Speaker à Caen, Angers, Mondeville et l’ASVEL tout au long de la saison, Pierre Salzmann-Crochet a été choisi et s’est illustré lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Une expérience unique et exceptionnelle sur laquelle le Normand est revenu à notre micro.
Speaker à Paris 2024, un poste exigeant
Est-ce que vous pouvez nous expliquer, avec vos propres mots, quel était votre rôle lors des Jeux de Paris 2024 ?
« Le premier rôle du speaker c’est d’annoncer les faits de jeu. Les paniers marqués, fautes, remplacements, le score, les cinq de départ… On s’occupait aussi de mettre l’ambiance. Moins que lorsque l’on est avec nos clubs respectifs car le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques est plus strict mais on devait quand même avoir un ton enjoué et une voix reconnaissable. Mais voilà, en somme, notre rôle était de transmettre au public les informations importantes sur le match, ainsi que l’avant et l’après-match, comme leur indiquer où se trouve la boutique ou bien rappeler les comportements interdits par exemple. »
Comment avez-vous obtenu ce poste pour les Jeux ?
« J’avais préparé un CV à la mi-2023, dès que j’ai su quelle boîte allait s’occuper des speakers, j’ai attendu un appel d’offres. Quand celui-ci est arrivé sur LinkedIn, j’ai posé ma candidature sur le basket fauteuil, le basket 3X3 et le basket 5X5. Ma candidature a été retenue et c’est comme ça que ça s’est fait. »
Pouvez-vous nous raconter comment se passe une journée dans la peau du speaker des Jeux Olympiques ?
« Puisqu’on était deux speakers Français, il y avait deux équipes, une pour le matin et une pour l’après-midi. Moi qui suis un couche-tard, je me suis retrouvé dans l’équipe du matin… Mais bon, ce n’est pas grave au final. Du coup, je me lève à 6h30 du matin, je prends le petit-déj’ à l’hôtel où je retrouve Eric Stephens, mon binôme anglophone qui venait d’Australie, notre D.J. et Estelle, notre manager. […] Ensuite on se rend au stade en voiture, on a un briefing avec la productrice, les volontaires et les techniciens pour voir tout ce qu’on va mettre en place. Puis on descend sur le terrain, on fait une répétition de la présentation des équipes et des hymnes. Après ça, les gens commencent à rentrer dans la salle donc on commence à passer toutes les annonces, puis le match démarre. À la fin de la journée, on ramasse toutes nos affaires et on laisse la place à l’équipe de l’après-midi. Et si on n’est pas trop fatigué, on essaye de rester pour voir les matchs suivants. Mais bon, quand c’est un Serbie – États-Unis ou un France – Brésil, même en phase de poules, tu mets la fatigue de côté et tu restes. »
Est-ce que c’était compliqué de rester neutre, en tant que fan de basket et de l’équipe de France, lors des matchs des Bleus ?
« Forcément, on est plus content quand c’est la France qui marque, mais, même à domicile, il ne faut pas le montrer. En tant que speaker, on se doit d’être enthousiaste pour les deux équipes. Par exemple, lors du quart de finale France – Canada, c’est vrai que j’ai montré plus d’enthousiasme pour les Bleus, mais c’est dû au fait que la France ait mieux joué (que le Canada). Si le Canada avait mieux joué, j’aurais fait la même chose pour eux. On essaye toujours de montrer de l’enthousiasme pour l’équipe qui fait les plus belles actions, peu importe si c’est la France, l’Australie ou l’Espagne sur le parquet. Par exemple, pendant le Serbie – USA que j’ai animé en demi-finale, j’aurais aimé voir les Serbes gagner. Mais quand les Américains sont passés devant à la fin, j’ai mis encore plus d’enthousiasme vu le contexte et la remontée qu’ils venaient de faire. »
Les Jeux Olympiques comme un conte de fées
Qu’est-ce que cela vous a fait de prendre part aussi activement aux Jeux Olympiques, ici, en France ?
« C’était clairement un rêve pour le fan de sport et de basket que je suis. C’était un vrai accomplissement dans le sens où j’ai eu plusieurs problèmes de santé, en plus d’une certaine absence de talent, qui m’ont empêché de devenir pro. Du coup c’est très gratifiant de me dire que j’ai pu réussir à participer aux Jeux de Paris 2024 à ma façon, de la même manière que ce que je fais en EuroLeague et en LNB. »
À quel moment vous êtes vous rendu compte de l’énormité de l’évènement auquel vous preniez part ?
« Ça s’est fait assez tard, parce que dès qu’on est arrivé à Lille, on a directement eu beaucoup de travail. Je dirais que c’est suite au premier jour off qu’on a eu, celui où on est passés de Lille à Paris. Une fois là-bas, je suis allé à pied jusqu’à Bercy et c’est là que je me suis dit : « Ça y est, tu y es, tu vas animer la France aux JO de Paris. » C’est là que je me suis vraiment rendu compte de la grandeur de ce qu’on faisait. »
Il y a eu quelques polémiques comme quoi l’ambiance de Bercy laissait à désirer. De votre point de vue de speaker, est-ce que vous avez ressenti une vraie différence entre Paris et Lille au niveau du public ?
