey. Des noms aujourd’hui légendaires comme Reggie Miller ou Scottie Pippen ne sont pas un instant envisagé. Le profil musculeux et capable de shooter de Gilliam séduit les Suns qui souhaitent renforcer leur secteur intérieur.

Malheureusement pour le rookie et son club déjà privé de Larry Nance, il se fracture l’orteil lors du second match de la saison et manque 27 rencontres. C’est le vétéran de 33 ans Alvan Adams qui le remplace dans le cinq de départ. Avec 4 victoires pour 10 défaites, la saison commence doucement. Toutefois, l’espoir est de mise avec le retour de Larry Nance même si la guigne continue avec la blessure de Eddie Johnson à la fin du mois de novembre.

Armen Gilliam le choix numéro de la draft 1987, tout sourire de rejoindre les Suns malgré le scandale qui vient de retentir. © The Arizona Republic

1987/88, mourir pour mieux renaître

En réalité, les blessures ne cessent de rythmer la saison de Suns qui change de cinq de départ comme on change de caleçons (17 cinq de départs différents). Ils ne sont que deux à participer aux 82 matchs de la régulière, Jeff Hornacek et Alvan Adams. La malchance touche également Walter Davis, qui se blesse au début du mois de décembre et il manque 14 rencontres.

Vers mi-février les Suns affichent le bilan calamiteux de 16 victoires pour 35 défaites. La saison est d’ores et déjà un fiasco et il devient urgent de changer la dynamique de cette équipe à la peine et dont l’intersaison a laissé bien trop de traces. Le premier mouvement survient le 25 février, le pivot James Edwards et envoyé à Detroit contre Ron Moore et un second tour de draft de 1991 qui se transformera en Richard Dumas.

Le lendemain, est une journée chargée avec pour commencer le transfert de Jay Humphries, lui aussi inculpé pendant l’été dans le Waltergate. Il est envoyé à Milwaukee en échange du sniper Craig Hodges et d’un pick de draft qui deviendra le solide et très utile poste cinq, Andrew Lang.

Le trade à venir montre la volonté de Jerry Colangelo de repartir à zéro puisque cette fois c’est Larry Nance qui fait ses valises. Il est envoyé avec Mike Sanders à Cleveland avec comme contre partie Tyrone Corbin, Mark West et le rookie Kevin Johnson. Mais ce n’est pas tout, de nombreux tours de draft sont dans le package dont un qui deviendra l’année suivante, Dan Majerle.

Le transfert de Larry Nance contre ce qui sont à l’époque trois jeunes recrues dont on ne sait pas quel est le plafond, présente le risque d’avoir perdu un All Star pour des cacahuètes. En réalité, le plus gros de la carrière de Nance est derrière lui et attendre la fin de saison pour l’échanger n’était pas un gage d’avoir mieux. Avec ce trade, les Suns partent dans l’inconnu, mais ils n’avaient pas beaucoup d’autres choix.

Les Suns ne le savent pas encore, mais ils viennent de signer trois joueurs qui vont cumuler 1873 matchs pour le compte de leur nouvelle franchise. Kevin Johnson est une recrue qui a besoin de prendre ses marques dans la grande ligue, mais il est des plus prometteur. Il démarre son arc arizonien en tant que sixième homme et c’est Jeff Hornacek qui occupe le poste de meneur de jeu.

Cette deadline de 1987 est rétrospectivement une véritable master class de la part du staff de Phoenix, même si ces Suns newlook commencent avec neuf revers consécutifs. Cependant, la saison se termine sur une note positive avec 11 victoires pour 10 défaites et montre qu’ils sont sur la bonne voie. Le 29 avril, cinq jours après le terme de la régulière, Alvan Adams annonce qu’il se retire après avoir joué 988 rencontres sous le maillot des Suns en 13 saisons.

Cette exercice 87/88 fût des plus éprouvant pour le pivot des Suns, lui qui a connu les plus grands moments n’a plus la force de continuer après avoir vécu les pires. Walter Davis, l’autre légende et centre de toute l’attention de cette horrible année sort d’une saison statistiquement correct mais qui est sa dernière à Phoenix.

Walter Davis, contrairement aux autres parias Edwards et Humphries, n’a pas été échangé en février. Jerry Colangelo explique qu’en raison de son passé, de son âge (33 ans), et de son déclin technique, il n’était pas possible de le transférer. Après 766 rencontres avec Phoenix, 6 sélections All Star, 2 All NBA second team, un titre de rookie de l’année, et 20,5 points de moyenne, Walter Davis quitte Phoenix et signe un contrat avec les Denver Nuggets en tant qu’agent libre.

