Après Maluach, Haggerty, Kalkbrenner, Bailey, Queen, Toohey et Small, c’est au tour d’Egor Demin d’avoir son focus à lui. Le meneur russe a un avenir prometteur pour la NBA et il est intéressant de voir pourquoi. C’est ce qu’on va explorer dans ce scouting report.
L’amour ne veut pas la durée, il veut l’instant et l’éternité
Egor a eu un parcours particulier comparé à ses pairs européens de la même cuvée. Pendant que des Nolan Traore, Kasparas Jakucionis et autres Hugo Gonzalez se sont montrés dans le cadre des compétitions européennes, Egor ne pouvait pas rejoindre la partie. En effet, le contexte géopolitique et les sanctions contre la Russie suite à la colonisation en Ukraine ont fait que Demin n’a pas eu ses heures de gloire avec l’équipe nationale, notamment pendant le dernier EuroBasket U18 de 2024.
Mais alors comment le fils de Vladimir Demin s’est-il fait repérer ? Après quelques années à la Moscow Basketball Academy, il envoie des vidéos de lui à différentes équipes et c’est le Real Madrid qui chope le morceau. Avec l’équipe cadette, il fait un taff monstrueux jusqu’à l’ANGT où il est phénoménal et finit par aller du côté de BYU pour plusieurs raisons sur lesquelles je ne m’étendrai pas ici.
Cependant, la saison à BYU n’a pas été simple : Egor Demin n’a pas forcément été individuellement au niveau de sa hype et n’a pas été aidé par une blessure qui l’a vu rater la quasi-totalité du mois de décembre. Forcément, petit à petit, son nom est descendu des Big Boards et autres Mock Drafts après avoir été mentionné dans les top 5 voire top 3, on parle plus de lui autour des places 10 et 20 aujourd’hui. Ce n’est pas pour autant que ça empêche l’amour du basket du meneur russe de se lancer vers son rêve : celui de vivre son rêve de NBA. Il décide donc de ne pas prendre une année de plus pour prendre le temps. En même temps, l’amour ne veut pas la durée, il veut l’instant et l’éternité.
Ceux qui dansaient étaient considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique
Le scoring d’Egor Demin est clivant entre celles et ceux qui n’aiment pas et celles et ceux qui aiment. Le premier argument des gens qui ne croient pas que Egor puisse devenir un bon scoreur, c’est l’efficacité. En effet, on est sur un joueur qui a eu des réussites mauvaises à beaucoup de niveaux.
Commençons par le tir extérieur. Le premier indicateur négatif, c’est son pourcentage sur la ligne de lancers francs. En effet, Egor tourne à 69.5%. C’est pas un cataclysme non plus, mais c’est particulièrement mauvais, surtout pour un guard.
Ce graphique montre bien que Egor Demin est dans les plus faibles joueurs de la listes. Si vous ne le voyez pas, prenez le 70 sur l’axe des abscisses et montez votre oeil et vous le trouverez. Parmi les joueurs vraiment draftables, seul Kam Jones est derrière mais ce dernier a quand même des pourcentages à 3 points corrects sur les saisons avec Tyler Kolek. Egor, de son côté, c’est :
- Une moyenne à 3 points de 27.3% de rentré (sur un gros volume, si on peut ajouter un point statistique positif), donc pas une grosse efficacité. Pour donner un ordre d’idée, Egor en tente 4.7. Le dernier en NBA avec un minimum de 4 tentatives par match, c’est Stephon Castle qui tourne à 28.5% à 3 points.
- La moyenne de lancers est stable au fil de la saison et possède peu de variance. A partir du moment où Demin passe la barre des 60% aux lancers après un début de saison mauvais à ce niveau (11/19 sur les 7 premier matchs), il se maintient entre 63% et 69%, l’écart étant plus lié à la faiblesse de l’échantillon (car Demin provoque peu de lancers par rapport à son usage) que l’évolution de la réussite. Contrairement à Ace Bailey, il n’a pas évolué au cours de sa saison à ce niveau-là.
Mais alors pourquoi des gens veulent croire en le tir de Demin ? Déjà, la mécanique est loin d’être mauvaise et donne envie de croire que les résultats viendront. De plus, il a montré depuis quelques temps des flashs plus qu’intéressants, que ce soit en ANGT avec l’équipe U18 du Real Madrid ou avec BYU.
