Deuxième épisode d’une série dans laquelle nous vous présenterons les 18 clubs de cette campagne 2024/2025 d’Euroleague. En vous plongeant dans les récits que nous allons vous raconter, vous y découvrez des moments, des coachs, ou des joueurs qui ont marqué l’histoire de chacun de ces clubs.

Nous remontons d’une place dans le classement de cette année et nous nous attaquons à un club qui avait surpris l’Europe l’an dernier, le Virtus Bologna et plus particulièrement sur sa star du moment, le meneur Marco Belinelli. Après plus d’une décennie passée sur les parquets de la NBA, l’ancien international italien décide de revenir en Europe lors de la saison 2020-2021 en vue d’un projet visant à ramener son club formateur au sommet de l’Europe. Loin d’un simple retour en baroud d’honneur, il va se révéler en un réel meneur d’hommes au sein d’un Virtus en quête de gloire.

Retour aux sources : un choix de coeur et de sens

Marco Belinelli et la NBA c’est quoi ? Et bien c’est plus de 800 matchs, plus de 8000 points inscrits, un titre NBA, et c’est surtout un élément crucial de chaque franchise par laquelle il est passé. Reconnu pour son shoot et son leadership discret, Marco rentre dans la légende en devenant le premier Italien à obtenir une bague et le deuxième à se créer une carrière durable dans la NBA, après Andrea Bagnani. Mais après 12 saisons passées outre-Atlantique, ses minutes chez les Spurs diminuent considérablement, et Marco ne veut pas faire la saison de trop.

Dans ce contexte, plusieurs choix s’offrent à lui. Poursuivre en NBA dans un rôle secondaire, tenter une aventure dans des championnats de seconde zone, notamment en Chine où il avait reçu de nombreuses propositions, ou bien rentrer en Europe. C’est cette dernière option qu’il choisit, non pas par défaut, mais par conviction. Belinelli n’a jamais coupé le lien avec l’Italie. Sa famille, ses attaches, sans oublier son club formateur, le Virtus Bologna sont autant d’éléments qui restent profondément ancrés dans son identité. Mais il ne revient pas pour une retraite dorée, non il revient avec un seul mot en tête, gagner.

Je ne rentre pas en Italie pour profiter. Je rentre pour relever un défi, avec la même intensité que j’ai eue pendant toutes mes années aux États-Unis. »

Marco Belinelli
Massimo Zanetti, président du Virtus, officialise le retour de Marco Belinelli à Bologne. Crédit : La Gazzetta dello Sport

L’appel de Bologne n’a rien d’anodin, le Virtus, ambitieux et reconstruit autour de figures fortes comme Milos Teodosic ou le nouveau coach Aleksandar Djordjevic, dit Sasha Djordjevic,, affiche des objectifs élevés, et retrouver l’Euroleague en fait partie. Son choix, à la croisée de la fidélité, de l’ambition et du défi sportif, donne tout son sens au mot « retour », ce n’est pas un fin mais un nouveau départ pour la star italienne.

Mais au-delà de la forte ambition de Marco, ce retour aux sources a provoqué une véritable onde de choc dans la sphère médiatique internationale. D’abord en Italie, car tout sport confondu, rares sont les signatures qui ont fait un tel écho dans la presse transalpine. Les grands titres comme La Gazzeta dello Sport, Corriere dello Sport ou encore Sky Sport Italia ont immédiatement relayé l’information en une de leur papier. Et le ton est unanime, le retour de Belinelli est une bénédiction pour la Serie A, une chance pour la Virtus, et un symbole fort pour tout un pays.

Plusieurs figures du basket se joignent à la vague de réactions. Danilo Gallinari le félicite publiquement, des anciens coachs comme Gregg Popovich ou Ettore Messina glissent des mots d’admiration dans les médias, et des joueurs européens soulignent la rareté d’un tel choix, à contre-courant de la tendance lucrative des fins de carrière. En une signature, le Virtus Bologna ne recrute pas seulement un joueur, il relance un engouement, remet le basket italien sur la scène internationale, et envoie un signal fort à ses concurrents. Le retour de Belinelli dépasse donc largement les lignes du parquet.

2020-2021: La saison de la reconquête pour Bellineli et Bologne

Le Virtus Bologna champion d’Italie, après 20 ans d’attente. Crédit : Silvia Fassi / Ciamillo

Le 26 novembre 2020, Marco Belinelli signe officiellement son retour à Bologne. Dix-sept ans après avoir quitté son club formateur pour s’envoler vers la NBA, l’ancien arrière des Spurs revient pour relancer un club historique qui rêve de reconquérir l’Italie. En effet, cela fait plus de 20 ans que le Virtus n’a pas remporté le championnat et pour rivaliser avec le nouveau cador du basket italien, l’Olimpia de Milan, l’arrivée de leader comme Marco est indispensable.

Belinelli ne débarque pas en début de saison, mais en cours de route. Il a besoin de quelques semaines pour retrouver le rythme, la condition physique et s’adapter à un jeu européen qu’il n’avait plus pratiqué depuis treize ans. Mais cela ne va pas l’empêcher de nous démontrer une palette offensive toujours aussi létale. Son tir à trois points reste relativement bon (35,2% sur la saison), le jeu sans ballon qu’il produit est d’une intelligence rare et cet atout est rapidement mis en avant par les différents joueurs qui porteront le maillot du Virtus cette saison.

Sous la houlette de l’entraîneur serbe Sasha Djordjevic, le Virtus construit un collectif solide autour d’un noyau expérimenté avec des joueurs comme Milos Teodosic, maître à jouer hors pair, Awudu Abass, cadre de la sélection italienne, ou encore Julian Gamble et Vince Hunter à l’intérieur. L’alchimie met du temps à prendre, mais dès la seconde partie de saison, le Virtus trouve son rythme avec un basket fluide et très scolaire.