Les SUNS honorent Walter Davis lors du Black History Month
En 2016, les Suns se rappellent aux bons souvenirs de leur ancienne star Walter Davis aka « Sweet D » lors du Black History Month.

Intersaison 1988, une masterclass ?

Après l’annonce de la retraite de Alvan Adams et la signature de Walter Davis à Denver, c’est un autre départ qui marque ce début d’intersaison. C’est le coach John Wetzel qui est remercié et remplacé par Cotton Fitzsimmons qui a déjà occupé le poste lors des deux premières saisons de Phoenix en NBA de 1970 à 1972. Fitzsimmons rejoint les Suns en janvier 1987, il est un des acteurs principaux de l’élaboration du transfert de Larry Nance.

Les bonnes décisions du duo Fitzsimmons/Colangelo continuent lors de la draft de 1988, même si en réalité, leur plus haut pick est aussi leur pire. Avec le septième choix, les Suns s’offrent les services de Tim Perry, un ailier fort en provenance de l’université de Temple et qui vient de clore une année à 15 points et 8 rebonds de moyenne. Il convainc Phoenix de le prendre grâce à un très bon tournoi d’été où il termine meilleur joueur. Cependant, il ne parviendra jamais à confirmer les espoirs placés en lui malgré quatre années sous le maillot des Suns.

La vraie bonne pioche se fait avec le quatorzième pick, l’arrière de Central Michigan Dan Majerle rejoint les Suns même si c’est au départ un choix largement critiqué. C’est sous les huées du public que Thunder Dan est accueilli le soir de la grande loterie. Jerry Colangelo est particulièrement déçu par la gronde qui touche son nouveau protégé, le temps lui donnera raison puisque Majerle s’apprête à devenir un des chouchous de la ville et un rouage majeur de leur succès.

Les autres choix sont Andrew Lang et un petit blondinet à qui l’on ne donne pas cher de sa peau en NBA, un certain Steve Kerr. Les deux hommes ne marquent pas l’histoire de la franchise, mais ils sont de solides joueurs qui feront de belles carrières. Reste maintenant à voir quelles bonnes affaires peuvent faire les Suns pendant la Free Agency.

Mois de juin, la presse de l’état de Washington reporte qu’il y a de la friture sur la ligne entre l’ailier fort scoreur Tom Chambers et le front office des Seattle Sonics. Apparemment, le grand blond en a gros sur la patate après une offre de seulement 5 millions sur quatre ans de la part de son club. Les Suns en profitent et offrent 9 millions de dollars sur cinq saisons à Chambers qui accepte la proposition.

Alors on sait bien que Tom Chambers n’est pas une star qui peut mener la franchise au titre, mais les salaires augmentent et il apparaît que c’est finalement peu cher payé pour un joueur de cette trempe. Tom Chambers peut aider grâce à sa polyvalence, et contrairement à Danny Schayes un temps pressenti, il peut évoluer à plusieurs postes. Une fois de plus, Phoenix a fait un choix qui s’avérera payant dans le futur.

D’autres mouvements sont faits avant et en cours de régulière, mais rien de significatif, le transfert de Craig Hodges contre Ed Nealy en décembre ou la signature de T.R Dunn en janvier ne sont que des ajustements. Sur les douze joueurs principaux alignés lors de la 1988/89, seul Jeff Hornacek, Armen Gilliam et Eddie Johnson étaient présents au début de la saison précédente. C’est un effectif complètement remanié qui est présenté au mois de novembre et rien ne laisse à penser que les résultats soient immédiatement au rendez-vous.

"Une des meilleures décisions de ma vie", avec le recul Tom Chambers ne regrette pas sa signature avec les Suns. © The Arizona Republic
« Une des meilleures décisions de ma vie », avec le recul Tom Chambers ne regrette pas sa signature à Phoenix. © The Arizona Republic

Saison 1988/89

Avec la nouvelle saison qui arrive vient le temps des fameuses previews. Alors en ce temps-là pas d’apéro à prendre le lundi en dégustant un petit quinoa, mais on peut s’en remettre à celle présentée par le journal « The Arizona Republic ». Le moins qu’on puisse dire c’est que le canard le plus lu de l’état n’est pas spécialement optimiste. On pense que l’équipe locale peut faire mieux que 28 victoires, mais on les voit en milieu de tableau aux alentours de la 18ème place.

