Quel fan des Suns n’a pas un jour rêvé de discuter les yeux dans les yeux avec Steve Kerr ? Lui parler de ses années de General Manager des Suns, entre 2007 et 2010 par exemple. Pour beaucoup, ces années sont autant de souvenirs déchirants. Marquées par la fin de l’ère du 7″ or less à Phoenix, le démantèlement du big 3 Steve Nash / Shawn Marion / Amar’e Stoudemire, et le départ de la légende, coach Mike D’Antoni.
2023, une partie de la fanbase des Suns a la boule au ventre en voyant la fin de l’ère Monty Williams à Phoenix. Mikal Bridges, Cam Payne, Cam J, Chris Paul… ces gars là sont partis. Alors qu’une nouvelle ère s’ouvre et qu’il faudra bien se projeter avec cette superteam, les souvenirs de Steve Kerr et de ses décisions pointent le bout de leur sale museau qu’on a pas du tout envie de voir pointer…
Mais comme toujours quand on parle de souvenirs, on est aussi en droit de se poser deux secondes. Interrogeons les faits. Rapidement, une question vient : Steve Kerr est-il responsable à lui seul de la fin de cette ère bénie pour les Suns ? On va tenter de répondre en revenant sur la chronologie du démantèlement lent et douloureux d’une des plus belles équipes de basketball all time.
Article plus long que d’habitude, mais promis on va se régaler.
2007 : contexte
Les Suns sont une des toutes meilleures équipes NBA. Patron de la meilleure attaque de la league, Steve Nash obtient très logiquement son troisième MVP finit second du classement MVP derrière Dirk Nowitski après avoir glané le trophée deux fois de suite. Amar’e Stoudemire est un des tout meilleurs intérieurs de l’époque. Shawn Marion est partout en défense comme en transition. Boris Diaw n’en finit pas de faciliter le jeu. Raja Bell est élite defense à son poste tout en étant très chaud du parking… Les Suns sont brillants.
Bilan de 61-21, mais défaite en demi-finales de conférence. Dans une série qui sentait la poudre d’une rivalité à son paroxysme : Robert Horry envoie Steve Nash s’exploser dans les panneaux publicitaires. Moment historique qui cristallise l’injustice des décisions de la league : STAT et Boris sont suspendus pour être sortis du banc…
2007-2008 : là où tout bascule
part 1 : Shawn Marion, Kevin Garnett et Shaquille O’Neal
L’été commence dans l’Arizona, et Steve Kerr, présent au board de la franchise depuis 2004, annonce qu’il prend le rôle de General Manager, à la place de D’Antoni qui cumulait cette casquette à celle de coach. Son été va être chargé. Après avoir signé Grant Hill en free agent à un tarif sans concurrence, Kerr va en effet avoir à dealer avec les exigences contractuelles de Shawn Marion. L’ailier all-star va faire savoir à son front office sa volonté de signer un max deal. Dans l’Arizona, ou ailleurs. Très vite, l’histoire pèse sur les décisions du Front Office des Suns, alors même qu’une rumeur incroyable bat son plein : un deal à trois ou quatre teams pour faire venir Garnett dans l’Arizona.
Oui oui, il existe un univers où Kevin Garnett débarque chez les cactus dans un deal alambiqué, et où son Big 3 aux Celtics n’existe jamais. Mais dans cet univers, Marion consent à prendre un deal moins onéreux aux Suns. Ce qu’il n’a pas fait dans le notre. Garnett n’a donc jamais rejoint l’Arizona, et Shawn Marion, devant la fermeté de Steve Kerr et du Front Office des Suns, a fait savoir son mécontentement en signifiant qu’il ne resignerait pas en dessous du max.
part 2 : l’arrivée du Big Cactus
Un peu comme avec Harden aujourd’hui, la situation va prendre du temps à se décanter. Mais le 6 Février 2008, Shaquille O’Neal devient le Big Cactus pendant que Shawn Marion et Marcus Banks posent leurs valises en Floride du coté du Heat. Kerr en finit avec les négociations en libérant la légende absolue des Suns pour récupérer un pivot encore capable de peser dans le jeu, mais dont le style et la condition physique programment la fin du jeu rapide des Suns de D’Antoni. Les carottes sont déjà cuites, mais la fin va être lente et douloureuse…
Mes souvenirs d’époque sont très clairs. Shaq arrive, Marion part, et une question me trotte dans la tête, comme dans la tête de toute une fanbase : on a pas eu de vrai pivot depuis une grosse décennie, pourquoi maintenant ?
