L’Espagne, pays réputé pour sa passion du sport, a su se hisser au sommet dans de nombreuses disciplines. Au cœur de cette culture sportive se trouve le basketball, une discipline où l’Espagne excelle grâce à une approche particulière et rigoureuse. Bien plus qu’une passion pour certains, le basketball espagnol est un pôle d’excellence, tactique et technique.
L’Espagne, un pays de sport
L’Espagne est un pays où le sport est omniprésent, nombreuses sont les disciplines où cette nation brille ; l’athlétisme le canoë-kayak, le taekwondo, la natation, la gymnastique artiste ou encore, plus historiquement, le football…
Les résultats font en grande partie, la culture sportive du pays ; gagner est une nécessité. Richard Casas Gurt, entraîneur de basketball me confirme « La culture du sport est de plus en plus axée sur les résultats plutôt que sur les valeurs ». Les sportifs espagnols sont souvent formés pour briller, triompher.
Dans ce pays, de presque 50 millions d’habitants, des complexes sportifs, terrains de basketball sont en grande quantité, y compris dans les zones rurales. Le marché du sport permet aussi de créer une offre d’emploi conséquente, Il offre plus de 235 000 emplois, représentant plus d’un 1% de l’emploi dans le pays et plus de 3% du PIB total du pays.
L’intérêt du sport et plus précisément, de la balle orange s’est vu s’accroitre de manière impressionnante dans une région située a l’Est de l’Espagne : la Catalogne. En 1992, ont eu lieu les Jeux Olympiques de Barcelone. Ces jeux ont surtout vu l’énorme équipe de Team USA au basketball, ainsi qu’une commercialisation de l’évènement, avec pour symbole une hausse des prix de télévision, signifiant la fin d’un amateurisme connu. Dans un contexte d’après guerre froide, l’objectif était de réunir plusieurs pays afin de prôner la paix. Ces Jeux sont un tournant, aussi bien pour les Olympiques que pour le pays. Avant cet événement qui confirma l’intérêt des espagnols pour le sport, les Jeux Olympiques de 1984 sont aussi bien un tournant pour l’intérêt du pays.
Rafa Alcaraz, journaliste Marca de Malaga m’explique :
« De mon point de vue, le succès du basketball en Espagne ne date pas d’hier. Mais je pense que le grand tournant s’est produit aux Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles, où l’équipe nationale masculine espagnole a remporté la médaille d’argent et a affronté les États-Unis en finale. L’équipe américaine a écrasé l’Espagne, mais le pays est resté devant la télévision au petit matin (en raison du décalage horaire avec les États-Unis) pour soutenir une équipe qui a marqué une génération. Cette compétition a également donné un grand élan à la compétition. À partir de cette médaille d’argent aux Jeux, la Liga ACB (championnat espagnol) des années 80 et 90 a connu un engouement bestial. »
Le sport, faisant rayonner le pays à l’international, est implanté dans le pays des damans. Il permet de faire grandir l’entièreté du pays par la même occasion.
Un sport prédominant
Dans le pays ayant rejoint l’Union Européenne en 1986, le basket-ball est presque aussi populaire que le football. Il est extrêmement pratiqué et intégré dans les cultures. La formation masculine détient deux titres de champions du monde, trois médailles d’argent et quatre victoires aux championnats du monde. Elle a notamment vu des légendes jouer sous ses couleurs : Pau Gasol, Marc Gasol ou encore Rudy Fernandez, encore présent dans l’équipe aujourd’hui. Quant à l’équipe féminine, elle détient également quatre titres de championnes d’Europe ; elle est tout bonnement la meilleure nation d’Europe durant la dernière décennie.
Les équipes espagnoles dominent l’Europe ; le Real Madrid par exemple est le club le plus titré en Euroleague, avec 11 titres à son actif. Le FC Barcelone en possède 2 et possède une renommée européenne. La Liga ACB, ligue nationale, est souvent vu comme le meilleur championnat européen,, avec une compétitivité accrue et plusieurs clubs de très haut niveau. EnNBA, beaucoup de joueurs ont aussi marqué cette ligue, au-delà des frères Gasol, il y a bien entendu : Ricky Rubio, Serge Ibaka, les frères Hernangomez et dans une moindre mesure et José Calderon.
