Souvent oublié ou sous-estimé dans de nombreux débats et classement all-time, le leadership prend pourtant une place importante dans le basket et plus particulièrement en NBA.
Cet article a été écrit par Romain Lorandel.
Le leadership est un aspect crucial du jeu, qui peut radicalement changer l’histoire d’un match, d’une série de playoffs ou même d’une franchise. Crucial pour plusieurs raisons fondamentales, le leadership touche à la fois les aspects techniques, psychologiques et sociaux du jeu. Il est le ciment qui lie les éléments d’une équipe ensemble, permettant de naviguer les défis, de maximiser les talents individuels, et d’atteindre des objectifs communs.
Sans un leadership solide, même les équipes les plus talentueuses peuvent échouer à réaliser leur plein potentiel, comme les Clippers depuis 3-4 ans, les Suns depuis 2 ans ou encore les Nets de 2022. À l’inverse, les Bulls des années 90, les Spurs de 1999 à 2014, et les Warriors depuis 2015 sont des exemples en matière de leadership. Malgré plusieurs personnalités fortes, ces équipes, ces joueurs et ces staffs ont su travailler ensemble et progresser vers leurs objectifs respectifs !
C’est quoi le leadership ?
D’après la World Association Of Basketball Coach, le leadership se définirait comme : « En matière de leadership, il n’est point question de prestige, de pouvoir ou de statut, mais plutôt d’influence et de persuasion. Il ne s’agit pas non plus de position, ou simplement de relations hiérarchiques, mais bien de guider les supérieurs et les pairs tout comme les subordonnés directs […] Certains considèrent le leadership comme un art, et non comme une science, lequel découle d’un mélange complexe d’instinct, de décisions conscientes et d’actions reposant sur la situation, les personnes impliquées, les objectifs et l’expérience du leader ».
Le leader n’est pas forcément le joueur le plus doué, celui qui joue le plus de minutes ou même le franchise player d’une équipe. Non, le leader, c’est celui qui tire l’équipe et la franchise vers le haut, par sa voix, son exemplarité ou son énergie. Le bon leader doit être présent dans les moments cruciaux, montrer l’exemple, faire preuve de courage et de résilience. Il doit veiller à la bonne cohésion de l’équipe et doit être capable de garder ses coéquipiers concentrés sur l’objectif. Pour les plus anciens, il doit aussi jouer un rôle de mentor pour la nouvelle génération.
Selon moi, on distinguerait 3 grandes catégories de leader (le Général, le catalyseur et le grand-frère) et qui amènerait à 2 sous-catégories plus rare (le bi-dimensionnel et le leader universel), les 5 ont un rôle bien définis et distinct. Avant de développer, essayez de trouver des joueurs qui, selon vous, incarnent chaque type de leadership !
Le Général
Souvent un meneur ou un joueur doté d’un QI basket élevé, le Général se distingue par sa capacité à diriger l’équipe, à prendre les bonnes décisions stratégiques lors des moments cruciaux. Il connaît parfaitement le jeu et sait quoi faire au bon moment pour permettre à son équipe de l’emporter. Considéré comme le coach sur le parquet, il se caractérise par une vision exceptionnelle du jeu, un sang-froid à toute épreuve qui lui permet de gérer toute forme de pression, sur et en dehors des terrains, et par sa capacité à prendre ses responsabilités dans les moments décisifs.
La NBA a connu de nombreux Généraux au fil des années, comme Steve Nash, Rajon Rondo ou John Stockton. Tous trois ont su être les chefs d’orchestre de leurs équipes respectives, grâce à leur capacité à diriger, à lire le jeu, et à agir efficacement sous pression. En somme, le Général est le lien entre le terrain et le banc, le moteur qui fait fonctionner la machine collective, en s’assurant que chaque pièce joue son rôle à la perfection.
