Sofyane Mehiaoui et ses coéquipiers de l'équipe de France de basket-fauteuil espèrent décrocher leur qualification pour les Jeux paralympiques ce week-end à Antibes.

Le basket fauteuil : l’art de dribbler le handicap

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Le basket fauteuil est un sport qui s’est principalement développé en Grande-Bretagne, dans la seconde moitié des années 40. Il avait pour but de venir en aide aux différents soldats blessés de la Seconde guerre mondiale. Depuis ce sport a connu une énorme expansion, et est devenu la discipline pionnière de l’handisport international.

C’est également le cas en France où les licenciés ne font qu’augmenter et où la formation n’en finit plus de s’améliorer. On peut notamment noter l’exploit de l’Équipe nationale qui s’est qualifié pour les Jeux de Paris, une première depuis Athènes et les Jeux de 2004. Une très belle prouesse que Mamady Traoré, jeune joueur de l’Équipe de France, âgé de 21 ans a accepté de partager avec Le Roster pour vous montrer l’importance qu’a le basket dans leur vie.

Un sport en plein développement

Basket fauteuil | Benjamin Chevillon
Match de l’Équipe de France de basket fauteuil en 1983. Crédit : Benjamin Chevillon

C’est dans une très lourde confrontation au monde du sport que le basket fauteuil et l’handisport en général doivent se construire et se développer chaque jour. En effet, dans un monde construit et pensé pour les personnes « valides », le handicap essaye de se faire sa place au sein de la société pour être reconnu à part entière par la communauté sportive. Et pour acquérir cette reconnaissance, encore faut-il être suffisamment mis en avant par la médiatisation.

En effet, le basket fauteuil a beau être l’handisport le plus pratiqué en France, la médiatisation n’est pas encore assez présente pour permettre aux fans de basket de réaliser une découverte approfondie de ce sport. Mais Mamady Traoré trouve tout de même qu’il y a de plus en plus de progrès dans ce domaine et espère que les Jeux pousseront encore un peu plus ce développement :

C’est sur que nous ne sommes pas aussi médiatisés que le basket « valide », mais l’engouement autour des Jeux nous a permis d’être médiatisé sur plusieurs chaînes TV (BeinSport et L’Équipe avaient notamment diffusé le tournoi de qualification olympique qui s’était déroulé à Antibes). Aujourd’hui le média Sportall diffuse également le championnat de France de basket fauteuil, même s’il reste minimaliste par rapport aux différents groupes de la télévision.

Tout ce dispositif mis en place par ces différents médias permet aux fans de basket fauteuil de pouvoir suivre avec beaucoup de régularité leur sport. Il manque encore une large découverte pour le grand public qui devrait se faire par le billet de ses Jeux de Paris. Que ce soit par la vente des billets ou par la télévision, le basket fauteuil espère connaître un gros engouement pour continuer de se développer en France, que ce soit au niveau professionnel ou au niveau amateur.

On le sait, l’handisport n’est pas toujours respecté à sa juste valeur par tous. Ce sport et ses sportifs doivent donc démontrer constamment leurs valeurs et leurs capacités afin de casser ses codes sociaux du sport.

Ce changement de mentalité passe également par une sensibilisation qui est de plus en plus présente que ce soit dans les associations ou dans le monde scolaire et éducatif. Ce sport est de plus en plus connu et les clubs ne cessent de se développer et de gagner chaque années de nombreux licenciés qui découvrent cette pratique sportive en grande partie grâce à cette sensibilisation.

En grande partie oui, car ce n’est pas le cas de Mamady Traoré qui a découvert le basket fauteuil par une rencontre assez chanceuse. En effet à cause de son handicap, il s’est rapidement retrouvé dans l’obligation d’effectuer des opérations très lourdes ce qui lui vaudra plusieurs séjours dans des centres de rééducation.

Là-bas, il y rencontrera le président de son futur club qui s’avérait être également le professeur de sport du centre. Footeux d’origine, il a eu du mal à accepter ce changement de sport mais il a finalement réussi cette bascule psychologique:

Je n’ai pas tout de suite adhéré à ce sport. J’étais un vrai footeux et au début le basket ne me disait pas grand-chose. Mes opérations m’ont contraint d’arrêter le foot et ça n’a pas été une chose facile, mais au fur et à mesure des entrainements, j’y ai pris goût.

