Joel Embiid Team USA
Credit: Candice Ward-USA TODAY Sports

Quelle place pour Joel Embiid au sein de Team USA ?

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Malgré les 3 victoires de Team USA, les spéculations vont bon train autour de l’équipe, et surtout à destination de Joel Embiid. Le pivot est en grande difficulté dans ce début de préparation, et on se demande bien comment va-t-il inverser la tendance.

Un début de préparation complètement manqué

Alors qu’il était attendu au tournant en raison de son choix controversé de jouer pour les États-Unis, on peut dire que Joel Embiid n’aide pas à calmer cela. Sur les trois premiers matches de préparation, le pivot de Philadelphie tourne à 7,7 points et 6,3 rebonds à 36,8% au tir. On aperçoit un joueur emprunté sur le terrain, et qui a du mal à réellement trouver sa place au sein d’un effectif pléthorique.

À l’inverse, on a vu d’autres intérieurs se mettre en valeur, que ce soit Anthony Davis grâce à sa défense étouffante ou bien Bam Adebayo qui fait preuve d’une super adresse de loin. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’Embiid revient d’une terrible blessure. La déchirure de son ménisque gauche l’avait contraint à louper une grande partie de la seconde moitié de saison, et l’avait considérablement handicapé en playoffs. Le joueur n’est peut-être pas encore à 100% de ses capacités physiques, surtout que ce type de blessure demande beaucoup de récupération pour un pivot de son gabarit.

Et si Steve Kerr s’entête à le titulariser, c’est qu’il y a bien une raison. On parle en effet de l’un des intérieurs les plus dominants de la ligue, lui qui a fini à trois reprises sur le podium du MVP dont une fois premier en 2023. Le technicien ne s’en cache pas puisqu’il explique que « c’est un joueur dominant, et je pense qu’il sera important pour nous de trouver les meilleures combinaisons et de mettre les bonnes personnes ensemble ».

Joel Embiid Team USA
Joel Embiid est en grande difficulté sur ce début de préparation, ce faisant même exclure à cause de cinq fautes contre le Canada (Steve Marcus via AP Photo)

Trop de post-up tue le jeu au poste 

Joël Embiid est aujourd’hui l’un des meilleurs au poste bas au monde. Grâce à son physique impressionnant (2,13 m pour 127 kg) et un footwork assez fabuleux pour sa taille — qui rappelle Hakeem Olajuwon — le pivot américain s’est imposé comme une référence. Il était cette saison le 2e joueur derrière Nikola Jokic a affiché le plus grand nombre de possessions jouées en post-up, ce qui représentait 18,9% de ses plays. Et on peut dire que cela valait le coût puisqu’il était dans le 82e centile en termes d’efficacité (1,14 point par possessions), et même 2e parmi ceux en tentant au moins 3 par match.

Sauf que cela est plus difficilement transposable dans le basket international. La taille réduite du terrain laisse beaucoup moins d’espace aux intérieurs pour créer au poste sans qu’une aide vienne. Sans oublier que la règle des 3 secondes dans la raquette n’existe pas, ce qui permet aux défenseurs d’attendre sous le cercle.

Même si Embiid a progressé sur cet aspect du jeu, il n’est pas non plus un passeur d’élite au poste (il est d’ailleurs un meilleur passeur en face-up). Le jeu plus physique lui laisse également moins de chance pour obtenir des lancers, alors qu’un peu plus d’une possession sur cinq en post-up se finissait sur la ligne de réparation en régulière (et même 27,3% en 2023).

« Il est évident qu’il attire beaucoup l’attention (des défenses), il faut donc l’utiliser et le mettre en position. Nous devons encore travailler notre spacing autour de lui afin de lui offrir des espaces, que ce soit pour scorer ou pour faire la passe. »

Stephen Curry, via The Athletic

On sait que le basket international est un peu plus porté sur la création extérieure. On le remarque en EuroLeague où Mathias Lessort est le meilleur scoreur parmi les pivots (13,9 points en 30 minutes), mais seulement douzième tout postes confondus. On retrouve certes Tornike Shengelia (2,06 m) dans le top ten des meilleurs scoreurs de l’EL, mais il est davantage un intérieur fuyant. Le Géorgien peut poser la balle au sol afin d’accéder au panier sur drive, trouver un coéquipier open ou sanctionner grâce à son tir.