Le catalyseur
Le catalyseur est le leader qui insuffle énergie, intensité et passion à son équipe. Contrairement au général, qui se distingue par sa vision stratégique et son calme, le catalyseur est le moteur émotionnel de l’équipe, capable de changer le cours d’un match par son impact physique, mental et émotionnel. Ce type de leader ne se contente pas de jouer : il électrise le terrain, inspire ses coéquipiers et veille à ce que l’intensité reste élevée en toutes circonstances.
Le catalyseur est aussi un leader vocal, toujours en train de parler, d’encourager ou de motiver. Il sait comment remobiliser l’équipe après un coup dur, trouver les mots justes pour motiver ses coéquipiers, et maintenir une communication constante pour garder tout le monde concentré. On peut également inclure dans cette catégorie les pyromanes ou les showmen, ces joueurs capables d’enflammer (ou de refroidir…) toute une équipe et un stade grâce à une action ou une série de séquences offensives ou défensives.
Dennis Rodman et Patrick Beverley incarnent parfaitement cette catégorie : des « chiens enragés » toujours prêts à parler et à se donner corps et âme pour l’équipe. Shaquille O’Neal, quant à lui, électrisait par sa domination, sa puissance et ses dunks spectaculaires. Ces joueurs à l’énergie contagieuse poussent leurs coéquipiers à donner tout ce qu’ils ont pour parvenir à la victoire. Ce sont les porteurs de flamme d’une équipe.
Le grand-frère
Le grand-frère est le leader qui se distingue par son rôle de mentor et de guide au sein de l’équipe. Contrairement au Général, qui dirige par la stratégie, ou au catalyseur, qui inspire par l’énergie, le grand frère exerce son influence principalement par son expérience, sa sagesse et son souci des autres. Ce type de leader incarne la stabilité, la confiance et l’empathie, jouant un rôle clé dans le développement des jeunes joueurs et dans la création d’une culture d’équipe solide et unie.
Le leadership du grand-frère est souvent plus subtil que celui d’autres types de leader, mais tout aussi puissant. Il ne cherche pas à être au centre de l’attention, mais son impact se fait sentir dans la manière dont il élève ses coéquipiers, les aidant à s’épanouir. Toujours présent pour soutenir les autres après un problème ou un échec, il est le soutien émotionnel et moral de l’équipe, capable de gérer n’importe quel conflit ou pression tout en maintenant une certaine stabilité personnelle et au sein de la franchise.
Des joueurs comme Udonis Haslem, Al Horford, et Andre Iguodala incarnent parfaitement ce rôle. Ils rappellent à leurs coéquipiers les raisons pour lesquelles ils jouent ensemble, recentrent l’équipe sur ses objectifs communs et réconfortent les joueurs lorsqu’ils doutent d’eux-mêmes. Ils sont la corde qui unit les individus, formant ainsi une équipe soudée et résiliente, capable de surmonter n’importe quel défi.
Le bi-dimensionnel
Le leadership bi-dimensionnel désigne les joueurs qui incarnent deux des trois types de leadership présentés précédemment. Ces joueurs polyvalents combinent différentes qualités pour répondre aux besoins de leur équipe. Leur rôle est profond, leur permettant d’avoir un impact tant sur le plan stratégique qu’émotionnel et relationnel. En assumant deux rôles de leadership, ces joueurs exercent une influence étendue sur leur équipe. Ils sont respectés non seulement pour leur intelligence de jeu, mais aussi pour leur capacité à élever le moral de leurs coéquipiers, à gérer les egos, et à s’assurer que chacun se sente impliqué et valorisé.
- Giannis Antetokounmpo, Draymond Green, et Kevin Garnett incarnent parfaitement le rôle de grand-frère, toujours présents pour soutenir les autres, n’hésitant pas à se sacrifier pour le bien de l’équipe. Ils sont également des Catalyseurs, constamment en train de communiquer, et savent galvaniser et unir l’équipe grâce à leur énergie et leurs actions sur le terrain.