Ce qui limite son nombre d’adhérant, c’est également le fait que sans sponsor et sans aides, le basket fauteuil est un sport très expansif. Malgré ça les associations et autres organismes se mobilisent chaque jour pour permettre à ces basketteurs d’avoir des équipements et des structures d’entraînements adaptées.

Aujourd’hui les sponsors et les communes sont devenus des soutiens indispensables pour la survie de tous ses clubs. Et ce côté financier est un vrai frein pour le développement de ce sport.

Tous les basketteurs doivent disposer d’un fauteuil roulant homologué qui doit être adapté à la morphologie de chacun (coutant entre 3 000 et 9 000 € l’unité). Mais il y a aussi toute la logistique qui comporte le stockage et l’entretien de ces fauteuils qui doivent être à une proximité extrême du lieu d’entraînement. On comprend donc que cela perturbe les plans de nombreuses associations pourtant très volontaires.

Mamady Traoré, lui, pointe également du doigt ces différents problèmes liés à la morphologie et au prix des fauteuils de compétition. Comme tous les adolescents, il a grandi et gagné en muscles, l’obligeant à changer de fauteuil plus régulièrement que les personnes déjà adultes ou en fin de croissance :

C’est vrai que les fauteuils sont très chers. J’ai d’abord eu cette chance d’intégrer le pôle espoir de Bordeaux, ce qui m’a permis d’avoir un fauteuil offert pendant ce cycle. Mais c’est vrai qu’après mon départ de Bordeaux, ce fauteuil n’était plus adapté à moi et j’ai donc dû en payer un de ma propre poche. J’ai la chance de pouvoir le faire mais le fait de devoir le changer tous les 3 ou 4 ans, ça en devient un cout très important.

Une professionnalisation très peu développée en France

À voir mardi 2 mars, émission spéciale basket fauteuil | Handisport.org
Mamady Traoré. Crédit : Fédération Française d’Handisport

Dans les sports paralympiques, les opportunités professionnelles restent très rares. En France, nous retrouvons principalement les tennismen, les athlètes et une poignée de basketteurs qui peuvent espérer vivre de leur passion. Mais pour les basketteurs, le professionnalisme ne se déroule pas en France, à notre grand désespoir. Car oui, en France les basketteurs, même évoluant en première division ne sont pas considérés comme professionnels.

Ils reçoivent tout de même des fonds, sous forme de primes, mais cela ne permet pas de vivre confortablement et ces athlètes sont donc obligés de trouver un travail adapté. Mamady Traoré travaille de son côté dans la mairie et dans l’animation de la commune de son nouveau club (Hyères). Les services publics sont d’ailleurs le choix de la plupart des sportifs de haut niveau qui se tourne vers ces derniers en raison de la flexibilité des horaires, leur permettant d’assumer pleinement travail et sport.

Cette professionnalisation du basket fauteuil passe également par le billet de la formation des jeunes. C’est pour cela que la fédération française handisport a permis la construction d’un centre fédéral d’Handisport. Une structure qui peut-être comparée à l’INSEP dans le sport valide. Cet organisme est l’un des seuls endroits où l’on propose une formation dans des centres labélisés, cela permet de constituer le futur réservoir du basket fauteuil français.

Mamady Traoré est d’ailleurs passé par là, il s’y est bien développé pendant 3 ans avant de retrouver son club de Meaux par la suite. Il nous expliquait d’ailleurs l’importance qu’avait ce centre et cette organisation dans sa formation:

Oui je suis passé par cette étape-là. C’est pour expliquer simplement un pôle de jeunesse qui se situe à Bordeaux. J’y suis resté de mes 14 ans à mes 17 ans et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette expérience a été très bénéfique pour moi. Ça te permet de te fixer de vrais objectifs sportifs tout en ayant un programme scolaire adapté.

Mais malheureusement après cette étape, les choses se compliquent un peu, car il est presque impossible de cumuler les études et le sport de haut niveau dans le basket fauteuil. C’est notamment dû à la non présence de structures de types « centre de formation » après l’obtention du baccalauréat.

Malgré tout, les jeunes peuvent tout de même cumuler les entraînements en club et leurs études jusqu’à leurs 23 ans. Une possibilité certes, mais qui n’est pas des plus adaptées, car la charge de travail est lourde et l’intensité et le rythme des entraînements continuent de s’accentuer. Un vrai problème qui mérite des changements si la fédération veut poursuivre le développement du basket fauteuil français.

