Avec deux victoires contre Cleveland pour commencer son training camp, on peut déjà revenir sur certaines tendances affichées par les Bulls.
Une identité défensive plus agressive
C’est l’une des volontés affichées depuis le début du training camp : être une défense plus agressive pour créer des pertes de balle. Il faut dire que c’était l’un des gros points faibles des Bulls la saison dernière, avec seulement 12,1% de turnover percentage provoqué, soit la 2e plus faible moyenne de toute la ligue.
Sauf que sur ces deux matchs contre Cleveland, on a vu l’équipe de Billy Donovan être bien plus active sur le point d’attaque afin de gêner la mise en place offensive adverse. Cela s’accompagne par ailleurs de nombreuses rotations off-ball pour venir en aide si jamais la première ligne est battue. Ce qui est plutôt efficace compte tenu de l’envergure des Bulls, eux qui possèdent de nombreux ailiers capables de couvrir une grande partie du terrain.
Si dans les chiffres cette philosophie n’est pas encore visible, elle reste tout de même palpable. Car au-delà des résultats, ce sont surtout les intentions que l’on peut voir de la part des Bulls. Matas Buzelis a été particulièrement efficace en défense off-ball, où il a confirmé qu’il pouvait bien être un playmaker défensif. C’est bien évidemment positif, surtout après ce que l’on avait pu observer lors de son année rookie (2,3% de block percentage, soit le 97e centile parmi les forwards la saison dernière).
Bien sûr, cette stratégie n’est pas parfaite, surtout face à une équipe aussi talentueuse que les Cavs. Car cet excès d’engagement se paie à plusieurs niveaux, à commencer par les fautes où l’on a vu les Bulls être dans la pénalité après seulement deux minutes au premier quart-temps lors de la deuxième rencontre. Des schémas défensifs qui demandent encore à être travaillés, notamment avec quelques cuts concédés qui ont fait défaut.
A voir également comment Nikola Vucevic sera utilisé dans ses schémas, lui qui est loin d’être un protecteur de cercle élite. On a d’ailleurs vu Donovan l’utiliser lui et Zach Collins davantage en roameur, avec Buzelis en défense sur le pivot adverse, afin de justement leur permettre de rester proches du cercle en défense. Le repli défensif sera également à surveiller sur la fin de cette présaison, tant Cleveland s’est amusé sur semi-transition.
Isaac Okoro a été particulièrement bon de ce côté-là du terrain. Le 5e pick de la draft a alterné plusieurs séquences intéressantes à la fois on-ball et off-ball. Son profil physique et ses lectures font déjà de lui l’un des piliers de la défense des Bulls, qui va en avoir besoin avec la faiblesse défensive du backcourt. Des performances qui s’inscrivent directement dans la stratégie de l’échanger contre Lonzo Ball cet été puisque Arturas Karnisovas expliquait que « Quand on parle d’être plus dur en défense, le nom d’Isaac Okoro est le premier qui arrive à l’esprit ».

Le développement offensif de Buzelis
C’est l’une des choses que l’on attendait le plus dans l’Illinois. S’il a montré des flashs intéressants sur la fin de saison dernière, l’ailier américano-lituanien doit step-up offensivement, sans quoi il se rapprocherait de Patrick Williams.
On l’a vu être davantage responsabilisé on-ball, un changement majeur pour lui qui était utilisé presque exclusivement en bout de chaîne l’année dernière, que ce soit pour punir avec de l’attaque de closeout ou des trois points. S’il n’a pas perdu son adresse dans les corners, il a montré qu’il avait progressé dans son handle, se sentant plus à l’aise pour initier sur des actions statiques.
Il y a encore pas mal de travail à faire pour lui sur cet aspect avant qu’il soit un joueur capable de créer balle en main. Sur cette action, Buzelis n’arrive pas à passer Craig Porter Jr avec son dribble, attaquant du côté du stunt de Larry Nance Jr. Il a également un drible qui manque de certitudes pour lui permettre de passer malgré l’aide, entrainant une perte de balle évitable.