- Jason Kidd, Russell Westbrook, et Stephen Curry sont des joueurs à la fois calmes, capables de diriger les attaques avec brio et intelligence. Mais ils savent aussi galvaniser tout ce qu’il y a autour d’eux : Curry avec ses tirs à trois points sortis de nulle part, Westbrook avec ses dunks remplis de rage, et Kidd avec sa constante exclamation et motivation pour le bon fonctionnement de son équipe. Ces trois joueurs symbolisent l’équilibre parfait entre le Général et le catalyseur.
- Enfin, des joueurs comme Chris Paul, Larry Bird, et Tim Duncan sont les parfaits exemples de leaders au QI basket élevé. Ils gèrent tout sur le terrain, en défense comme en attaque, sont présents lors des moments cruciaux et n’hésitent pas à prendre leurs responsabilités. Ils incarnent le lien idéal entre l’équipe et le coach, servant de véritables mentors pour les jeunes tout en montrant l’exemple et en veillant à ce que l’équipe avance harmonieusement vers ses objectifs.
Le leader universel
Le leader universel représente une catégorie rare de joueurs en NBA, ceux qui incarnent simultanément les trois types de leadership : le Général, le catalyseur et le grand-frère. Ces joueurs maîtrisent non seulement la stratégie à un niveau exceptionnel, mais ils inspirent également par leur énergie et soutiennent leurs coéquipiers grâce à leur expérience et leur empathie. Leur impact est global, tant sur le terrain qu’en dehors, et leur présence est souvent synonyme de succès collectif.
La présence d’un leader universel transforme une équipe. Ces joueurs sont rares, mais leur influence est profonde et durable. Ils ne se contentent pas de gagner des matchs : ils construisent des dynasties, influencent la culture d’équipe et laissent un héritage qui dépasse leur carrière sur le terrain. Leur capacité à combiner stratégie, énergie et soutien fait d’eux des piliers autour desquels les équipes se bâtissent et prospèrent.
LeBron James, Michael Jordan et Magic Johnson sont les exemples parfaits de ce leadership universel. Ils incarnent les trois dimensions essentielles du leadership avec une telle harmonie que leur influence s’étend à tous les aspects du jeu et de la vie d’équipe. En dirigeant, inspirant et soutenant, ces leaders ne sont pas seulement indispensables pour toute équipe visant l’excellence, mais aussi pour la survie de la NBA. La grande ligue a besoin de joueurs comme eux, dotés d’un charisme universel.
Le leadership est inné ou acquis ?
Comme pour tous les aspects du jeu, ou même de la vie, personne ne naît avec les mêmes bases. Certains sont naturellement talentueux, d’autres non. Dans ce cas, certaines personnes présentent des prédispositions et manifestent très tôt des qualités de leadership, dès leur enfance ou leur adolescence.
Certaines personnes considèrent que le leadership est une compétence innée, acquise dès la naissance. Et il est vrai que certains individus montrent des qualités de leader dès leur plus jeune âge, que ce soit dans la cour d’école, en classe ou sur un terrain de sport. On les voit naturellement prendre les commandes et guider leurs pairs, peu importe leur âge ou la situation.
D’un autre côté, beaucoup soutiennent que le leadership peut s’apprendre et se développer avec le temps. Selon cette approche, même si certaines personnes possèdent des prédispositions naturelles, les compétences de leadership peuvent être cultivées par l’expérience, l’apprentissage, et le développement personnel. Cette idée repose sur la conviction que l’observation, la formation et la pratique peuvent transformer une personne en un leader efficace.
En réalité, le leadership résulte d’un mélange de ces deux approches. On ne devient pas un bon leader sans travail, sans observation ou sans apprentissage, tout comme on ne peut pas s’improviser leader du jour au lendemain. Ce sont souvent les années d’efforts, d’observation, d’erreurs, et d’apprentissage qui transforment un individu en leader accompli. Des joueurs comme Kobe Bryant, par exemple, ont constamment travaillé sur leur mentalité et leur approche du jeu pour devenir des leaders exceptionnels, incarnant à la fois un talent inné et un travail acharné.
