Récemment, deux informations majeures sont venues bousculer l’actualité du basket suisse. La première concernait Vevey Riviera Basket qui n’a pas obtenu gain de cause auprès du juge du Tribunal Arbitral du Sport. La seconde, plus surprenante, a mis en lumière les problèmes structurels et financiers de Fribourg Olympic. Ces situations sont le reflet des problèmes que rencontre le basket en Suisse.
Vevey Riviera Basket n’est pas un cas isolé
La saison dernière, deux clubs, le BC Boncourt et Swiss Central, se sont vus être relégués faute de garanties financières suffisantes. Cette saison, c’est au tour de Vevey Riviera Basket d’être relégué pour la même raison. Les apports financiers proposés par le président du club veveysan n’ont pas suffit à convaincre le juge du TAS. Mais outre Vevey, d’autres clubs ont dû batailler pour obtenir cette fameuse licence octroyant le droit d’évoluer dans l’élite du basket suisse, la Swiss Basket League ou SBL.
En effet, cette licence Union Neuchâtel et le BBC Monthey ne l’ont obtenue que sous certaines conditions. Cette situation laisse dubitatif quant à la pérennité de ces différentes institutions dans le paysage du basket suisse. Pourtant, ces équipes ne sont pas de nouvelles venues dans le championnat suisse.
La situation du club veveysan est inquiétante et symptomatique des problèmes que rencontre le basket en Suisse. En effet, tous les clubs sont concernés par cette précarité financière, même les équipes du haut de tableau, à l’image de Fribourg Olympic.
Le club fribourgeois est le club phare du pays depuis de nombreuses années. Cette saison encore, l’équipe coachée par Thibaut Petit participe à la Coupe d’Europe FIBA. Malgré cette compétitivité à l’échelon européen, les différences vont plus loin que le simple talent des joueurs. Car si sur le papier, Fribourg a pu rivaliser avec Cholet notamment, dans les faits, les choses sont bien différentes.
Thibaut Petit l’a d’ailleurs souligné lors d’une interview donnée à RTS 1.
“Les autres équipes quand elles se déplacent, elles peuvent compter sur 20 personnes du staff, toutes professionnelles. Ici, les membres du staff sont moins nombreux et n’ont pas ce statut. C’est aussi un aspect sur lequel on doit travailler en Suisse.”
Même si la participation à cette coupe d’Europe est très importante d’un point de vue sportif, la situation est bien différente d’un point de vue financier. Les coûts surpassent les gains et mettent ainsi les finances fribourgeoises en difficultés, comme le prouve le déficit de 122’000 francs enregistré la saison dernière. Il faut dire qu’avec une salle à moitié remplie tout au long de la saison, il est difficile de remplir les caisses.
Ce manque de moyens financiers est un véritable problème dans une optique de professionnalisation du basket en Suisse. En effet, cette situation ne concerne pas seulement les membres du staff. Elle concerne également les joueurs qui, à titre de comparaison avec le football ou le hockey sur glace, deux sports majeurs en Suisse, ne sont que très peu rémunérés. A l’exception des joueurs d’Olympic qui touchent peut-être un peu plus, le salaire d’un joueur de SBL oscille entre 1000 et 3000.-. Cette somme ne permet pas de vivre exclusivement du basket.
Pour Randoald Dessarzin, entraîneur des Pully Foxes, club de SBL, les joueurs, qu’ils soient Suisses ou étrangers, viennent ici non pas par appât du gain mais véritablement par passion. Cette situation, bien que louable d’un point de vue moral, est un véritable frein au développement du basket.
Les problèmes autour du basket suisse sont nombreux mais comme dit l’adage : à chaque problème sa solution. Il est donc intéressant de se pencher sur ce que la fédération et/ou les clubs doivent ou peuvent faire de mieux pour parvenir à développer le basket à l’avenir.
De nouvelles infrastructures
En Suisse, seul Fribourg Olympic possède sa salle uniquement dédiée au basket c’est un plus indéniable. Les autres clubs du pays doivent se partager les salles multisports avec des écoles ou d’autres clubs sportifs rendant ainsi la professionnalisation compliquée. Il est difficile pour les joueurs de s’entraîner de 20 heures à 22 heures chaque soir ou presque. Ce n’est pas une situation idéale pour les clubs que de devoir jongler d’une salle à l’autre entre deux rencontres.
Pour régler ce problème, il faut donc investir dans de nouvelles infrastructures comme l’a fait Fribourg en 2010, soit il y presque 15 ans déjà. La solution est on ne peut plus simple, en revanche sa réalisation est nettement plus compliquée. Le basket souffre d’une très grande concurrence dans la quête de sponsors. En effet, les investisseurs préfèrent miser sur le football ou le hockey sur glace pour ce genre d’investissements. Ces deux sports sont des valeurs sûres, ce qui n’est pas encore le cas pour le basket.