La saison régulière de le Virtus est solide, même si l’équipe termine à la troisième place derrière Milan et Brindisi. Mais c’est en playoffs que tout bascule. Portée par un Belinelli en mode tueur silencieux, la Virtus passe la vitesse supérieure. L’équipe balaie facilement Trévise en quart de finale (3-0) puis Brindisi en demi (3-0). Arrive alors la finale tant attendue face aux Milanais, annoncés comme les grands favoris de cette finale. Coachés par Ettore Messina et armés de stars comme Sergio Rodriguez, Kevin Punter ou Shavon Shield, le Virtus devait réaliser une grosse performance pour retrouver les saveurs d’un championnat.

Eh bien ils feront même mieux, dans une série au meilleur des 7 matchs, ils infligeront un sweep légendaire à l’ogre lombard qui n’aura existé sur aucune des rencontres. Avec une intensité défensive remarquable et régulière (67 points encaissés en moyenne par match), ainsi qu’une maîtrise collective excellente (20,9 team assists de moyenne), Bologne s’impose avec un écart moyen de 12 points par match. Belinelli, dans ce contexte, joue un rôle fondamental dans cette série. Certes, il n’enchaîne plus 30 minutes par match, mais il incarne l’âme d’une équipe en mission, terminant les playoffs avec 10,7 points de moyenne.

L’EuroLeague en ligne de mire

Marco Belinelli calme les ardeurs turques sur la fin de la finale de l’Euroleague en pliant le match sur un trois point salvateur. Crédit Michele Nucci/LPS

Après le sacre national en 2021, la Virtus ne compte pas en rester là. Le projet du club est clair, redevenir une puissance européenne, et cela passe par une qualification en EuroLeague, là où se trouvent les plus grands clubs du continent. Pour cela, la saison 2021-2022 est cruciale, et l’objectif prioritaire est la victoire en EuroCup, seul chemin direct pour obtenir ce ticket prestigieux. Si la Virtus avait cédé au stade des demi-finales face à l’équipe russe de Kazan, cette défaite avait en réalité été la seule de leur campagne européenne. Une déception forte mais qui assurait de lourds espoirs pour cette année.

L’été 2021 marque un gros tournant dans les ambitions du Virtus. La transition fut musclée avec en premier lieu, le départ du coach Sasha Djordjevic qui, malgré le titre, est remplacé par Sergio Scariolo, sélectionneur de l’Espagne et l’un des stratèges les plus respectés d’Europe. L’influence de Belinelli et le projet grandissant du club poussent tous deux à un recrutement massif. Daniel Hackett, Toko Shengelia, Mouhammadou Jaiteh, ou encore un jeune espoir français se nommant Isaïa Cordinier rejoignent les rangs de l’équipe italienne, tandis que Belinelli reste le capitaine et le visage de ce projet.

Après une campagne de qualification mitigée où le club italien n’aura fait que monter en puissance tout au long de la saison, le Virtus retrouve les playoffs de l’Eurocup. En quart de finale, c’est Mouhammadou Jaiteh qui viendra littéralement éteindre le Lietkabelis avec autorité. En demi-finale, elle se rend à Valence, l’un des plus gros budgets de la compétition, et livre une prestation maîtrisée de bout en bout, pour rejoindre la finale où ils y retrouveront les Turcs de Bursaspor.

Le match se déroulait à domicile dans un PalaDozza en fusion. Face à Bursaspor, la tension est palpable, l’enjeu dépasse la simple coupe et est de taille, un billet direct pour l’EuroLeague et la validation de tout un projet. Dans ce match, ce sont les cadres qui prennent les choses en main. Teodosic et Belinelli inscrivent à eux deux 35 des 80 points de leur équipe et ont su relancer la dynamique italienne à chaque fois que David Dudzinski remettait Buraspor à quelques possessions du club italien. Le Virtus s’impose finalement 80 à 67 et la salle explose.

À la fin du match, les images sont fortes. Scariolo enlace ses joueurs avec beaucoup de pudeur, Teodosic lève les bras au ciel, et Belinelli, en capitaine discret, sourit, l’air apaisé. Il ne cherche pas la caméra, il ne fait pas de déclarations flamboyantes. Il savoure simplement cette victoire. Ce titre, il le sait, est l’aboutissement d’un choix, le sien, celui d’être revenu en Italie en 2020, alors que le Virtus était à peine une équipe en devenir.

Cette saison 2021-2022, plus que toute autre, symbolise la réussite d’un modèle. Un club enraciné dans la tradition, qui s’est donné les moyens de sa modernisation. Une équipe construite avec intelligence, patience et exigence. Et un joueur, Belinelli, qui a accepté de passer d’icône offensive à pilier du projet, avec humilité et détermination. Ce n’est pas son année la plus spectaculaire sur le plan statistique, mais c’est peut-être la plus importante dans l’esprit des fans italiens.

Depuis cette fameuse soirée du printemps 2022, la Virtus Bologna n’a cessé de consolider son retour parmi les élites du basket européen. Le club, désormais doté d’une structure financière solide, d’un projet sportif ambitieux et d’un public fidèle revenu en masse au PalaDozza, a su convaincre les instances de l’EuroLeague de lui accorder un wild card permanent. À bientôt 38 ans, il est toujours là, brassard de capitaine au bras, il reste l’âme de cette équipe qui grandit année après année, même s’il ne ferme pas la porte à une fin très proche.