Pourtant, à la fin de la saison, Cotton Fitzsimmons reçoit le trophée de coach de l’année et Jerry Colangelo celui du meilleur General Manger, le signe d’une campagne 88/89 en tous points réussie. Avec 57 victoires pour 25 défaites, les Suns new-look de Fitzsimmons et Colangelo ont montré des qualités de cœur formidable, souvent menés, mais rarement vaincus, Phoenix joue bien et ne lâche jamais rien.

Tom Chambers est extraordinaire, l’ailier est dans son prime et aligne 26 points et 9 rebonds de moyenne. Il est dans le top 10 du vote de MVP, il est All Star et choisi pour faire partie de la NBA All Second Team. L’autre vétéran de 29 ans Eddie Johnson est lui relégué sur le banc, mais avec un rôle de sixième homme qui convient parfaitement à ce pétard ambulant. Avec presque 22 points de moyenne, l’incandescent Eddie Johnson est élu meilleur sixième homme de NBA.

Les jeunes loups de l’équipe ne sont pas en reste et en particulier Kevin Johnson, le nouveau meneur titulaire des Suns. C’est tout simplement une saison historique de sa part avec 20 points et 12 passes décisives de moyenne, un exploit rare en NBA. Seulement quatre joueurs dans toute l’histoire ont réussi pareille performance avec Magic Johnson qui le réalise deux fois, mais aussi Isiah Thomas et plus récemment Trae Young (tous deux une fois).

Kevin Johnson est incroyable de vitesse, ses dunks sont tonitruants, il est le prototype du meneur du futur, scoreur et athlétique. Il est récompensé avec une huitième place au vote de MVP, une place en All NBA 2nd Team, une sélection All Star et le trophée de la meilleure progression de l’année, le MIP Award.

Les Suns passent en une saison d’équipe la plus controversée de la ligue à franchise qui rafle quatre des sept récompenses individuelles majeures de la NBA. Le bond réalisé en l’espace de quelques mois est phénoménal, rares sont les clubs à réussir pareil twist en si peu de temps. La volte-face des Phoenix Suns fait passer le « Process » des Philadelphia Sixers pour une démarche aussi longue que le trajet de Frodon vers le Mordor.

Le sophomore Armen Gilliam et Jeff Hornacek continue leur progression. Dan Majerle est un rookie qui offre de bonnes minutes et qui charme par son tempérament combatif quand Mark West montre qu’il est un pivot solide capable de tenir une raquette. Les playoffs arrivent à grands pas et les défauts de cette équipe restent la jeunesse et l’inexpérience, mais rien de grave, car la saison est d’ores et déjà un succès.

Kevin Johnson, le MIP de la saison 1988/89. © The Arizona Republic

Playoff 1988/89, Arizona Dream

Les premiers adversaires des Suns lors de ces phases finales sont les Denver Nuggets de Alex English, Michael Adams, Fat Lever et un certain Walter Davis. Le Run & Gun des Nuggets se pointe dans l’Arizona et les fusils sont chargés puisque English tourne à 26 points, Adams 24, et Davis est également en feu avec 26 points de moyenne. Les pistoleros du Colorado cumulent 76 points à eux trois, et mènent la vie dure à Phoenix malgré une élimination en trois matchs.

Walter a été sensationnel. Je l’ai vu beaucoup jouer dans cette arène mais je ne l’ai jamais vu shooter aussi bien. » Cotton Fitzsimmons

Phoenix arrache le Game 1 dans les ultimes secondes pour une victoire 104 à 103. Michael Adams est absent pour ce premier match, mais les Nuggets peuvent compter sur un Walter Davis de grande classe. Il termine la rencontre avec 34 points et 52 % de réussite, et il se montre extraordinaire dans les dernières minutes. Les Suns mènent de 14 points dans le quatrième quart temps à huit minutes du terme, mais ne marquent plus que 2 points grâce à un tir de Eddie Johnson à 12 secondes de la fin. Le score est de 102 à 101, la tension est à son maximum.

Walter Davis répond et donne l’avantage aux Nuggets avant que Tom Chambers ne se retrouve sur la ligne des lancers francs pour remettre les siens sur les rails de la victoire. Le héros de la soirée est la recrue Dan Majerle qui fait oublier les huées de la draft grâce à une interception sur une remise en jeu trop molle de Bill Hanzlick. Dan Majerle s’empare du ballon, et part claquer un dunk après le buzzer devant une foule qui explose de joie. Les Suns s’imposent dans un match de playoff pour la première fois depuis le 23 mai 1984, un véritable moment de libération pour les fans et la franchise.