Néanmoins, les choses vont dans le bon sens. D’ici 2026, deux salles uniquement dédiées au basket verront le jour. La première à Nyon, dans le canton de Vaud, et la seconde à Lugano, dans le seul canton italophone de Suisse, le Tessin. Ce sont des signes qui ne trompent pas, les esprits commencent à prendre conscience de ce que nécessite un sport pour se développer de la meilleure manière possible.
Mais pour espérer que ces salles soient rentables financièrement et incitent d’autres villes à en faire de même, il faut développer l’intérêt du spectateur pour ce sport. Actuellement, il est difficile pour les chaînes nationales de diffuser du basket pour la simple et bonne raison qu’il est difficile de mettre en avant un sport dans des salles où les choses ne sont pas claires. Pour les experts de la balle orange, les autres lignes des salles multisports n’existent presque plus. En revanche, pour le reste des observateurs, il peut être difficile de distinguer une ligne dédiée au basket d’une ligne dédiée au handball ou au volleyball.
Ce choix d’investir dans des salles spécifiques au basket est un début de solution pour la mise en marche projet du développement du basket en Suisse. Cependant, il y a d’autres aspects importants sur lesquels travailler pour l’avenir.
La Suisse-Allemande sous développée
En Suisse, on parle souvent de la barrière de rösti lors des votations car souvent, les opinions politiques divergent fortement entre les cantons latins, soit les cantons francophones et le canton italophone, et les cantons de Suisse alémanique. Cette barrière peut également être perçue en sport et notamment dans la pratique du basket.
Le seul canton de Vaud possède autant de licenciés que l’ensemble des cantons germanophones. Ce chiffre pointe parfaitement du doigt les problèmes que rencontrent le basket à s’implanter du côté alémanique du pays. Cette différence est visible dans l’élite du basket suisse où seule une équipe provient de Suisse allemande.
Les Starwings de Bâle sont les derniers représentants germanophones depuis la relégation de Swiss Central. Cependant, le potentiel financier de cette partie du pays est très intéressant. C’est donc toute une partie de la Suisse qu’il faut sensibiliser au basket dans les années à venir.
Depuis le début de l’année, Suisse Basketball a implanté 15 écoles basket dans les différents cantons alémaniques. L’objectif est de développer l’attrait pour ce sport dans un délai de 7 ans pour le président de la fédération, Andrea Siviero.
D’autres solutions éventuelles
En Europe, plusieurs équipes évoluent sous le fanion d’un grand club de football à l’image du Real Madrid, du Bayern Münich ou encore de l’Olympiakos. Cette façon de procéder permet aux investisseurs d’être rassurés financièrement de par la présence d’une grosse entité qui chapote tout cela.
Ainsi, les clubs de football ou de hockey suisse pourraient intégrer en leur sein une division dédiée au basket pour permettre à ce sport de se développer. Cependant, l’image de marque des clubs suisses n’est pas aussi établie que celle des clubs mentionnés plus haut. Le nom du Real Madrid est une image de marque à elle seule, ce qui n’est pas le cas du FC Bâle en football ou des ZSC Lions en hockey sur glace.
Cette sorte de fusion ou plutôt d’incorporation pourrait être une solution. Néanmoins, au vu des difficultés à trouver des sponsors prêts à investir en masse, elle semble presque utopique tant le sport reste un domaine peu mis en avant en Suisse.
Une autre option serait de faire comme en Belgique, pays de naissance du coach de Fribourg Olympic, Thibaut Petit, c’est-à-dire une fusion entre deux championnats. En Belgique, la fusion s’est faite avec le championnat hollandais. Cela a permis de relancer l’attrait pour le basket et de créer une nouvelle dynamique.
En Suisse, le voisin qui pourrait être enclin à une fusion est l’Autriche, un autre petit pays des Alpes. Cette solution pourrait amener un vent nouveau compenserait la perte progressive d’équipes évoluant dans l’élite suisse. Néanmoins, un point noir est à souligner, la distance.
Avec l’absence de clubs alémaniques, la distance à parcourir pour les équipes serait relativement grande. Actuellement, il est difficile d’imaginer les Lions de Genève se déplacer à Vienne par exemple.
Le basket suisse se trouve probablement à un tournant de son histoire et de son développement. Tout comme le hockey sur glace il y a quelques années, le basket a la volonté de se professionnaliser mais n’en a pas encore les moyens. Cela dit, les choses semblent aller dans la bonne direction pour les fans helvètes de balle orange. Il y a un tas de problèmes mais ils ont tous leur solution. Cette précarité actuelle devrait laisser place, dans les années à venir, à une situation nettement meilleure si la volonté de tous les acteurs va dans le même sens.