Pour Ochai Agbaji, la NBA a été une série de rêves éveillés et de coups de frein. Drafté en 14ème position en 2022 par les Cavaliers, il n’aura pas eu le temps de poser ses marques dans l’Ohio avant d’être expédié à Utah, pièce jointe dans le blockbuster qui a amené Donovan Mitchell à Cleveland.
Ce premier échange peut paraître brutal pour un rookie qui débarque en NBA. Il passe d’un projet de franchise en pleine ascension à une équipe de Utah qui commence à douter de son avenir et de ses choix de draft, lui y compris. Pendant sa saison là-bas, Ochai Agbaji a montré des flashs, mais n’a pas su convaincre une équipe en plein changement de cap.
C’est alors que Toronto s’invite dans l’histoire, grâce à Masai Ujiri qui connaît bien sa famille. L’occasion d’un renouveau se présente, les Raptors le récupèrent en milieu de saison, une chance rêvée de faire taire les doutes. En pleine reconstruction après le départ de Pascal Siakam, Toronto cherche des jeunes talents capables de s’intégrer immédiatement tout en possédant un gros potentiel de développement. C’est notamment pour cette raison que l’équipe n’a pas hésité à donner un tour de Draft en échange (qui s’est transformé en Isaiah Collier). Pour Ochai Agbaji, c’est le signal qu’il lui fallait : une franchise qui le choisit volontairement, prête à lui donner sa chance et surtout à miser sur son potentiel.
» C’est vraiment bien de savoir qu’on veut de vous dans cette ville, dans cette franchise. Je ne reçois que de l’amour et je suis enthousiaste. C’est très motivant. »
Ochai Agbaji lors de son arrivée à Toronto
Depuis son arrivée, il commence peu à peu à s’imposer dans des moments clés, que ce soit par ses cuts efficaces, ses tirs en spot-up ou sa défense dont Toronto avait tant besoin ces dernières saisons. Avec les Raptors, Ochai Agbaji entrevoit enfin une trajectoire stable et un rôle défini, de quoi apercevoir une belle évolution dans son jeu.
Une transformation nuancée mais prometteuse
Sur ces derniers matchs, Ochai Agbaji montre enfin des signes de maturité et de progression, sans pour autant faire de lui le prochain All-Star. Mais il a indéniablement déjà franchi un cap, qui est peut-être aussi dû à l’absence des joueurs importants de l’effectif. Même si son rôle reste celui d’un joueur complémentaire, il le remplit avec une efficacité accrue qui ne passe pas inaperçue pour tous les fans des Raps. Au-delà de ses statistiques, qui oscillent autour de 13 points, 4 rebonds et quelques passes et interceptions, Ochai Agbaji commence à devenir un élément de stabilité au sein de la rotation de Toronto.
Là où il impressionne clairement le plus, c’est dans sa sélection de tirs complètement meilleure. Mais aussi sa capacité à tirer profit de son jeu sans forcer les actions. Cet été, certains ont été très dubitatifs en voyant une vidéo de lui en train de corriger le placement de ses mains sur le ballon, avec Darko Rajakovic. Comment un joueur NBA peut-il encore en être à ce stade ? Mais avec un pourcentage de réussite de 57% et 42% à 3-points, il montre une efficacité inattendue et un sens du collectif appréciable pour une équipe en plein développement.
Que ce soit en tant que titulaire ou en sortie de banc, il se glisse parfaitement dans les lignes de la défense adverse, trouve des espaces derrière la ligne à 3-points et sait quand attaquer le cercle. Malgré un très faible USG de 14,2 % (l’un des plus faibles de l’effectif actuel), il est le 3ème Raptor avec le plus de minutes sur ce début de saison. Il se contente de maximiser ses actions au sein des systèmes mis en place sans chercher à surperformer, et ça nous rappelle bien quelqu’un : O.G. Anunoby.
Défensivement, Ochai Agbaji commence également à trouver ses repères dans le froid canadien. Utilisé comme stopper principal sur l’aile, avec Jonathan Mogbo, il montre de bonnes qualités en un contre un et une ténacité bienvenue. Il n’est pas encore au niveau des grands défenseurs mais sa capacité à gêner des joueurs plus physiques sont de belles promesses pour l’avenir.
Il est trop tôt pour s’avancer mais les Raptors ont peut-être trouvé ce rôle polyvalent de « 3-and-D » pour remplacer O.G. Anunoby, qui devient si précieux en NBA. Les Raptors ont misé sur sa capacité à progresser et pour l’instant, c’est un pari en bonne voie pour devenir gagnant. Ochai Agbaji est un profil que l’on veut garder, et certains fans du Jazz l’avaient compris, c’est un joueur de rotation solide et efficace.
