Comment le Panathinaïkos d’Athènes est parvenu à gravir l’Olympe pour la première fois depuis 2011 en remportant l’Euroligue ?
Un mauvais départ
Nous sommes le 14 avril 2023, la saison précédente le titre. Le Panathinaïkos s’incline sur le parquet de Belgrade, pour une 23ème et dernière défaite en Euroleague. Le légendaire club grecque termine son médiocre parcours 17ème de l’Euroleague, dauphin de l’ASVEL pour le pire bilan de la saison.
Classement | Equipe | Joués | Gagnés | Perdus | Victoires (%) | Points pour | Points contre | +/- | Domicile | Extérieur | 10 derniers |
17 | Panathinaïkos | 34 | 9 | 23 | 26,5 | 2649 | 2773 | -124 | 8-9 | 3-14 | 3-7 |
18 | LDLC ASVEL | 34 | 8 | 26 | 23,5 | 2527 | 2787 | -260 | 4-13 | 4-13 | 0-10 |
Tableau 1 : Bilan du Panathinaïkos à l’issue de la saison 2022-2023
Cette saison est inacceptable pour quiconque soutient ce club, et en particulier pour Dimitrios Giannakopoulos. Ce dernier, propriétaire du club, s’engage à redonner au géant historique sextuple champion d’Euroleague ses lettres de noblesse.
La métamorphose
La première étape de ce cheminement consiste à changer d’entraîneur. Fin de l’aventure athénienne pour Dejan Radonjic, remplacé par Ergin Ataman. Ce double champion d’Euroleague avec l’Anadolu Efes rejoint Athènes le 20 juin 2023. Le message associé à ce recrutement est clair : c’est l‘heure de gagner.
Cette arrivée va s’accompagner d’un grand ménage. En effet, le Panathinaïkos conserve seulement 4 des 18 joueurs utilisés lors de la campagne 2022-2023 : Marius Grigonis, qui verra son temps de jeu passer de 18 à 25 min ; Panaglotis Kalaitzakis, Lefteris Mantzoukas, et Alexandros Samodurov, trois joueurs peu mis à contribution. Le club athénien utilisera finalement 16 joueurs sur l’exercice 2023-2024. L’été du club sera donc ponctué de recrutements tous plus clinquants les uns que les autres. Le arrivées notables sont les suivantes :
- Mathias Lessort, intérieur français cador de l’Euroleague au sortir d’une saison à plus de 17 d’évaluation avec le Partizan Belgrade
- Kostas Sloukas, guard légendaire du grand rival Olympiacos
- Juancho Hernangomez, intérieur en provenance de la NBA (Toronto Raptors)
- Jerian Grant, arrière auréolé d’une excellente saison 2022-2023 en Eurocup
- Luca Vildoza, meneur argentin très expérimenté en Euroleague
Au milieu de toutes ces arrivées qui ont fait couler bien de l’encre, d’autres joueurs viennent garnir les rangs du club de la capitale grecque de manière plus discrète. C’est le cas notamment de Konstantinos Mitoglou, ailier fort qui n’avait plus mis les pieds sur un terrain de basket professionnel depuis… 2022 à Milan ; Kyle Guy, arrière scoreur en provenance d’Eurocup ; Kostas Antetokounmpo, intérieur et frère de la star des Bucks ; Aleksander Balcerowski, pivot champion d’Eurocup avec un rôle clef à Gran Canaria ; Ioannis Papapetrou, arrière très utilisé par le Partizan Belgrade la saison précédente, et finalement Dimitrios Moraitis, arrière en provenance de BCL.
Fort de ces 15 joueurs, le Panathinaïkos se lance à l’assaut de l’Euroleague. Cette nouvelle édition ne commence pas sous les meilleurs auspices pour le club athénien, avec trois défaites en seulement quatre matchs. Le management du Pana tente alors un pari supplémentaire avec l’arrivée du talentueux arrière NBAer Kendrick Nunn. Ce dernier débute sur les parquets d’Euroleague le 10 novembre 2023. Il faut seulement deux petits matchs d’adaptation à l’américain avant de devenir une pièce essentielle de l’écurie grecque.