Il a tout de même confirmé qu’il était un super joueur sur transition, un aspect important de l’attaque de Chicago. Si la saison dernière les Bulls avaient la 2e pace de toute la NBA, nul doute que ce sera encore le cas cette saison. Les qualités athlétiques de Buzelis sont d’ailleurs exploitées à merveille sur ces séquences, où il se projette très vite vers le cercle adverse. Son jeu off-ball est toujours aussi intéressant avec quelques cuts baseline bien sentis où il profite du spacing pour finir facilement au cercle.
On peut tout de même reprocher l’absence de développement au passing. S’il veut devenir la future star du projet, Buzelis doit montrer qu’il peut être plus qu’un finisseur pour lui, mais également un connecteur pour les autres. Il ne faut certes pas s’attendre à le voir devenir le créateur majeur de sa team, mais il a une carte à jouer pour accentuer les premiers décalages, d’autant plus que Josh Giddey n’est pas un driveur d’élite sur demi-terrain.
Son impact offensif dans le système des Bulls s’est globalement fait davantage ressentir sur ces deux rencontres, prouvant qu’il compte vraiment passer un cap cette saison. Lui qui déclarait durant le média day que « Je veux gagner le trophée de Most Improved Player ». S’il ne semble pas être favori pour ce trophée, la faute aux concurrents et au fait qu’il rentre dans son année sophomore, Buzelis se donne tout de même les moyens d’y croire.
Une attaque encore en (re)construction
C’était la belle surprise de la saison dernière, à savoir le changement de philosophie offensive des Bulls. Après trois saisons moroses, l’ère DeMar DeRozan–Zach LaVine a laissé sa place à une attaque bien plus rapide qui ravit à la fois les fans et les joueurs. Mais attention à ne pas confondre vitesse et précipitation.
Les Bulls ont perdu 45 ballons sur ces deux matchs face aux Cavs, quelque chose que Billy Donovan a immédiatement identifié comme un défaut majeur depuis la reprise. « Ce problème revient quotidiennement depuis le début du training camp. Nous nous réunissons chaque jour pour en discuter, mais nous devons le régler », détaille-t-il en conférence de presse après les 26 turnovers lors du premier match.
Cela s’explique tout d’abord par une attaque qui a montré des limites sur demi-terrain, notamment pour créer des décalages. Les Bulls ont été en difficulté pour obtenir des paint touch, se montrant incapables de passer le backcourt des Cavs qui n’est pourtant pas réputé pour être imperméable. S’il ne faut pas tirer de conclusions trop rapides, surtout que l’on parle ici de présaison, Josh Giddey a tout de même eu du mal à initier sur demi-terrain, étant souvent en difficulté face aux trappes défensives des Cavs. Un défaut visible depuis le début de sa carrière, mais qu’il avait réussi à améliorer sur la seconde partie de saison dernière.
Dans sa volonté d’avoir une attaque moins dépendante de ses « stars », surtout en l’absence de Coby White, Billy Donovan a pas mal responsabilisé des rôles players à la création. Or on a pu voir les limites chez eux, que ce soit Isaac Okoro qui doit encore s’acclimater dans l’Illinois, ou Zach Collins qui a toujours eu pas mal de déchet dans son jeu malgré quelques instincts intéressants à la passe.

Bien évidemment tout n’est pas à jeter, à commencer par le travail qui est fait pour aller chercher des rebonds offensifs. S’ils pointaient à la 28e position au pourcentage de rebonds offensifs l’année dernière, on a pu voir que les Bulls cherchent à corriger cela. Une tendance observable à l’échelle de la ligue (et du basketball mondial) tant le jeu des possessions a pris de l’importance ces dernières années. Cela est d’autant plus intéressant qu’il y a dans ce roster plusieurs ailiers longilignes qui sont en mesure d’apporter le surnombre aux rebonds offensifs.