Les deux autres rencontres se gagnent avec moins de tensions et les Suns doivent maintenant faire face aux Golden State Warriors de Don Nelson. Une fois de plus, Phoenix doit courir, puisque les Warriors pratiquent également un jeu à Pace élevé, ils sont d’ailleurs la deuxième équipe de la ligue dans ce domaine derrière les Denver Nuggets. Don Nelson s’appuie également sur un trio de scoreurs avec sa star Chris Mullin, l’ailier Terry Teagle et le rookie Mitch Richmond. On note également la présence de Winston Garland, le papa de Darius des Cleveland Cavaliers.

Ce second tour est une formalité, les Suns l’emportent 4 à 1 et Dan Majerle s’impose comme une valeur sûre avec plus de 17 points de moyenne. Tom Chambers est le facteur clé de cette série, si on lui colle sur l’aile un joueur trop petit, il le punit au poste. Quand il est positionné au pivot, Don Nelson tente de le gêner avec le géant de 2m30 Manute Bol, mais Chambers utilise sa vitesse pour le laisser sur place et scorer. Avec 26 points, 9 rebonds, 4 passes, 1 contre, 1 interception et 96 % de réussite aux lancers, Chambers est le MVP incontestable de ce round.

Les Suns, bien qu’ayant affronté des franchises qui attaquent aussi bien qu’elles ne défendent mal, créent la surprise avec leur qualification pour les finales de la conférence Ouest. Cette fois, le rêve arizonien prend fin logiquement face aux incontournables Los Angeles Lakers de Magic Johnson et Kareem Abdul-Jabbar. Ce dernier n’a même pas besoin de procurer d’effort dans ce round et ne passe en moyenne que 18 minutes sur le terrain. Le vieux Kareem âgé de 41 ans peut se reposer avant la finale face aux Detroit Pistons.

Eddie Johnson est éteint par Michael Cooper et Byron Scott, il sort un horrible 32 % de réussite aux tirs. Le jeune Armen Gilliam surnommé « The Hammer » est relégué au simple rang de maillet, et Dan Majerle est lui aussi des plus maladroit. Ce tour est remporté haut la main par les pourpres et ors qui balayent les Suns, 4 à 0. Cependant, la tristesse n’est pas de mise et il est même impossible de trouver un fan déçu après cette élimination.

Nous avons été là malgré les défaites, les affaires et les transferts. Nous ne sommes pas disposés à leur tourner le dos maintenant. Ils ont été formidables. Les Suns sont jeunes, les Lakers sont vieux, attendez l’année prochaine. » Eileen Billow fan des Suns

Phoenix, nouvelle place forte de NBA

Les prédictions des fans se montrent exactes, puisque la saison suivante, Phoenix se venge des Angelinos en infligeant un autoritaire 4 à 1 à Magic et consort lors du second tour des playoffs de 1989. Ils ne passent pas l’obstacle Blazers, Portland s’impose 4 à 2, mais les Suns s’installent au sommet de leur conférence et ne sont pas prêt de lâcher leur position.

La saison 1987/88 est la pire de leur histoire, une des légendes du club est mise sur le bûcher pour les ambitions d’un procureur qui monte un dossier sans preuve. Une catastrophe endeuille toute l’équipe avec le décès de Nick Vanos, la franchise est à deux doigts d’être délocalisée, mais un an plus tard elle revient sur le devant de la scène pour devenir une des places fortes de NBA.

Pendant sept saisons d’affilée, les Phoenix Suns terminent avec des bilans supérieurs à 50 wins, avec en point d’orgue la saison 1992/93 qui se finit en apothéose avec 62 succès et une finale NBA. Il faut ensuite attendre 2014 pour revoir les Suns dans une dynamique négative avec six régulières de disette. Bien qu’ayant connu des creux, relativement courts, les Suns deviennent une des équipes les plus victorieuses pendant plus d’un quart de siècle.

Avec presque 54 % de victoires en 57 ans d’existence, les Phoenix Suns sont la sixième franchise de NBA en termes de pourcentage de victoires. Il ne manque qu’un championnat à Phoenix pour ne plus être avec les Utah Jazz, les seules équipes du top 10 des clubs les plus triomphants sans avoir gagné de titre. Depuis 2020, les Suns sont à nouveau des prétendants, ils ratent de peu le coche face aux Milwaukee Bucks, mais rien ne présage qu’ils sont en mesure de garnir enfin leur armoire à trophée. Cependant, aucune crainte à avoir, Phoenix renaît toujours de ses cendres.