Dejan Bodiroga (à gauche) et Paulius Motiejunas (à droite) sont les deux dirigeants à l'origine de ce salary cap en Euroleague. Crédit : Euroleague

Que retenir du salary cap instauré en Euroleague ?

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Depuis la semaine dernière, le monde du basket européen parle beaucoup du nouveau Salary Cap que l’Euroleague a présenté. “Une première dans le sport européen”, nous dit le début du communiqué officiel de l’Euroleague, qui parle de nouvelles régulations “révolutionnaires”. Pavé dans la mare pour certains, la pièce qu’il manquait pour d’autres, beaucoup d’avis s’entrechoquent ces derniers jours et tout le monde essaie de lire entre les lignes. Démêlons donc tout ça, en présentant tout d’abord le fonctionnement théorique mais en essayant surtout de voir ce que tout cela veut dire pour notre ligue européenne.

L’explication théorique

Commençons déjà par la théorie pure. Ne vous en faites pas, un exemple est disponible plus bas pour voir ce que cela donne chez nos amis grecs du Panathinaikos et leurs petrodollars joueurs.

Mise en place depuis 2014-2015, le fair-play financier (Financial Stability & Fair Play Regulations, FSFPR en anglais) est l’ensemble des lois qui régissent les aspects financiers de l’Euroleague. Ce qu’il s’est passé ce lundi 16 septembre 2024, c’est l’introduction de nouveaux paragraphes à ce FSFPR, les standards d’équité de la compétitivité (Competitive Balance Standards), que l’on voit partout abrégés en CBS.

Mettons directement les pieds dans le plat, on parle bien là d’un Salary Cap. Le postulat de base est simple : on prend 20 % du revenu moyen des 12 clubs licenciés sur les deux dernières années, soit l’ALCDR (Average Licensed Clubs’ Defined Revenues), qui correspond aux entrées d’argent comme la billetterie, le merchandising et toutes ces choses-là. À partir de là, on peut créer 3 seuils communs à tous les clubs de l’EuroLeague :

  • Le LRL (Low Remuneration Level) : Une équipe doit dépenser au minimum 32% de l’ALCDR sur le salaire de ses joueurs. Il semblerait que les 6 clubs invités annuellement pourront déroger à cette règle et descendre sous les 32%, mais sinon, pas d’exceptions !
  • La BRL (Base Remuneration Level) : Une équipe ne doit pas dépenser plus de 40% de l’ALCDR sur le salaire de ses joueurs. Sont exclus du calculs plusieurs types de joueurs :
    • Deux “Anchor Players” : les deux joueurs stars (au moins en salaire), sont exclus du calcul pour permettre de garder les gros noms dans la ligue.
    • Un “Mid-Level Player” : Enveloppe correspondant à 6-8% du BRL, que l’équipe peut donner à un joueur sans que cela compte dans le calcul.
    • Tous les joueurs U23.
    • Les “Extended Tenure Players” : les joueurs ayant joués au moins trois saisons pour l’équipe dans leur vie ne comptent que pour 25% de leur salaire réel.
    • Les joueurs blessés sur le long terme (deux mois ou plus) : les salaires versés pendant le temps de la blessure ne sont pas comptabilisés.
  • La HRL (High Remuneration Level) : Une équipe ne doit pas dépenser plus de 60% de l’ALCDR sur le salaire de ses joueurs. Sauf que cette fois-ci, les deux Anchor Players sont comptabilisés dans le calcul.

Une fois ces trois seuils mis en place, on calcule le résultat de chaque équipe. Si vous ne respectez pas un seuil, vous payez une amende calculée au prorata de chaque euro en dehors des clous. Par exemple, à chaque euro supérieur au seuil du BRL, l’équipe doit payer 50 centimes d’amende, puis 1€ par euro à partir d’un dépassement trop élevé, etc. Cette amende ira directement dans une cagnotte qui sera elle-même reversée aux équipes qui respectent ce nouveau CBS.

