Mark Aguirre et son coach d'université, Ray Meyer. Crédit : Fred Jewel

Mark Aguirre : un génie du basket au caractère bien trempé

Pour ce 3ème épisode de la série « The Mavs Legacy », partez à la rencontre d’un scoreur invétéré qui a porté le maillot vert des Mavericks pendant 8 années consécutives. La promesse d’un prospect, qui deviendra un échec dans le Texas, avant de finalement rebondir du côté des Pistons avec son compère de toujours Isiah Thomas. Découvrez le destin de Mark Aguirre, celui d’un génie offensif de la balle orange, mais aussi celui d’une âme de leader qui peine encore à être découverte.

Une enfance modeste qui verra l’émergence d’un futur prospect

Lorsque le petit Mark fut mis au monde le soir d’un 10 décembre 1959, rien ne lui présageait un destin aussi prometteur. Un enfant qui a dû grandir sans son père d’origine mexicaine, et avec une mère de 16 ans ne voulant au départ pas l’assumer. Elle finit par le garder et déménage chez sa soeur, à Chicago, pour qu’il ait la vie la plus saine possible. Mais, dans un ménage où tout le monde travaille, il subit une fois la loi de son oncle, une fois celle de sa mère, une fois celle de sa tante et une autre fois celle de ses cousins. Difficile pour un enfant de se construire sans une réelle figure autoritaire à la maison. 

Quartier ouvrier « West Side » de Chicago où a vécu Mark Aguirre. Crédit : Wikipédia

Le gamin qui se fait donc tout seul, grandit dehors avec le streetball, dans les petits playgrounds de son quartier. Un lieu d’épanouissement où il y fera une rencontre très étonnante, celle d’Isiah Thomas. Ils n’ont qu’un rêve, devenir des stars de la balle orange pour éviter la pauvreté et la dangerosité de leur quartier où se mêlent trafic et violence. Deux joueurs qui se retrouveront par la suite, et non par hasard, chez les Detroit Pistons. Deux hommes très reconnaissants l’un envers l’autre qui ont survécu à l’enfer et qui se sépareront finalement dès le lycée, Isiah préférant assez logiquement quitter son quartier et l’Illinois. 

Mark lui restera à Chicago et pratiquera le basket dans le lycée de son quartier. Il y retournera d’ailleurs en 2016, pour y prononcer un discours en l’honneur de tout ce qui a suscité son amour et sa réussite au sein du monde du basket.  

Je ne savais pas que j’allais devenir un pro, je ne savais pas que j’allais être un bon joueur universitaire, mais j’aimais Westinghouse. Je m’amusais et j’étais ici pour apprendre à être un étudiant responsable. J’ai appris toutes ces choses ici et ça a été le point de départ d’une grande aventure pour moi, je ne peux que vous en remercier.

Durant ces années, il a été coaché par le très bon Frank Lollino, qui a tout de suite vu le potentiel du gamin. Il fera de Mark Aguirre l’un des meilleurs espoirs de sa génération, lui qui recevra sa sélection dans l’équipe All American Highschool de la saison 1978. Il amènera également son lycée au final 8 de l’Illinois, un véritable exploit pour un établissement très peu côté dans cette région. Des performances qui lui vaudront une place de choix dans l’université de sa ville, l’institution Depaul. 

Et si il est effectivement reconnu comme étant un excellent joueur, son coach universitaire, Ray Meyer le considère lui comme un « enfant ». Toujours à le pousser pour qu’il arrive à l’heure, ou pour éviter les nombreux débordements qu’il pourrait provoquer. Ray gardait le prodige à contre-coeur, forcé d’observer que le gamin était un potentiel énorme. Son développement athlétique mêlé à sa palette de shoot énorme lui ont permis de devenir un attaquant hors du commun, capable de mettre à terre, la plupart des gros défenseurs universitaires. 

Après une première saison, où il tournera à plus de 24 points de moyenne, il est déjà considéré comme le meilleur espoir universitaire du pays. Mais on peut également y rajouter des résultats collectifs déjà excellents avec le soutien d’un autre futur All Star, Terry Cummings. Deux joueurs de 19 piges qui portent fièrement les couleurs des Blue Demons et qui les mènent jusqu’au Final Four de la NCAA. Après avoir écarté un adversaire de taille qui n’était autre que UCLA, ils vont déchanter avant face à Larry Bird et Indiana State. Une première saison radieuse pour un joueur encore gamin qui n’a pas fini d’impressionner.  