Tout au long de la saison, Egor Demin a montré que son talent de scoring pouvait fonctionner. On a pu voir qu’il shootait à haut volume et dans des conditions propices à son intégration en NBA. Plusieurs fois, le jumbo-sized guard de BYU a montré une capacité à shooter derrière un écran (que ce soit on ou off-ball), à shooter après un step-back et surtout avec plusieurs tirs en distance NBA, ce qui est primordial.
D’un point de vue statistique, on se rapproche d’un modèle « à la » Matas Buzelis avec, environ, 27% derrière l’arc (27.3% pour Demin et 27.4% pour Buzelis) et 69% aux lancers (69.5% pour Demin et 68.7% pour Buzelis). Aujourd’hui, l’ailier de Chicago est à 36.1% de loin et 81.5% aux lancers. Les statistiques sont factuellement mauvaises, elles sont un indicateur réel de la propension à devenir efficace en NBA mais elles ne font pas tout. Le contexte, la progression ou le niveau des coéquipiers sont des variables parasites pour la mesure de l’efficacité avec seulement les % à 3 points et aux lancers. De plus, le volume statistique est faible au final. 33 matchs avec 4.7 tentatives, ce n’est pas énorme comparé à ce qu’on attendra en NBA et ça rend la mesure parfois friable et à prendre avec des pincettes.
Passons maintenant au scoring en pénétration. On a 2 registres principaux de pénétration chez Demin : le drive balle en main et le cut. Le premier se fait, chez Egor Demin, souvent derrière un écran. Il y a deux choses qui rentrent le meneur russe monstrueux sur drive :
- Le premier point c’est son aisance balle en main. Pour un joueur de 2m06, on est vraiment sur un joueur à l’aise avec la balle qui peut accélérer, décélérer et arrêter son dribble d’une manière très fluide. Cela le rend très dur à défendre car le temps qu’il met entre décision et implication est réduit.
- Le second point, et probablement le principal, c’est la vision. Egor Demin est un tueur en terme de vision. Il va exploiter chaque petite faille dans la défense pour trouver le panier facile. Il maitrise les défenseurs, se joue d’eux avec feintes de passes, jeu de regard et changements de mains en tout genre. En finition au cercle, Egor finit des 2 mains sans soucis.
Sur cut, c’est tout aussi monstrueux. Le déplacement sans ballon de Egor est vraiment bon pour un joueur qui s’est prédestiné à être plus héliocentrique que off-ball dans ses jeunes années. Il est très bon sur handoff et arrive, toujours avec cette exceptionnelle vision, à trouver les bons angles d’attaque.
Cependant, on ne peut pas faire comme si tout était parfait. En effet, il y a un souci sur le jeu en pénétration de Egor Demin :
- On en a parlé plus haut mais le volume aux lancers francs n’est pas énorme. En effet, 2.5 lancers par match, pour un joueur à 24% d’usage et de 2m06, ça semble étrange. De manière générale, Demin va peu au cercle.
On peut considérer 2 mesures intéressants pour les tendances à aller au cercle : le nombre de tirs pris au cercle comparativement aux nombre de tirs pris total et le Free Throw Rate. On a fait un tableau comparatif avec certains des guards les plus attendus de la cuvée : Kasparas Jakucionis de Illinois, Jeremiah Fears de Oklahoma, Jase Richardson de Michigan State, Dylan Harper de Rutgers, Nolan Traore de Saint-Quentin, VJ Edgecombe de Baylor, Ben Saraf de Ulm, Labaron Philon de Alabama et Walter Clayton de Florida.
Avec 31% de ses tirs pris au cercle, Egor Demin se place 8ème sur les 10 noms, devant Jase Richardson et Walter Clayton. Problème : Clayton mesure 1m88 et est surtout un shooteur d’élite et Jase Richardson mesure 1m90 et a un volume faible de par l’utilisation qu’en a fait Tom Izzo. Egor Demin, lui, était un des leaders du système de Kevin Young et mesure 2m06.
Le problème de Demin, c’est qu’il explose complètement au contact. Il manque de force mais aussi d’explosivité et d’équilibre en l’air. En soit, ce sont des défauts logiques pour un joueur de sa corpulence mais qui font mal à sa cote et à sa projection NBA. En effet, le manque de rim pressure va l’empêcher d’utiliser aussi bien qu’il le voudrait son jeu de passe car il ne sera jamais doublé car les autres équipes jugeront ça comme pas nécessaire.