Mais évidemment le principal problème en France, c’est que les joueurs de basket fauteuil qui évoluent dans le championnat de France ne peuvent pas en vivre ou très mal. Les joueurs s’éloignent donc des parquets français et retrouvent des championnats où ils peuvent vivre confortablement de leur sport tel que l’Espagne, l’Allemagne, ou encore l’Italie.

Une preuve que le basket fauteuil français ne peut pas espérer se développer correctement à l’échelle nationale, si les plus gros noms européens font le choix de se diriger vers un autre championnat et si les plus grosses pépites françaises suivent la même démarche.

C’est également le cas pour Mamady Traoré qui avait donc réalisé ce choix d’aller répéter ses gammes du côté de l’Allemagne et plus précisément à Hambourg. Il évoluait d’ailleurs sous les ordres de l’ancien international iranien Alireza Ahmadi. Ce choix fut une évidence pour lui tant sa volonté de vivre du basket fauteuil est immense :

Oui mon départ à l’étranger vient d’une réelle envie de faire de mon sport, mon métier. Je suis donc parti à Hambourg avec une vraie envie de découvrir le sport de haut niveau, d’engranger de l’expérience mais aussi d’obtenir mon premier contrat professionnel.

Depuis Mamady a effectué son retour en France en vue des Jeux de Paris. En effet, le seul problème d’évoluer à l’étranger est que le calendrier international ne concorde pas avec les échéances en club. Un vrai problème car ces clubs qui payent de manière conséquente leurs joueurs ne peuvent pas se permettre de les laisser partir pour des matchs de préparation avec leurs équipes nationales :

Oui j’ai en effet depuis fait mon retour en France. J’avais l’option de rejouer pour mon club d’origine (Meaux), mais après les discussions que j’ai eues avec la direction du club d’Hyères, j’ai finalement décidé de m’y installer. Leur projet sportif m’intéressait et je savais qu’ils étaient à la recherche d’un profil comme le mien, ce qui m’assurait des responsabilités. Le fait qu’il y ait en plus quelques internationaux français dans l’équipe à renforcer mon choix et ça nous a permis de créer de vrais liens ainsi que des automatismes.

Un retour en France, oui, mais pas il ne sera éternel. Mamady n’a en effet pas caché ses envies de retrouver un projet dans un club étranger. Il restera malgré tout une année supplémentaire à Hyères car il avait fixé avec la direction du club, une clause dans son contrat qui stipulait qu’il se réengagerait avec Hyères en cas de qualification pour les Jeux Paralympiques.

La France aux Jeux : une première depuis 2004

C’est après avoir passé plus de 20 ans à se reconstruire que l’Équipe de France retrouve enfin les sommets internationaux. Mais ce n’est que depuis 2022 que nous commençons à voir les résultats de tous ce travail grâce notamment à un homme, Franck Bornerand.

Le sélectionneur des Bleus a réussi à hisser son groupe dans un collectif unique qui se perfectionne et s’améliore de jour en jour. Ce travail et cette consécration sont issus d’une lourde remise en question après la grosse désillusion du dernier Eurobasket où les Bleus avaient terminé à une bien triste 7ème place.

Tournoi de qualification pour les Jeux Paralympiques

L’équipe de France qualifiée pour les Jeux paralympiques, une première depuis 20 ans !
Crédit : Miko Missana

C’est avec beaucoup de tension que les Français ont appris qu’ils participeraient finalement au tournoi de qualification paralympique. En effet, dans la plupart des sports collectifs, la France, en tant que pays hôte, était déjà assuré d’être de la partie lors de la grand-messe de l’été 2024.

Tout part de cette décision du Comité International Paralympique qui a pris la décision de réduire le nombre des équipes qui participeront à ce grand évènement. Avant comme pour le basket valide, il y avait un total de 12 équipes participant aux Jeux, elles ne sont désormais plus que 8. Une décision qui a fait grand bruit et qui a été très contesté par la Fédération, mais qui n’obtiendra malheureusement pas gain de cause.

