Ils sont les architectes des plus grandes conquêtes mais aussi souvent les responsables des naufrages collectifs. C’est grâce à la star que l’on gagne mais à cause du coach que l’on perd, voici la triste réalité d’être le chef d’un banc NBA. Aujourd’hui on se dirige dans l’univers impitoyable… des coachs NBA et de la vision qu’en fait le grand public, à travers de multiples biais cognitifs chez nous, les fans.
L’erreur de conjonction : c’est quoi ?
Dans ces quelques lignes nous allons revenir sur plusieurs biais cognitifs et non pas un seul. Commençons par le premier : le biais de conjonction. Il n’est pour moi pas problématique en soi. Mais qui amène souvent à des non-sens dans un second temps, vous allez voir.
Le biais de conjonction, ou effet de conjonction, est la tendance, dans certaines circonstances, à surestimer la probabilité d’apparition de deux événements simultanément par rapport à la probabilité d’apparition de chacun d’entre eux. Pour faire court, ça revient à transgresser une loi mathématique de logique. Je sais, ça peut paraître encore un peu flou mais abordons des exemples de situations concrètes. Si je vends un maillot du Brésil taille enfant, qui a le plus de chance de l’acheter ? Un homme ? Un garçon ? Ou un garçon brésilien ? On aurait tendance à choisir le garçon brésilien, évidemment et pourtant, d’un point de vue logique c’est une erreur puisque être un garçon brésilien implique d’être un garçon. La probabilité la plus grande dans l’absolu est donc le garçon.
Surpasser les attentes à tout prix
Mais basculons à notre NBA chérie désormais. S je vous demande, pourquoi untel a été coach de l’année ? Parce que son équipe était forte ou parce que son équipe était forte et a surpris ? Je ne sais pas ce que vous répondriez. Mais les votants pour ce titre répondront à coup sûr la deuxième option. Et je prends pour preuve les votes historiques de ce trophée.
Dans l’absolu, cela ne représente pas de problème, je le conçois. Il est important de savoir tirer le maximum de son équipe, et dépasser les attentes va complètement dans ce sens. Mais là où je suis parfois gêné, c’est quand on ne juge que par le prisme de la surprise. A quel point l’équipe a fini plus haut que là où on l’imaginait au début de saison. Avec ce processus, on omet tant de paramètres si importants à mes yeux. On ne juge jamais la palette tactique d’un coach, sa flexibilité, son adaptabilité. Mais surtout, le niveau réel de son équipe.
« Expectation are everything ». Et en réalité, juste dépasser votre over/under de début de saison vous garantie une place à minima sur le podium du trophée. J’en veux pour preuve les Suns de 2014. Ou un exemple plus récent et que j’ai bien connu : les Knicks de 2021. Projetée avec un bilan de 21-51 (saison à 72 matchs), la bande à Thibodeau explose les attentes et finit en 41-31, 4e de l’Est. Thibs repart avec le trophée. Mais en Play-Offs patatra, défaite 4-1 bien violente face aux Hawks. Et on se rend compte de plein de choses. La défense des Knicks était très chanceuse en régulière, malgré des schémas qui laissaient des tirs ouverts, les adversaires étaient maladroits.
Mais surtout on voit que l’équipe est d’une pauvreté offensive tactique inquiétante (de l’iso, de l’iso et encore de l’iso…). Certes, le personnel était faible. Mais il aura suffit d’un ajustement, densifier le côté fort, pour complètement éteindre Julius Randle et toute l’attaque des Knicks. Et comme de l’autre côté, les Hawks auront une réussite normale et non anormalement basse, les Knicks sont passés à la moulinette. On se retrouve avec un coach de l’année complètement dépassé au premier tour. C’est un peu un non-sens, vous ne trouvez pas ?
L’impossibilité d’évoluer, vraiment ?
Mais si ce phénomène de souvent omettre le niveau réel d’une équipe arrive aussi fréquemment, il n’est pas le seul fléau qui touche les coachs NBA. L’effet de Halo est bien lui aussi présent dans l’esprit des fans. Ce biais est bien plus simple, ne t’en fais pas. C’est le fait de rester souvent sur la première impression. Ou sur ce qu’on entend d’une personne. Il peut arriver dans les deux sens. Mais concrètement, si la première rencontre est positive, il va y avoir un cercle vertueux de vos avis concernant cette personne.
Et pour nos coachs NBA, je trouve qu’on les enferme bien trop souvent dans des cases desquelles ils ne peuvent plus sortir. On empêche complètement l’évolution d’un coach. Alors qu’on fantasme très souvent sur celles de joueurs. Si un coach fait une mauvaise campagne, il doit prendre la porte, il ne peut pas progresser. Si un joueur fait une mauvaise campagne, il va travailler et revenir plus fort. Le manque de cohérence est criant, et là encore un peu gênant. Et pourtant les exemples ne manquent pas. Mike Malone, coach de l’équipe championne en titre, sort d’une campagne remarquable et n’est plus le même que celui qui se faisait out coaché par Terry Stotts en 2019. Mike Brown n’a-t-il pas évolué de façon remarquable après son passage aux Warriors ? Les exemples ne manquent pas. J’aimerais tellement qu’on casse ces barrières concernant notre avis des coachs.
Biais cognitifs : conclusion
À travers ces lignes, j’ai tenté d’apporter un peu de nuance dans la vision de ce poste parfois ingrat. On aurait pu citer bien d’autres maux, bien d’autres biais cognitifs qu’ils subissent. Le fait qu’on leur demande de s’adapter au premier grain de sable, alors que leur formule a marché pendant 82 matchs parfois (Mazzulla). Ou qu’on les juge en tant que mauvais coach offensif alors qu’ils n’ont parfois jamais eu le personnel pour faire mieux (Steve Clifford). Mais je m’arrête ici. C’est ainsi que se termine notre mini saga de l’été, j’espère que ces trois épisodes vous auront plu autant qu’à moi. Et que désormais, vous aurez peut-être un peu plus de recul dans votre jugement de la NBA.