Logiquement, c’est aussi un mauvais élève dans la catégorie « provocation de lancers ». Il est bon dernier de notre tableau en Free Throw Rate, juste derrière Walter Clayton, Labaron Philon et Ben Saraf. En même temps, il a plus tendance à tenter le tir difficile sur la ligne de fond que de drive avec une puissance qu’il n’a pas.
Au final, on a 2 écoles : l’école des fans de Egor, qui aime sa capacité à chasser l’ouverture de panier et son potentiel à 3 points. La deuxième école, plus sceptique, pense la première complètement folle de penser que Demin puisse être, un jour, un bon scoreur. En même temps, ceux qui dansaient étaient considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique.
L’art nous est donné pour empêcher de mourir de la vérité
Artiste. C’est un mot qui convient bien à Egor Demin quand ce dernier décide de simplement distribuer le jeu et utiliser les différences qu’il crée pour envoyer des highlights exceptionnels.
Avant de commencer, quelques chiffres sur le playmaking de Egor Demin : On a un ratio ast/tov de 1.86, ce qui est très bien. Egor a également un AST% de 34.6%, ce qui est énorme pour un joueur qui a « seulement » 24% d’usage. A titre de comparaison, Jeremiah Fears a un usage de 31.6% mais n’a un AST% qu’à 28.6%. En même temps, hormis son back-up Dallin Hall, aucun joueur de BYU n’a plus de 2 passes par matchs. Pourtant, BYU a la 16ème attaque du pays. Alors certes, ce n’est pas uniquement grâce à Demin (Richie Saunders a fait une magnifique saison et le coaching de Kevin Young a été superbe tout au long de l’année) mais son impact reste très gros.
Déjà, sa force, c’est sa vision exceptionnelle qui lui permet de voir le jeu avant les autres. Si cette qualité se voit dans son scoring, elle se voit d’autant plus dans son passing game varié et efficace. Egor est un joueur qui lit, qui comprend, qui voit et qui anticipe. Tout ça, il le fait à une vitesse fulgurante.
En terme de variété aussi c’est monstrueux. Ne cherchez même pas à trouver un type de passes qu’il n’a pas dans son bagage : il a tout. Passe sur P&R, passe au cutter, passe dans le dunker spot, empty pass, pocket pass, passe contre la planche, passe aveugle, pass sanitaire, pass culture… Bref, il a un bagage vraiment complet et les copains Keba Keita et Richie Saunders peuvent le remercier. Pas pour rien si ce dernier a 98.7% de ses tirs à 3 points qui sont assistés.
Avec sa capacité de chasseur de zones, son contrôle du jeu et sa vision, Egor Demin s’inscrit comme un joueur offensif très dangereux à terme, capable de punir sur beaucoup de points. Le passing de Demin est un art et l’art nous est donné pour empêcher de mourir de vérité.
Celui qui a un « pourquoi » qui lui tient au but, de finalité, peut vivre avec n’importe quel « comment »
Egor Demin, vous vous en doutez, n’est pas un gros défenseur sur l’homme. Son physique n’est pas propice à une défense on-ball efficace, que ce soit par manque d’explosivité, par manque de puissance ou par un centre de gravité trop haut. Cependant, Egor a envie de défendre, il se donne vraiment. C’est déjà un point très positif car celui qui a un « pourquoi » qui lui tient au but peut vivre avec n’importe quel « comment ».
D’ailleurs, il se démarque bien plus off-ball, où il est réellement efficace. Le meneur de BYU produit 1.2 steals et 0.4 contre, ce qui est vraiment bien. Forcément, avec une vision du jeu aussi exceptionnelle et une telle longueur, Egor Demin se révèle naturellement comme un défenseur loin du ballon intéressant. Si le profil physique est comparable à ce qu’on a dit sur Bailey, en réalité, Demin se démarque de l’arrière des Scarlet Knights par sa capacité d’anticipation et son sens du timing mais aussi son envie comme on l’a dit plus haut.
Au final, Egor est un joueur incroyable avec beaucoup de qualités mais aussi des défauts trop visibles. Parmi le haut du panier de cette draft, c’est peut être celui qui a le span le plus large entre plancher et plafond qui vont se jouer sur le tir extérieur et la prise de masse notamment. En tout cas, il est possible que Demin devienne le Russe le plus haut drafté de l’histoire devant les mecs de la génération 2000-2010 avec Kirilenko, Korolev, Khryapa, Podkolzin et surtout Sergey Karasev, pick 19 de la draft 2013. Par contre le mec cite Nietzsche pour annoncer son arrivée à la draft donc attention.