L’exemple du Panathinaikos 2024-2025

Maintenant que les règles sont fixées, prenons l’exemple de l’effectif du Panathinaikos et de leur salaire pour cette année 2024-2025. On retrouve alors :

  • Deux Anchor Players : Kostas Sloukas (2,8M€) et Kendrick Nunn (2,5M€)
  • Un Mid-Level Player : Kostas Antetokoumpo (600k€)
  • Un joueur U23 : Alexandros Samodurov (200k€)
  • Quatre Extended Tenure Players : Marius Grigonis (1,2M€), Panagiotis Kalaitzakis (350k€), Konstantinos Mitoglou (750k€), Ioannis Papapetrou (800k€)

Il nous reste donc les salaires de Juancho Henrnagomez (2,3M€), Mathias Lessort (1,7M€), Lorenzo Brown (1,7M€), Omer Yurtseven (1M€), Jerian Grant (1M€) et Dimitris Moraitis (200k€).

Il faudrait également rajouter la dernière recrue, Cedi Osman, mais le salaire de ce dernier n’ayant pas encore été communiqué, nous pouvons l’omettre pour le bien de l’exemple.

Pour une masse salariale réelle de 17,1M€, le Panathinaikos termine donc avec un BRL de 8,7M€ et un HRL de 14M€. Le club grec exempte presque la moitié de sa masse salariale dans le calcul du BRL.

Panathinaïkos champion Euroleague 2024 salary cap
Le Panathinaïkos est champion de l’édition 2023-2024 de l’Euroleague. Crédit : Euroleague

Comment interpréter toutes ces nouvelles règles ?

Avant de rentrer dans la pure interprétation, penchons-nous sur ce que la ligue elle-même dit de ses nouvelles règles. Pour la direction de l’Euroleague, l’objectif premier mis en avant est d’”aligner les objectifs des investisseurs. La ligue parle également de “promouvoir la stabilité et la compétitivité”, “d’empêcher les pratiques inappropriées” et enfin de “permettre plus de transparence” au sein de la ligue.

Tout cela est bien beau, mais ressemble effectivement à un communiqué bien réchauffé, cachant peut-être un petit peu plus de sous-texte.

Commençons par le LRL, qui impose donc aux équipes licenciées un investissement minimum dans la composition de leur équipe. Le message est donc simple : si vous voulez une licence à long terme avec l’Euroleague, il va falloir mettre de l’argent sur la table. La ligue s’assure ici que chaque participant mettra donc la main à la poche.

Pour ce qui est du BRL et du HRL, le charabia semble immense et on serait tenté de résumer ça à “ils mettent un maximum salarial pour rendre la compétition plus égalitaire, c’est cool !”. Et dans un sens, ça l’est. Malheureusement, le nombre d’exceptions donne un effet usine à gaz à toute l’opération et semble aussi permettre de se sortir de beaucoup de situations …

Si l’on reprend l’exemple du Panathinaikos 2024-2025, et quelque soit le chiffre final du fameux ALCDR – le revenu moyen qui fixe les différents seuils – il semble assez fou de pouvoir réaliser un calcul sur les salaires d’un club en sortant 8 des 14 joueurs de la discussion.

Quel est l’intérêt de mettre en place des restrictions s’il est si facile de les contourner ? Pour pouvoir satisfaire toutes les parties prenantes de l’opération ! Satisfaire l’opinion publique d’une part, qui voit une gouvernance qui agit pour défendre les belles valeurs d’équité au sein de sa compétition. Et pour défendre les investisseurs d’autre part, qui peuvent toujours investir de belles sommes s’ils manient correctement leur effectif au fur et à mesure des années.

Sur une note moins dénonciatrice, il faut tout de même féliciter l’idée des Extended Tenure Players. L’idée de récompenser les équipes qui prônent la continuité et la stabilité du roster, en favorisant les joueurs restant plus de 3 ans dans un club, semble être une bonne nouvelle pour les dirigeants souhaitant garder le héros local dans son équipe de cœur.

Il semblerait donc que ce CBS permette de cocher de nombreuses cases du côté de la Ligue. En un seul gros amendement, l’Euroleague vient de s’assurer un investissement minimum par les équipes les plus petites, et donc un accès plus sélectif à leur produit, le tout sans effrayer les plus gros investisseurs. En effet, les limites salariales présentées semblent en réalité un très bon coup marketing pour satisfaire la fanbase européenne, tout en laissant la possibilité aux gros chéquiers de jouer avec les règles pour investir autant qu’ils le veulent.

Développer son business financier sous couvert d’équité sportive, les plus cyniques d’entre nous pourraient appeler ça du socialwashing, mais avant d’en arriver là, il faudra tout de même laisser quelques années à ce nouveau mode de fonctionnement pour se stabiliser et pour que tout l’écosystème européen digère ce nouveau salary cap. 

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