« Des gens disent que le public de Bercy était endormi, c’est complètement faux, surtout pendant les Paralympiques où l’ambiance était folle. C’est vrai que l’ambiance à Lille était indescriptible, et qu’il y avait déjà plus de « VIP » à Paris, mais ce n’est pas forcément une excuse. On a par exemple vu Gabrielle Union, actrice et femme de Dwyane Wade, Jimmy Fallon ou encore Snoop Dogg qui ont tous vécu le truc à fond. […] Par contre, c’est clair que pendant la finale masculine, avec 5 minutes à jouer et un score aussi serré, ce n’est pas normal que le public ne pousse pas les joueurs à fond. Peut-être qu’il y avait aussi des gens qui étaient plus là pour voir des stars que supporter une équipe, mais on ne peut pas non plus dire que l’ambiance de Paris était mauvaise. C’est surtout que c’était très compliqué de passer après Lille. C’est comme si tu faisais un concert et que tu passais après Michael Jackson. Mais quoi qu’il en soit, Bercy a été incroyable pendant les Paralympiques. »
Quels sont les moments qui vous ont le plus marqué à Paris 2024 ?
« Alors d’abord un souvenir général, c’est que c’était une vraie aventure humaine avec les autres membres de l’équipe d’animation. On était tout le temps ensemble. Humainement c’était une expérience incroyable. On a vraiment vécu comme une famille et au moment de se dire au revoir, quand on est parti de Lille alors que certains restaient pour le handball, je ne vais pas mentir, on s’épongeait un peu les yeux. Ça a été très grand sur le plan humain, et encore plus avec le côté « effervescence nationale » qui a accompagné la compétition.
Et aussi, j’ai pas pu m’empêcher de me filmer à ce moment-là, mais avoir pu annoncer Giannis Antetokounmpo, Nikola Jokic, Diana Taurasi, Lauren Jackson, LeBron James, Nicolas Batum ou encore Marine Johannès. J’ai d’ailleurs pu la croiser dans les couloirs et, étant tous les deux Normands, on s’est pris dans les bras et bien sûr on s’est parlés. Mais un autre moment qui m’a marqué, c’est justement avec Nicolas Batum. On se connaît un petit peu, j’aurais pas la prétention de dire que c’est mon pote, mais on a de bonnes relations et il est adorable avec moi. Mais c’était juste avant France – Canada, j’anime ce match et il faut savoir que Nicolas Batum c’est quelqu’un qui est resté très vrai, il arrive à la table, honnêtement à ce moment-là, au vu du contexte, s’il m’ignore, je comprends à 100%, mais il me fait un coucou et il me pointe du doigt. Mes collègues étaient tous choqués, donc je me la suis raconté un peu sur le moment. Surtout que j’ai eu la chance de le recroiser après la victoire, donc il sort du vestiaire, il me checke, on commence à parler et là il se met à crier « Vous avez vu les Caennais ? On est partout les Caennais ! » Franchement c’est quelqu’un qui n’a jamais oublié d’où il venait et ça a été un moment marquant, parmi un million d’autres. »
Une fête prolongée lors des Jeux Paralympiques
Avant de prendre part aux Jeux Paralympiques, quel était votre rapport avec la discipline du basket fauteuil ?
« Je connaissais déjà tout simplement car j’en ai fait, c’est pour ça que ça me tenait à cœur de faire les Paralympiques. En fait dans ma jeunesse, j’ai subi treize opérations, notamment aux membres inférieurs car j’ai eu beaucoup de soucis de croissance. C’est comme ça que je me suis mis à pratiquer et à suivre le basket fauteuil, et mon dieu c’est incroyablement dur ! Quand on a tous ses repères au basket valide, tout change. C’est un jeu hyper physique, j’essaie de suivre ça au maximum, mais hors des compétitions internationales c’est compliqué de voir du basket fauteuil. J’espère que ces Jeux Paralympiques feront avancer les choses, quand on voit l’engouement qu’il y a eu pendant la compétition. Mais du coup, là aussi c’était un rêve de pouvoir animer le tournoi? J’ai pu voir des légendes comme Patrick Anderson (Canada) qui est sûrement le meilleur joueur de l’histoire, Bo Kramer (Pays-Bas), la meilleure joueuse du monde actuellement, c’était vraiment magnifique à voir et à vivre. C’était même très impressionnant et, personnellement, en tant que pivot traditionnel, je galère à mettre un tir à 3 points. Et là, j’étais aux Paralympiques, je vois Gregg Warburton (Royaume-Uni) qui enchaîne derrière l’arc et je me dis que c’est pas juste mais ça prouve juste à quel point ces athlètes sont des bosseurs acharnés. »
Est-ce que vous avez ressenti de quelconques différences entre les épreuves Olympiques et Paralympiques, que ce soit au niveau de l’organisation ou de l’ambiance ?
« À ce niveau-là, c’était exactement pareil. On sentait bien que Paris 2024 ne voulait absolument pas qu’il y ait de régression, que l’on donne l’impression qu’on en faisait moins pour les Paralympiques. Sur le basket ça a été absolument le cas, des shows grandioses ont été proposés. Par exemple, lors de la finale féminine, tous les spectateurs ont reçu un bracelet lumineux et ça a fait un show de lumières magnifique. Mais au final c’était le même sérieux, les Jeux Olympiques et Paralympiques ont été mis au même niveau et c’est bien normal. »