“Il est très bon pour nous en défense. C’est sa plus grande force, son activité et sa polyvalence. Il remplit une sorte de rôle en attaque de « un petit peu de tout ». Il est agressif dans le jeu rapide. Donc oui, nous avons besoin de plus de ça.”
Jakob Poeltl sur son coéquipier Ochai Agbaji
Le tir extérieur et une attaque intelligente
Sur ce début de saison, Ochai Agbaji ne se contente plus d’attendre ses tirs, il est beaucoup plus polyvalent, et je ne saurais expliquer d’où vient ce gain de motivation et cette agressivité, si ce n’est peut-être le fait de joueur dans une équipe qui le chouchoute. Si son jeu repose encore beaucoup sur son catch-and-shoot, il a également intégré davantage de mouvements off-ball et d’attaques en transition, où sa vitesse et sa détente font la différence. Son adresse de loin est inespérée : 46,2 % dans les corners. Il offre une menace de plus pour les défenses qui hésitent désormais à le laisser sans surveillance.
Là où Ochai Agbaji se distingue, c’est dans son intelligence sur les déplacements. Il a développé une vraie compréhension des moments opportuns pour couper vers le panier et offrir des solutions à ses coéquipiers. Ou même en transition où l’évolution est constatable visuellement. Sa prise de décision sur le tir à 3-points reste toutefois nuancée, même s’il est plus discipliné en choisissant ses spots cette saison. Il ne se contente pas de tenter des tirs en début de possession, il préfère des positions optimisées, notamment dans les corners, tout en étant capable de dégainer sur des positions plus centrées quand l’équipe est en besoin. Cette adaptabilité dans sa sélection de tirs montre une certaine progression mentale.
S’il n’est pas encore un sniper infaillible que voudrait nous faire croire les chiffres de ce début de saison, il progresse dans la bonne direction. Sa capacité à combiner adresse extérieure et mouvements en attaque prouve qu’il est sur la bonne voie pour devenir ce 3-and-D. Son impact se fait sentir non seulement dans les chiffres, mais aussi dans la dynamique du jeu, où il apporte des options supplémentaires et un rythme fou qui ravira Immanuel Quickley à son retour complet.
Le modèle de développement de Toronto
Ochai Agbaji incarne exactement le type de joueur que les Raptors cherchent à développer pour un futur compétitif : un joueur polyvalent, reconnaissant et en constante progression. Sa capacité à rester efficace et à impacter le jeu sans forcément monopoliser la balle fait de lui le complément parfait pour une équipe qui repose sur un collectif fort grâce au super travail de Darko Rajakovic et cherche à construire des bases solides.
Aux côtés des autres jeunes talents de l’équipe, Ochai Agbaji participe à la mise en place d’une nouvelle dynamique qui ne manque pas de potentiel. Et cette approche collective, dont il fait merveilleusement bien partie, renforce la stratégie de Toronto : privilégier un développement cohérent où chaque joueur apporte une pièce spécifique au puzzle.
Pour Toronto, ce pari sur Ochai Agbaji semble payant jusqu’à présent. Ses performances, même si elles restent encore discrètes dans les médias, mais moins sur ceux concernant les Raptors, sont le genre de signes encourageants qui montrent qu’il est prêt à se construire un avenir avec Toronto. Il n’est peut-être pas encore la star montante du groupe, mais il incarne parfaitement le profil de joueur « 3-and-D » fiable et coachable. Toronto a toujours fait de ce type de profil une de ses marques de fabrique. Mais ils partent trop vite parfois, comme Precious Achiuwa.
Une confiance justifiée
En récupérant Ochai Agbaji et en choisissant de lever l’option sur son contrat rookie pour la saison 2024-25, les Raptors ont montré qu’ils croyaient en son potentiel. Pour une équipe en reconstruction comme les Raptors, qui subissent leur lot de défaites cette saison, voir Ochai Agbaji progresser comme Gradey Dick, Jonathan Mogbo ou Jamal Shead est un rayon de soleil. À 24 ans, il incarne ce que Toronto espère construire : un groupe d’individus talentueux et travailleurs, déterminés à poser les fondations d’une équipe compétitive sur le long terme. Et pour une franchise en quête de stabilité, cela ressemble déjà à une victoire.