Les Bleus ont dû se mobiliser pour obtenir une qualification indispensable pour le développement de ce sport. Et c’est dans l’Azur Arena d’Antibes que l’Équipe de France de basket fauteuil a débuté son tournoi qui s’annonçait déjà difficile. En effet, les Bleus n’ont pas été très gâté par le tirage et ont retrouvé l’Iran ainsi que les Pays-Bas (respectivement 3 et 4ème des derniers championnats du monde), mais aussi le Canada, grand habitué des phases finales de compétitions internationales.

France – Iran :

C’est dans un premier match déjà très important pour leur confiance que s’est embarqué la bande à Franck Bornerand. Les Bleus son finalement arrivés à bout des Iraniens dans un match très tendu où ils ont réussi à impacter les iraniens hors de la raquette.

Les Bleus mènent donc de 15 points à l’entame du dernier quart mais dans une fin de match où les joueurs sont à bout de souffle, l’Iran va grappiller son retard petit-à-petit jusqu’à revenir au contact des Bleus. Heureusement l’apport du public et la gestion parfaite de ce money-time vont permettre aux français de l’emporter d’un petit point (64-63).

Mamady Traoré a d’ailleurs souligné l’importance qu’a eue ce match dans la suite de leur périple vers les Jeux :

Nous savions que ce match était d’une importance capitale, le fait de l’avoir gagner nous a permis d’aborder cette compétition de la meilleure des manières afin de construire une dynamique positive.

France – Canada :

Dans ce deuxième match, les Bleus nous ont exécuté une excellente partition face aux Canadiens. Jamais inquiétée, la France n’aura lancé sa machine qu’au retour des vestiaires et aura su conserver un avantage constant entre 6 et 10 points.

Une victoire encore exemplaire qui vient confirmer celle de la veille face aux iraniens. Les français auront tout de même dû faire face à de petits problèmes défensif, notamment face à un joueur en particulier, nommé Colin Higgins, auteur de 26 points, 9 rebonds et 6 passes. Heureusement pour les Français, le collectif a finalement pris le pas sur la défense canadienne pour parachever un succès très sérieux 61-53.

France – Pays-Bas :

Un très beau match qui a des allures de revanche. En effet, la dernière fois que ces deux nations s’étaient rencontrées, c’était lors du dernier Euro à Rotterdam. Les Pays-Bas l’avaient emporté dans les ultimes secondes de la partie dans un magnifique quart de finale. Ce match valait bien un petit règlement de comptes, d’autant plus que cette fois, c’est bien nos Bleus qui se retrouvent à domicile.

Et c’est au terme d’une nouvelle prestation très abouti que les français vont finir par venir à bout de ces néerlandais. Presque toute la partie devant, les français s’imposent et finissent donc premiers de ce groupe à l’issue d’un match très fermé (48-43).

France – Maroc :

C’était un match pour l’histoire qu’attendait le basket fauteuil français, ils avaient 40 minutes pour écrire l’histoire de ce sport. Et c’est dans une victoire à sens unique (87-60) que les Bleus vont mettre un terme à une attente de plus de 20 ans. Très agressif en défense, les Bleus ont rapidement mis à mal leurs adversaires marocain.

Les Bleus ont rapidement pris les devants, menant 25-10 à la fin du 1er quart temps. Ils ont ensuite démontré toute leur palette offensive en proposant une circulation de balles très intéressante. Mais le moment que retient Mamady Traoré, c’est ce dernier temps mort posé par son coach, Franck Bornerand :

J’ai ressenti énormément de joie à la fin de ce match, un vrai moment magique que j’ai pu partager avec toute l’équipe. Je garde ce souvenir à 15 secondes de la fin du match quand le coach pose un temps mort alors que l’affaire est pliée mais quand il le prend et qu’on entend ce public faire autant de bruit avec autant d’enthousiasme, c’est vraiment un sentiment indescriptible et c’est de bon augure pour les Jeux.

C’est donc avec beaucoup de panache que le basket fauteuil français a obtenu sa qualification pour les Jeux Paralympiques. Un gros parcours les attend encore même si les Français n’ont pas la volonté de se mettre la pression. À l’image des garçons du 3×3, ils tiennent à prendre les matchs les uns après les autres afin de profiter un maximum de cette expérience si unique que d’avoir des Jeux à la maison. Nous leur souhaitons évidemment bonne chance et espérons de tout cœur qu’ils montent tous ensemble sur la boîte.

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