Si Nikola Vucevic a été en difficulté en post-up face à Evan Mobley et Jarrett Allen, il a été bien meilleur quand il était utilisé à trois points pour offrir du spacing à Chicago. Notamment pour exploiter la baseline avec des cuts backdoor ou à 45. Cela est d’autant plus vrai que le pivot monténégrin sort d’une saison à 40% de loin sur plus de 4 tentatives par rencontre, alors qu’il n’est pas un shooteur adroit en carrière. On rappelle qu’il est en fin de contrat l’été prochain, et que son nom devrait revenir régulièrement dans les rumeurs de trade cette saison.
D’autres joueurs se sont également montrés. À commencer par Ayo Dosunmu qui s’est aguerri physiquement pour mieux encaisser les contacts. Yuki Kawamura a également régalé les fans par sa vision de jeu et sa combativité sur tous les ballons (3 points, 5 rebonds et 3 assists en 7 minutes lors du deuxième match). C’est Patrick Williams qui a étonné sur cette reprise, lui qui a été bien plus entreprenant offensivement alors même qu’on lui reproche sa passivité en attaque depuis le début de sa carrière. Il vient confirmer les bonnes choses qui ont été dites à son égard depuis la reprise, lui qui a perdu quelques kilos pour être plus affûté athlétiquement.
Je dis la même chose à tous ces jeunes : vous disposez d’une certaine marge de manœuvre, mais cette marge finit par s’épuiser. Et là, vous devez passer à la vitesse supérieure.
Billy Donovan, via Chicago Sun Times
Les débuts de Noa Essengue
Drafté en 12e position de la dernière draft, on peut dire que Noa Essengue n’a pas été timide pour ses débuts à Chicago. Dès son entrée lors du premier match contre les Cavs, le Tricolore prend l’écran off-ball de Collins sur un pindown avant de finir en layup au cercle malgré le retour de Larry Nance Jr.
Une action qui symbolise très bien les débuts du français, tant celui-ci a ravi les fans. Il a en effet été intéressant dans sa capacité à pouvoir attaquer les closeouts, où sa taille et ses longues enjambées sont un avantage pour accéder au panier. Essengue a été globalement agressif dès qu’il en avait l’occasion, provoquant pas mal de lancers grâce à cela. Un point qui fait forcément plaisir quand on sait que les derniers Français extérieurs draftés haut sont souvent trop timides.
Bien évidemment tout n’est pas encore parfait, à commencer par quelques séquences défensives manquées ou des pertes de balles évitables. Mais les flashs affichés sont plus que rassururants à son égard, et laissent présager de belles choses pour la suite, que ce soit avec son activité aux rebonds offensifs ou son trois points dans le corner.
Le natif d’Orléans n’a clairement pas froid aux yeux, et veut se faire une place dans cet effectif des Bulls. Lui qui nous expliquait en amont de sa draft qu’il veut être « dans un endroit où mon équipe est compétitive et où je peux avoir du temps de jeu ». Pourtant la concurrence sera rude dans l’Illinois, avec plusieurs au profil similaire évoluant sur les mêmes postes. Mais il a pourtant toutes les cartes pour se faire sa place, même si tout ne sera pas facile.
Billy Donovan déclarait lors du training camp qu’il y a « un processus que les rookies doivent traverser, où il faut les aider autrement que sur le parquet, avec les dribbles, les passes et le shoot ». Essengue devrait sûrement commencer la saison en G-League afin de s’acclimater au basket américain, avant d’envisager durablement l’équipe première, à la manière de Buzelis qui s’est imposé comme titulaire en seconde partie de saison rookie.
Si le projet des Bulls est encore incertain, à la fois à court et moyen terme, on peut tout de même se satisfaire des changements opérés sur ce début de présaison. Tout l’enjeu est maintenant de savoir si cela est tenable sur toute une saison, et si cela est efficace pour développer les jeunes et/ou être compétitifs.