Le leadership est, en quelque sorte, une forme d’évolution personnelle. Il n’est pas une qualité figée. Il évolue, s’affine, et se renforce avec le temps et l’expérience.
Étude de cas : les Bulls de la décennie 90
Sûrement l’équipe la plus emblématique de tous les temps, les Chicago Bulls des années 90 sont un véritable modèle en matière de gestion, d’organisation et surtout de leadership, un modèle de leadership collectif qui à permis de ramener six championnats en 8 ans. L’étude de cette équipe permet de mieux comprendre comment différents types de leadership peuvent se combiner pour créer une force dominante.
Construite autour d’un homme, Michael Jordan, un leader né, qui a su travailler et se servir de ses échecs pour pouvoir excellé dans n’importe quel aspect du leadership. En tant que le Général, il dirigeait l’équipe avec intelligence. Comme catalyseur, il électrisait le jeu et inspirait ses coéquipiers. En tant que grand-frère, il jouait un rôle de mentor, aidant ses coéquipiers à s’élever au plus haut niveau.
Pour le suppléer il pouvait compter sur Scottie Pippen, en combinant les rôles de Général et de grand-frère, il orchestrait la défense des Bulls et assurait la fluidité du jeu, tout en soutenant ses coéquipiers sur le plan émotionnel. Pippen était le joueur polyvalent par excellence, essentiel dans l’ombre de Jordan pour la réussite de l’équipe.
Durant la 2e moitié de cette décennies, les Bulls ont pu compter sur Dennis Rodman, un rebondeur et défenseur hors pair, il représentait le Catalyseur des Bulls. Son énergie débordante, son intensité sur le terrain et sa capacité à galvaniser ses coéquipiers étaient essentiels pour maintenir une dynamique de jeu élevée. Rodman apportait l’étincelle nécessaire pour enflammer les Bulls lors des moments clés.
Et au milieu de tout ça il y avait un métronome, Phil Jackson, il était le stratège qui a su canaliser les talents de l’équipe grâce à sa philosophie Zen et son approche unique du management. En tant que Général, il a implanté le jeu en triangle, et en tant que Grand Frère, il a guidé mentalement ses joueurs à travers les défis de la saison NBA, forgeant une cohésion d’équipe inégalée.
Les Bulls des années 90 ont démontré que le leadership en NBA est multidimensionnel et qu’il nécessite une combinaison de différentes qualités pour atteindre l’excellence. Michael Jordan, en tant que leader universel, Scottie Pippen, avec son leadership bi-dimensionnel, Dennis Rodman avec son énergie débordante et Phil Jackson, en tant que stratège et mentor, ont tous joué des rôles cruciaux. Ensemble, ils ont créé une dynastie qui reste, à ce jour, une référence en matière de leadership et de succès collectif dans le sport.
Le leadership, la clé d’une dynastie ?
Le leadership en NBA ne se résume pas à une seule qualité ou compétence. Il s’agit d’une combinaison complexe de stratégie, d’énergie et d’empathie, qui varie en fonction des besoins de l’équipe et des circonstances. Que ce soit le Général, le Catalyseur, le Grand Frère, ou l’exceptionnel Leader Universel, chaque type de leadership joue un rôle crucial dans le succès des équipes.
En fin de compte, le leadership, qu’il soit inné ou acquis, reste un élément essentiel qui transcende le simple talent individuel. Il est le ciment qui lie les joueurs, les entraîneurs et les franchises, transformant une collection de talents en une équipe véritablement grande. À mesure que la NBA évolue, les leaders continueront d’être au cœur de chaque succès, façonnant non seulement les victoires sur le terrain, mais aussi l’héritage de la grande ligue.