Terry Cummings et Mark Aguirre fêtant une nouvelle victoire avec l’université Depaul. Crédit : DePaul University

Toujours en progression, Mark Aguirre poursuit son chemin et s’affirme clairement comme l’un des meilleurs espoirs de sa génération, en étant notamment récompensé par le titre de meilleur joueur universitaire en 1980. Un titre très symbolique pour un joueur qui finira sa saison à 26,8 points de moyenne, le tout à 54% de réussite au shoot. Il commence à réellement devenir un homme et est courtisé par toutes les franchises NBA, de par son profil atypique et complet pour l’époque. Un Homme, voici ce qu’il est devenu grâce à son coach, une belle parole intervenue lors de sa cérémonie de retrait de maillot à l’université Depaul

Il m’a fait passer du statut d’enfant à celui d’homme. J’ai aimé la NBA et c’était génial de gagner des titres, mais c’est à DePaul que j’ai grandi.

Il a appris et aimé le basket à Westinghouse, il a grandi à Depaul, toute son enfance est liée à Chicago, mais il est l’heure pour lui de lui dire au revoir en 1981. Drafté en 1ère position par les Dallas Mavericks, franchise récemment intronisée dans la ligue, il quitte l’Illinois et se dit prêt à servir le Texas. Il y deviendra un talent offensif générationnel à n’en pas douter, mais son passage est encore critiqué par de nombreux fans qui dénoncent son manque de leadership.

Un talent des Mavericks entravé par une usure mentale

L’histoire commence le soir d’un 9 juin 1981, lorsque Larry O’Brien annonce Mark Aguirre comme first pick de la Draft. Une histoire assez drôle car c’était Isiah Thomas qui était d’ordre dans les plans de Norm Sonju et de Dick Motta. Mais ce premier a avoué à Darius Miles, il y a quelques années, qu’il avait truqué cette draft dans le but de retourner à Chicago, qui avait obtenu 4ème pick. Ils étaient deux à vouloir y aller mais il n’y avait qu’une seule place: 

J’ai essayé de saboter tous mes entretiens (rires). Je me souviens être aller à Dallas et avoir été accueilli par Dick Motta, et il m’avait demandé qui selon moi était le meilleur joueur de la draft. J’ai dit : ‘Mark Aguirre !’. Et à ce moment-là, il l’était. Ensuite il m’a demandé si je me sentirais bien dans le projet de Dallas et je lui ai répondu que leur système favorisait les ailiers et que je n’avais pas envie de rester dans le corner. Il s’est énervé et j’étais content.

Comble du sort, le petit meneur originaire de Chicago sera drafté et fera toute sa carrière à Detroit, deux villes historiquement rivales. Mais revenons à Mark Aguirre et à son premier défi au sein de la franchise, qui est de cohabiter avec Dick Motta. Deux caractères forts qui ont une vision bien différente de la notion d’un joueur professionnel, l’un priorisant le talent, l’autre l’exigence et le travail. Un couple très conflictuel qui devra cohabiter pendant 6 ans et qui n’aura été que rarement efficace. 

Sa malbouffe avait tendance à irriter son coach, tout comme ses efforts minimums pendant les entrainements où il se comportait comme si le premier exercice était le dernier. Il faisait toujours attention à ne pas finir dernier d’un exercice pour éviter les pompes supplémentaires, mais ne faisait pas plus d’efforts pour être dans les premiers. Résultat, une saison rookie en dessous des attentes où le « muffin-man » (son surnom à l’université) ne finira que 5ème de la course au Rookie de l’année, avec une moyenne qui avoisinait tout de même les 19 points. 

Un résultat final qui n’a guère surpris Dick Motta mais qui l’a tout de même rendu furieux. Et si Aguirre n’avait pas la réputation d’être un « joueur de coach », son talent n’était quant à lui pas à remettre en cause et le coach des Mavs a essayé de lui mettre la pression à la fin de la pré-saison 1981-1982, en lui posant un ultimatum:  

Écoute Mark, c’est décevant de te voir jouer, et vu comment tu as bossé pendant le camp, je te laisserai sur le banc pendant le début de la saison. Et si tu poursuis sur cette route, je n’aurais aucune rancœur à agir de cette façon jusqu’au reste de la saison.