Le cinq qui se dégage est composé de Grant, Nunn, Papapetrou, Mitoglou et Lessort. Cette composition équilibrée, entre scoring et défense, permet au Pana de terminer la saison régulière avec un bilan de 23 victoires pour seulement 11 défaites avec notamment deux victoires de prestige à Monaco (91-90) et Madrid (97-86). Ce bilan leur permet de se hisser à la seconde place à l’issue de la saison régulière (le 11 avril 2024), seulement derrière le grand Real.
Des tactiques bien rodées
La rotation du Panathinaïkos s’est principalement structurée autour de 6 joueurs.
Joueur | MIN | EVAL | PTS | REB | AST | 3P (%) | 2P (%) | 1P (%) | STL | TOV | BLK |
NUNN | 27,5 | 12,1 | 16 | 2,7 | 3,1 | 41 | 44,6 | 95,9 | 0,9 | 3,1 | 0,1 |
LESSORT | 29,7 | 16,1 | 13,9 | 6,3 | 1,4 | 0 | 62,4 | 60,7 | 1 | 1,8 | 0,9 |
SLOUKAS | 26,2 | 15,4 | 12,7 | 3,2 | 5,6 | 41,5 | 50 | 85,3 | 0,8 | 2,3 | 0 |
MITOGLOU | 28,2 | 13,3 | 11,3 | 6,1 | 0,9 | 34,5 | 48,3 | 74,5 | 0,8 | 1 | 0,4 |
GRIGONIS | 24,8 | 9,3 | 9,1 | 2,7 | 1,3 | 41,7 | 48,3 | 90 | 0,6 | 0,9 | 0 |
GRANT | 27,6 | 11,2 | 8,6 | 2,3 | 3,4 | 41,6 | 46,1 | 86,1 | 1,5 | 1,1 | 0,1 |
Tableau 2 : Statistiques des joueurs principaux à l’issue de la saison 2023-2024
Cette escouade clé s’est vue supplée par trois joueurs de rotation importants.
Joueur | MIN | EVAL | PTS | REB | AST | 3P (%) | 2P (%) | 1P (%) | STL | TOV | BLK |
VILDOZA | 15 | 4,9 | 5,7 | 1,5 | 1,5 | 36,6 | 38,5 | 76,2 | 0,6 | 1 | 0 |
PAPAPETROU | 17.2 | 6,2 | 5,6 | 2 | 0,7 | 51,6 | 49,2 | 80 | 0,3 | 0,4 | 0,2 |
HERNANGOMEZ | 16.5 | 5,6 | 4,3 | 3,5 | 0,5 | 26,4 | 35,6 | 75,6 | 0,6 | 0,8 | 0,3 |
Tableau 3 : Statistiques des joueurs secondaires à l’issue de la saison 2023-2024
Ces 9 pièces sont celles qui auront vu le plus de temps de jeu sur l’ensemble de la saison 2023-2024.
Le défi de revenir sur le premier plan européen est déjà réussi pour eux. Mathias Lessort termine la saison régulière comme prétendant sérieux au titre de MVP, finalement devancé par Mike James (AS Monaco). Néanmoins, fort de quelques ajustements en cours de saison à l’instar du départ de Kyle Guy vers Tenerife à l’hiver, le Pana ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Sa progression permanente depuis la première journée ne présage que du bon pour le club athénien.
Le Panathinaïkos s’inscrit comme la meilleure défense de la saison avec une évaluation collective de 107 de ce côté du terrain. Leur seul réel point faible se trouve en situation de transition. Offensivement, avec une “pace” moyenne (72), le club athénien s’appuie entre autres sur de l’attraper tirer en situations de pénétration et kick, notamment via des pick-and-rolls.
Le très caractériel Ataman affectionne particulièrement les écrans diagonaux afin de libérer un intérieur (par exemple Mitoglou). Le poseur d’écran, qui doit briller au tir (par exemple Grigonis), reçoit à son tour un écran afin de pouvoir prendre le tir. Les pick-and-rolls espagnols sont également de mise avec pour objectif de trouver un intérieur (Lessort par exemple) ou un tireur oublié lors des rotations pour un attraper tirer. Sloukas, véritable poison sur pick-and-roll, amène également avec lui quelques systèmes souvenirs de l’Olympiacos.
Par exemple, le porteur de balle se voit poser une corne, et donne la balle afin de se retrouver à 45° à proximité d’un joueur dans le coin voisin. Ce dernier (Nunn, Grant ou encore Hernangomez par exemple) coupe afin de prendre de vitesse son adversaire vers le cercle et obtenir un panier facile. Fort de son bilan en saison régulière, le Panathinaïkos se tourne vers les playoffs.