Voilà. Les Suns passent de l’espoir d’avoir Garnett à celui de garder Marion, pour finalement récupérer un vieillissant Shaquille O’Neal. Steve Kerr aura été sans pitié, Marion aussi. La NBA est un business assassin. Pour la petite histoire, Marion essaiera de choper un max à Miami. Qui ne lui proposera qu’un deal un poil en dessous… Il demandera son trade, et partira aux Mavs… Vous connaissez la suite. Les Suns iront eux s’écraser la tronche au premier tour des PlayOffs 2008, une nouvelle fois contre les Spurs.
2008-2009 : de bascule à cassure
part 1 : bye Mike
Le 8 juin 2008, les Suns et leur GM Steve Kerr annoncent l’arrivée de Terry Porter à la tête de l’équipe, en remplacement de Mike D’Antoni. Si Steve Kerr avait déclaré ne pas vouloir couper Mike D’Antoni, il ne l’a pas non plus retenu quand les sirènes des Knicks ont sonné dans ses oreilles. Une des plus grandes pages du coaching des cactus se tourne avec le départ de l’architecte révolutionnaire du jeu flamboyant des Suns. 7″ or less is done and gone. Porter est là pour ses aptitudes de coach offensif capable de prendre le relai de Mike D’Antoni. Mais aussi pour son intransigeance défensive, qui faisait la qualité de son rôle d’assistant coach aux Detroit Pistons jusqu’alors. Nul doute également que Kerr ait fait le choix de faire venir un allié de poids dans l’organisation. Porter et lui avaient partagé le maillot des Spurs entre 1999 et 2001.
part 2 : gagner un peu, s’ennuyer beaucoup
Terry Porter va donc prendre la relève alors que la fanbase des Suns n’a pas encore perdu tout espoir de première bague. Les Suns vont développer un jeu qui leur octroie un bilan honorable de 11-5 fin Novembre. Mais en 15 petits jours, tout va s’écrouler. Une série de 4 défaites pour 1 victoire va délier les langues. L’équipe se réunit après un entraînement pour que les joueurs se parlent. Steve Nash déclare même à la presse :
On doit trouver de l’excitation à nous voir chacun réussir et heureux les uns et les autres… On ne s’éclate pas sur le parquet, moi le premier. On est comme sclérosés par les attentes qui pèsent sur nous…
Le nouveau coach des Suns appuiera les déclarations de Steve Nash, blâmant les attentes du public autour de l’équipe (un comble !). Il poursuivra en roue libre, en s’en prenant à Amar’e, véritable arme de pointe de l’équipe mais mécontent de sa place dans le jeu et du nombre de systèmes qui lui sont dévoués. Bref, les Suns n’y sont pas. Ils ne donnent plus autant de satisfaction dans leur jeu de transition si légendaire. Ils peinent à trouver des solutions. Steve Kerr s’en rend compte. Note. Et va agir.
part 3 : l’arrivé de J-Rich, le départ de Diaw et Raja
Le 10 Décembre, deux autres légendes des Suns font leurs valises. Boris Diaw et Raja Bell quittent l’Arizona et rejoignent les Charlotte Bobcats en échange de Jared Dudley et Jason Richardson. Alors que Terry Porter essayait tant bien que mal, et on ne sait pas vraiment pour quelle raison, d’instaurer de gros principes défensifs chez les Suns, le Front Office décide donc de trader deux profils défensifs pour un gros attaquant. Un choix curieux et qui le restera, même si J-Rich signera de très beaux highlights et de grosses perfs sous la tunique orange et violette. Porter ne finira même pas la saison, remplacé par Alvin Gentry. Steve Nash sera inconsolable après le départ de son super pote Raja Bell…
Les attentes pèsent toujours. Trader autant pour rien, ce serait impardonnable. L’écho de ces souvenirs dans la période que vit la fanbase des Suns aujourd’hui, avec l’ère Ishbia, c’est pas pour rigoler. Mais les Suns de Porter et Kerr vont stagner dans le ventre mou de la conférence Ouest sans parvenir à trouver leur jeu et leur identité. Le voile couvre la franchise avant même les PlayOffs, alors que Phoenix termine sa saison 9ème de sa conférence. Une énorme déception encore aujourd’hui.
2009-2010 : le chant du cygne
part 1 : l’auto-désaveu de Steve Kerr
La saison précédente actait cette rupture entamée depuis 2007. Amar’e Stoudemire, plus que jamais vocal sur son mal-être dans l’équipe et principalement dans le jeu, arrive à une petite année de la fin de son contrat, et devient une monnaie intéressante dans les plans de Steve Kerr. Des rumeurs l’envoient notamment à Chicago… Pourtant, il n’en sera rien.