Un coup de poker de l’ancien coach des Bullets qui n’avait reçu aucune permission de la direction texane pour tenir ses propos. Mais convaincant par sa parole, elle a eu son effet sur Mark Aguirre qui s’est mis immédiatement au travail. Des efforts très marquants qui permettront à l’ailier des Mavs de passer un cap, en réalisant une saison en 24-6-4 à 48% au shoot. Des statistiques en hausse constante pendant la saison qui se feront également ressentir sur le bilan des Mavs, eux qui gagneront une dizaine de victoires par rapport à la saison passée.   

Mark Aguirre en pleine célébrations. Crédit : The Dallas Morning News

L’histoire et les changements continuaient pour Aguirre. La quiche et la salade étaient devenus ses plats préférés et en 2 saisons, il avait perdu 12 kilos. Motta est rapidement devenu plus ferme. Plus Aguirre se sentait fort et beau, plus il devenait dur avec lui, il avouera d’ailleurs par la suite qu’il serait allé trop loin « Je lui ai dit des choses que je n’aurais pas dites à mon chien ». Mais Aguirre ne bronchait pas, non sans mal-être bien sûr, mais il restait droit dans ses bottes et se pliait aux mots et aux règles de son coach. 

Une nouvelle fois, les efforts payent pour Mark qui atteint le sommet de son art lors de sa 3ème saison NBA. Il finit à 29,5 points de moyenne, le tout à 52,4% au shoot. De vraies prouesses qui lui permettront d’obtenir sa première sélection au All Star Game, mais surtout une première participation aux Play-offs après avoir fini 4ème de la conférence Ouest. Une saison mémorable et historique qui apaisera enfin les tensions entre les deux hommes, Motta considérant que Mark Aguirre était devenu l’athlète et le leader qu’il attendait. Ses coéquipiers sont eux aussi conquis, notamment Rolando Blackman qui a loué ses progrès et son talent offensif qu’il avait su utiliser tout au long de la saison. 

Je ne sais même pas pourquoi ils ont écrit ces stratégies (pour contenir Aguirre) sur le tableau. Il les usait simplement depuis le bloc bas, à l’extérieur, à l’intérieur. C’était partout. Il était juste injouable.

Mais pour passer le cap de superstar, il faut encore que le leader texan confirme sur plusieurs saisons tout en passant des tours en play-offs. Malheureusement, ce cap ne sera jamais franchi. Les Mavericks réaliseront au mieux une finale de conférence face aux Lakers, et individuellement Mark Aguirre ne va faire que régresser. Dès la saison 1985-1986, les échauffourées entre lui et Motta reprennent, et le mental du joueur cède complètement, si bien qu’il demande régulièrement à être tradé. 

A ce moment là, il n’appartient déjà plus à cette équipe. Il stagne autour de 23 ou 24 points de moyenne durant 3 saisons, mais il ne s’investit plus dans l’équipe. Motta l’écarte de plus en plus souvent des feuilles de matchs, tentant de laisser le contrôle de la franchise à Derek Harper et Rolando Blackman. A la fin de la saison 1986-1987, les Mavericks échouent une nouvelle fois au premier tour des Play-Offs. Dick Motta prend alors sa retraite, laissant sa place à John MacLeod. Une chance enfin pour Mark Aguirre de montrer ce qu’il vaut et de prouver qu’il est capable de prendre en main durablement la franchise qui l’a drafté. 

Mais la réponse est non… Mark Aguirre n’attend déjà qu’une chose, c’est de rejoindre son meilleur ami, Isiah Thomas. Il finira son passage à Dallas avec 21,7 points de moyenne, sa pire saison en carrière, alors qu’il vient tout juste d’atteindre la trentaine. John MacLeod, malgré les résultats collectifs plutôt satisfaisants incite Donald Carter à trader Aguirre qui crée des conflits à chaque entrainement. Il commence à se faire siffler par le public texan qui n’apprécie guère le comportement de sa star. 

L’émotion de Mark Aguirre après son premier titre avec les Pistons. Crédit : Getty Images

Finalement, Donald Carter cédera Aguirre avant la deadline de la saison 1988-1989, l’ailier des Mavs a eu ce qu’il voulait, et il finira sa carrière aux Pistons où il devra concéder toutes ses responsabilités offensives pour y rester. Deux titres à la clé, mais un joueur qui ne touche plus le ballon et qui a perdu toute son identité.

Une fin de carrière en demi-teinte pour un enfant de Chicago qui offrira deux titres à Detroit. Alors, que retenez-vous de sa carrière ? Ses problèmes de comportement, son manque de fidélité à Dallas et à Chicago, ou bien son talent offensif hors du commun, son parcours difficile et les nombreux efforts qu’il a dû faire pour changer sa personnalité. 

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