Les playoffs
Classement | Equipe | Joués | Gagnés | Perdus | Victoires (%) | Points pour | Points contre | +/- | Domicile | Extérieur | 10 derniers |
1 | Real Madrid | 34 | 27 | 7 | 79,4 | 2927 | 2681 | +243 | 14-3 | 13-4 | 6-4 |
2 | Panathinaïkos | 34 | 23 | 11 | 67,6 | 2752 | 2580 | +172 | 14-3 | 9-8 | 8-2 |
6 | Fenerbahçe | 34 | 20 | 14 | 58,8 | 2843 | 2708 | +135 | 15-2 | 5-12 | 5-5 |
7 | Maccabi | 34 | 20 | 14 | 58,8 | 2969 | 2939 | +30 | 13-4 | 7-10 | 7-3 |
Tableau 4 : Bilan du Panathinaïkos et ceux de ses adversaires de playoffs à l’issue de la saison 2023-2024
Le premier adversaire qui se dresse sur le chemin du Panathinaïkos n’est autre que le Maccabi Tel-Aviv, club radicalement opposé au Pana par le style. Quatrième meilleure attaque de la saison régulière, le Maccabi a également remporté les deux confrontations directes contre le Panathinaïkos en saison régulière (81-86 puis 75-91), lors desquelles Mathias Lessort s’est trouvé en grande difficulté avec notamment seulement 4 petits points lors de la seconde confrontation.
Le Panathinaïkos s’impose finalement 3-2 (entre le 23 avril et le 7 mai 2024) au terme d’une série palpitante. Difficile de qualifier cette dernière de convaincante malgré cela. La remarquable performance de Sloukas lors du second match (29 points, 4 passes) leur permet de ne perdre qu’un seul des deux matchs initiaux. Pour le reste de la série, Kendrick Nunn mène la danse avec trois matchs exceptionnels au scoring : toujours 25 points ou plus avec 27 points lors du match 4 et 6-10 à 3 pts lors du dernier match, avec un pourcentage faramineux de 51% à 3 pts sur la série pour 30 min par match.
La traction arrière Nunn – Sloukas permet au club grecque de s’extirper du piège tendu par le Maccabi malgré un Lessort moyen (3-12 aux lancers). Les prises d’initiatives de Sloukas dans l’organisation du jeu, vrai métronome de cet effectif, sont à mettre en lumière. Néanmoins, le Pana aura été en danger sur tous les matchs et ne fait pas figure de favori à l’issue de l’échéance finale de la saison. La figure ci-dessous explicite bien le rôle important des joueurs phares du Pana lors de ce premier tour de playoffs.
Et à la fin, c’est Athènes qui gagne
Tous les regards se tournent maintenant vers Berlin, et le Final Four. Premier Final Four depuis 2012 pour le Pana ! L’adversaire en demi-finale est le Fenerbahçe (24 mai 2024). L’entraîneur du Panathinaïkos est habitué à battre son adversaire du jour : 6 victoires pour 2 défaites depuis 2020 face à l’entraîneur du Fener. De surcroit, difficile d’imaginer au préalable comment le Fener peut stopper les intérieurs du club grecque avec leur utilisation via des picks qui mènent à tous types de pocket passes et autres alley-oops.
Le club turc est souvent mis en difficulté par ses fautes. En effet, c’est la 3ème équipe la plus fautive de l’Euroleague. Par opposition, le Pana est l’équipe la moins fautive avec 18 fautes par match en moyenne. Par conséquent, le club grecque fait figure de favori. Et ce favori ne tremble pas. Auteur d’une partition défensive de très haute volée, le Pana l’emporte 73-57, emmené par un Mathias Lessort inarrêtable : 17 points, 10 rebonds, 1 contre, 2 interceptions pour 16 d’évaluation. Il ne reste alors plus qu’une marche avant la consécration. Mais quelle marche.
La finale de l’Euroleague, qui opposera le Panathinaïkos au Real Madrid, soit les deux premiers de la saison régulière, promet d’être âprement disputée. In fine, le Panathinaïkos s’impose et devient champion d’Euroleague pour la 7ème fois de son histoire, grâce entre autres à une prestation de Kostas Sloukas que les fans de basketball européen ne sont pas près d’oublier.
Super intéressant et complet. Merci!
Avec plaisir 🙂