Le premier move de Steve Kerr, c’est de trader… le Shaq. Oui oui. Le 26 Juin 2009, le Big Cactus bouge son gros fiak et décale chez les Cavs de Lebron James, en échange de Sasha Pavlovic et d’un Ben Wallace qui sera rapidement coupé. Autant vous dire que c’est la grande braderie hein. Après avoir désavoué son propre choix de coach, Steve Kerr fait partir un Shaq qu’il avait recruté, une saison et demie après son arrivée.
Pour remettre l’impact de ce départ dans le contexte Suns, l’arrivée de Shaquille O’Neale avait été le point de fracture entre D’Antoni et Kerr. Plutôt accordé avec Kerr sur le constat des défauts de l’équipe, Mike D’Antoni n’envisageait pas les mêmes solutions que son GM pour passer le cap manquant. Le coach des Suns avait donc jugé l’arrivée du Shaq comme trop brutale pour le plan de jeu des Suns. Le temps lui aura donné raison, à n’en pas douter.
part 2 : la dernière ride
Les Suns attaquent donc cette saison avec Alvin Gentry au coaching. Steve Nash est à la mène (en 50-40-90 encore…), entouré d’Amar’e, Grant Hill, J-Rich, de l’inaltérable Leandro Barbosa, et le néo-signé Channing Frye. Et cette équipe va montrer de très belle chose. Une saison de très très bonne facture, avec un goût de renouveau bienvenu après deux ans moroses pour les Suns. Phoenix redevient la meilleure attaque de la league, et développe à nouveau un jeu léché, soyeux et kiffant à regarder. Bilan de 54-28, les Suns sont de retour dans le game !
Le parcours en PlayOffs est lui aussi de très haut niveau. En 6 matchs, les Suns se débarrassent tout d’abord des Blazers de Lamarcus Aldridge et Brandon Roy. Puis ils sweepent leurs rivaux historiques des Spurs pour retrouver d’autres rivaux en finale de conférence : les Lakers.
part 3 : Metta World Peace assassin !
Deux défaites sur le parquet des Lakers pour commencer la série. Los Angeles semble imprenable et en route pour un back-to-back après leur victoire contre le Magic d’Orlando en 2009. Mais les Suns se reprennent et signent deux victoires de rang à la casa. Amar’e aura sonné la charge dans le Game 3 avec 41 puntos sur la truffe des angelinos. Retour à LA pour un game 5 sous asphyxie. Le match se joue dans les toutes dernières secondes. Les Suns, persuadés d’avoir gratté des prolongations sur un shoot primé fabuleux de Jason Richardson, vont voir leurs espoirs de prendre cette win à l’extérieur CREVER LA GUEULE OUVERTE alors que Metta World Peace cale un lay up sur son propre rebond offensif dans l’ultra-clutch, après un air ball 3 de Kobe Bryant…
ASPHYXIE.
Le coup de massue est trop énorme. Les Suns ne se relèveront pas de cette défaite à Los Angeles dans ce match 5. Les Lakers vont venir prendre le match 6 et la série dans l’Arizona (puis le titre face aux Boston Celtics), marquant l’arrêt brutal et violent d’une saison de rêve pour les Suns et leur fanbase.
Le contrat de Steve Kerr se terminait le 30 Juin cet été là. Nulle ambition de son coté de prolonger cette expérience de General Manager des Suns. Steve reviendra plus tard sur son passage et son rôle d’exécutif aux Suns, regrettant son manque d’expérience, ses manœuvres brutales et mal-conçues.
L’été 2010 sera aussi marqué par le départ d’Amar’e Stoudemire aux New York Knicks. Un départ qui scelle une bonne fois pour toutes la fin de cette ère magique débutée en 2005 avec le retour de Steve Nash. Un run de 5ans, fait de pick and rolls aux finitions hardcore, de jeu en transition à toute allure, d’une vraie révolution du jeu, dans son ADN même, et qui trouvera des prolongements victorieux ailleurs (coucou les Warriors de… Steve Kerr).
Conclusion ?
Cette histoire est dure à raconter. Le nombre de détails importants est élevé. Ça ne la rend que plus passionnante. Steve Kerr est-il responsable de la chute des Suns ? Je répondrais volontiers que oui. Le seul peut-être pas. Mais lorsque l’équipe redevient elle-même après le départ du Shaq, les victoires sont aussi de retour. Le plaisir et l’espoir des fans, aussi.
Et finalement, quel est le job d’un General Manager, si ce n’est d’assurer aux fans du plaisir et de l’espoir ?
[…] athlète et il était dangereux à 3 points. Le genre de role player qui était parfait pour les Suns de Nash et Stoudemire. L’avenir nous dira s’il conservera cette place dans le futur. En […]