Et quand on analyse le début de la préparation, on peut voir qu’Embiid a du mal à punir au poste bas. On l’a vu rater de nombreuses finitions proches du cercle, en étant par exemple bien gêné par Dwight Powell et Jock Landale. Ces demandes au poste peuvent également ralentir le jeu de la sélection américaine, alors même qu’elle est historiquement reconnue pour sa capacité à obtenir très vite des espaces.

Est-il une menace off-ball ? 

Étant donné qu’il est le franchise player de Philadelphie depuis son premier match, Joël Embiid a souvent la balle en main. On remarque qu’il a toujours été au moins dans le 99e centile à son poste en termes d’usage, ne finissant jamais en dessous de 32,2% (en 2020) et allant jusqu’à 38,9% la saison dernière. Il est évident qu’au sein de Team USA, il ne peut pas avoir les mêmes chiffres. La présence de stars historiques avec LeBron James, Stephen Curry, Kevin Durant mais aussi de ball-handler dominant avec Anthony Edwards le force à faire évoluer son jeu.

Est-ce qu’il peut être une menace à trois points ? La réponse est nuancée. Embiid a prouvé qu’il pouvait être adroit de loin, tournant à minimum 37% sur trois des quatre dernières saisons. Le problème est qu’il n’est pas non plus un joueur prenant énormément sa chance puisqu’il n’en tente que 3,3 matchs sur la même période, soit 16,8% de ses tirs. Or on sait que le spacing par le shoot vient avant tout grâce à la réussite, certes, mais aussi par le volume. Depuis le début de la préparation, il n’a réussis qu’un seul tir à trois points sur 5 tentatives en 44 minutes.

On pourrait alors imaginer Embiid être davantage impliqué sur du pick-and-roll, sauf que ce n’est pas sa spécialité. Le pivot n’a jamais été un joueur qui jouait beaucoup de picks. Mise à part la saison 2023 — où il a évolué avec James Harden — l’intérieur n’a jamais dépassé les 17% de fréquence de tir tenté sur PnR. À titre de comparaison, Anthony Davis a dépassé cette barre à chaque fois sur les trois dernières saisons, et Adebayo deux fois. On peut notamment évoquer son manque de verticalité par rapport à ses coéquipiers au même poste, surtout quand on sait qu’Embiid est davantage un joueur proche du sol avec l’âge qui avance.

Une autre manière pour lui d’être menaçant off-ball serait de proposer des écrans pour démarquer ses shooteurs, sauf que là encore, cela n’est pas complètement son jeu. Si cette saison il a progressé dans cet aspect avec l’arrivée de Nick Nurse, il reste moins bon que ses compères qui ont prouvé depuis de nombreuses années qu’il pouvait être efficace pour aider leurs coéquipiers à se libérer sans la balle. Mis à part contre la Serbie, on l’a assez peu vu dans ce genre d’action, alors qu’il pourrait former un duo intéressant avec Stephen Curry.

Joel Embiid Stephen Curry
Mise à part contre la Serbie à deux reprises, on ne voit pas assez de jeu off-ball entre Joel Embiid (n°11) et Stephen Curry (Steve Marcus via AP Photo)

Comment défendre avec Embiid sur le terrain ? 

Le pivot américain est avant tout un défenseur de drop qui protège très bien son panier. Il infligeait cette année une baisse d’efficacité de 10,5% sur les tirs pris près du cercle, soit au même niveau que Evan Mobley ou Victor Wembanyama. Cela se ressentait chez ses adversaires qui tentaient donc moins leur chance, et privilégiaient à l’inverse le pull-up.

Sauf que là encore, le basket international le dessert. Avec une ligne à trois points rapprochés, le tir extérieur prend une importance encore plus forte qu’en NBA. Le shoot de loin représentait environ 40% des tirs qui tentaient en EuroLeague la saison dernière, contre 36% dans la Grande Ligue. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que trois des sept meilleurs scoreurs de la plus grande compétition européenne prenaient davantage de tirs à trois points que de tirs à deux points. Il est d’ailleurs intéressant de voir que pour ces sept joueurs, la fréquence de tir à trois points tentés était de 47,7%, contre 30% pour le top 7 en Amérique du Nord.

Et avec l’âge, Embiid a perdu en mobilité latérale. Il ne peut plus aussi bien défendre à l’extérieur, ce qui l’oblige à ne faire presque que du drop. On parle même de deep-drop par séquence. Son manque de mobilité se ressent également sur pick-and-roll où il a été mis en difficulté à de nombreuses reprises depuis le début de la préparation. Or le jeu international appelle justement beaucoup de picks et ses différentes variantes pour trouver les espaces.

Au sein de son effectif, Davis et Adebayo font partie des meilleurs pivots de la ligue sur switch. Grâce à leur footwork, ainsi qu’à leur mobilité latérale et à leur envergure, ils arrivent à gêner les extérieurs adverses sans être ciblés sur PnR. On a d’ailleurs vu Steve Kerr proposer des schémas plus agressifs quand les deux étaient sur le parquet. Et il ne faut pas oublier qu’ils ont respectivement fini à la 3e et 4e place du classement DPOY cette année, tandis qu’Embiid n’a pas reçu une seule voix. Le contexte est certes à prendre en compte — il est l’arme offensive numéro 1 à Philadelphie — mais cela ne fait pas tout.

Joel Embiid Team USA
Joel Embiid en discussion avec l’assistant coach Mark Few durant le training camp à Las Vegas (Ellen Schmidt via Las Vegas Review-Journal)

Doit-il être relégué sur le banc ? 

Il peut paraître fou de se poser la question pour le meilleur pivot américain en NBA — élu MVP en 2023 — mais elle reste légitime. Embiid est bien sûr un scoreur dominant, mais il n’est pas le « franchise » player de la sélection. L’équipe est en effet construite sur le jeu de ses stars que sont Curry, LeBron et KD quand il reviendra de blessure. Anthony Edwards pourrait également s’inviter à cette table, lui qui réalise un très bon début de préparation grâce à son scoring.

On a pu voir que Team USA avait du mal à accéder au cercle sur ces premiers matchs. L’absence d’un driver élite peut poser quelques questions, surtout quand on sait que la sélection américaine a historiquement dominé sur cet aspect. Edwards a montré des flashs intéressants, mais il doit gagner en régularité. Tandis que LeBron James ne peut plus répéter les mêmes efforts que par le passé. Mais la présence d’Embiid au poste bas limite les lignes de drives pour ses partenaires, rendant compliqué la chose. D’autant plus que le post-up n’est pas une action très rémunératrice en tant que telle.

On a d’ailleurs vu que les derniers échecs récents de la sélection américaine étaient liés en partie à cette incapacité à aller au cercle. Privilégier le shooting revient à être dépendant de la réussite au tir de tes extérieures, ce qui peut parfois porter préjudice. La France était par exemple parvenue à l’emporter durant la phase de poule des JO 2020 en empêchant l’accès au panier grâce à l’association Rudy Gobert et Vincent Poirier. Le Canada avait également pris le dessus sur les États-Unis durant la dernière coupe du monde en étant élite sur drive, permettant ainsi de créer du chaos dans la défense, et donc des positions ouvertes.

En l’état actuel des choses, la présence de Anthony Davis dans le cinq majeur aurait plus de sens au vu de sa capacité à se fondre dans le collectif. L’intérieur des Lakers a prouvé par le passé qu’il pouvait faire les sacrifices offensifs pour se mettre au service de sa team, tout en étant le leader de sa défense. Par son profil, il pourrait permettre à son équipe de diversifier ses schémas défensifs, lui qui excelle à la fois sur switch et dans la protection de cercle.

On l’a d’ailleurs vu réaliser 3 blocks consécutifs lors du 2nd quart-temps contre la Serbie, finissant la partie avec 6 contres au compteur. Steve Kerr expliquait après le match contre l’Australie qu’AD avait « été extraordinaire », ce qui n’est pas surprenant étant donné qu’il a été « fantastique sur les dix premiers jours de préparation ».

Avec Joël Embiid en sortie de banc, Team USA pourrait dès lors avoir une menace au scoring dès que les titulaires se reposent. Il faudrait néanmoins réussir à le nourrir également, surtout quand on sait que cette seconde unit comporte de gros scoreurs tels que Edwards, Devin Booker ou Jayson Tatum. Il pourrait tour de même se montrer intéressant contre certaines équipes, comme la France. Sur ce début de préparation, Steve Kerr opère ses rotations en changeant la plupart du temps l’ensemble du cinq afin que les joueurs trouvent plus rapidement des automatismes entre eux.

Le coach de Golden State a certes devant lui un effectif de très grande qualité, mais il va devoir faire des choix forts. Commencer avec Joel Embiid sur le banc pourrait sans doute être bénéfique à son équipe, mais il pourrait bien perdre son pivot. À moins que ce dernier soit prêt à se sacrifier pour sa sélection, ou bien qu’il adapte davantage son jeu pour se mettre au service de ses coéquipiers. 

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