Ce sport est ancré dans les cultures et est apprécié par une grande majorité, si ce n’est, pratiqué. Moult terrains de basket sont en libre accès et très souvent occupés par des passionnés. L’influence de la « Dream Team » se ressent encore dans le pays, ayant formé et éduqué une majorité de jeunes joueurs, qui eux ont par la suite formé une nouvelle génération ; un cercle vertueux du basket. Plusieurs camps et stages d’entraînement existent afin de faire progresser les plus novices. Les moyens financiers sont aussi mis, et sont en progrès ; en 2023, environ 250 millions d’euros étaient utilisés pour le sport, une hausse de 12,9% par rapport à l’année précédente.
Le basketball jouit d’une popularité impressionnante en Espagne, étant le second sport le plus populaire du pays.
La technique priorisée
Les joueurs espagnols sont et ont toujours été réputés pour leurs éminentes techniques, fluides, avec un excellent toucher pour la plupart ; leur jeu est connu pour briller avec le ballon.
De fait, la majorité des schémas de jeu de la LIGA ACB s’effectuent en pick-and-roll. Les équipes sont menées par une ligne arrière souvent très organisatrice, technique et pouvant associer magie et basket. Les clubs moins bien classés peuvent aussi s’appuyer sur des joueurs avec un jeu épuré, à l’image de Badalona, 10ème, pouvant compter sur Andrés Feliz pour mener les siens. Ils réussissent aussi dans le tir, plusieurs tireurs d’élite sont présents dans chacune des équipes. De surcroît, la sélection espagnole pour les prochains Jeux Olympiques de Paris, Lille, regorge d’artilleurs précis.
🚨 OFICIAL | Los 2⃣2⃣ convocados por @sergioscariolo para preparar el Preolímpico de Valencia 👏#LaFamilia inicia su concentración el 10 de junio en Málaga 💪#SomosEquipo pic.twitter.com/szmUClK48u
— Baloncesto España (@BaloncestoESP) June 6, 2024
Ces deux éléments sont logiquement priorisés lors de la formation des joueurs.
« Les aspects les plus travaillés à l’entraînement sont les mouvements tactiques et le tir. Dans ce club, nous privilégions la technique avant d’aller à la salle de sport ou de travailler notre condition physique, même si nous la travaillons beaucoup », me confirme Julia Armangol, ancienne joueuse U18 de l’équipe de Girona. Quant à Richard Casas Gurt, il partage le même avis : « La technique est privilégiée par rapport à la tactique. »
A contrario de la France, où malheureusement les qualités physiques sont priorisées par rapport à la technique, l’Espagne choisit d’améliorer leurs joueurs avec le ballon et de travailler leurs capacités à jouer avec ce dernier.
Une préparation adaptée
Malgré une grande importance accordée à la technique, le physique n’en demeure pas moins capital dans la préparation des joueurs : il est une partie intégrante du développement des joueurs, et ce indépendamment de leur âge. Néanmoins, développer les muscles et la masse de chaque joueur ne paraît pas être à l’ordre du jour. C’est avant tout basé sur les capacités originelles de l’athlète. Les entrainements sont basées sur la vitesse, les déplacements, les réactions, la mobilité ainsi que l’endurance. La résistance a l’effort est aussi priorisé, avec plusieurs séances consacrées à ce domaine chaque semaine.
La préparation est surtout personnalisée. Leon Lansac, préparateur physique pour les Estudiantes de Madrid, m’explique :
« La préparation physique englobe tout ce qui concerne le joueur, nous devons donc travailler sur tout ce qui fait d’un athlète un athlète, de la force à l’endurance, en passant par la mobilité, etc. Le plus important est de s’occuper de l’athlète, de lui parler constamment et de voir ce dont il a besoin. En outre, grâce aux batteries de tests, nous pouvons voir les points faibles de l’athlète et ce qu’il doit améliorer. »
En vertue de cette préparation, Leon Lansac et les Estudiantes ont pu terminer la saison à la 5ème place de la seconde division espagnole, la LEB Oro.
Un jeu réfléchi
Comme évoqué précédemment, le jeu repose majoritairement sur des systèmes de pick-and-roll. Il n’en reste pas moins très étudié. Pléthore de stratèges du basketball sont originaires d’Espagne : Sergio Scariolo, Pablo Laso, Xavi Pascual et Jordi Fernandez, récemment promu coach des Nets, est devenu par la même occasion premier Espagnol à coacher en NBA. Ces tacticiens sont capables de changer le cours d’un match et de mener un groupe à la victoire. Sergio Scariolo, actuel coach de la sélection nationale, raconte : « Je n’impose pas ma philosophie, ce n’est pas ce que je pense, c’est surtout le fait de comment le jeu doit être joué pour gagner. »
Cette vision, à la fois très éprouvante et exigeante, se confirme à plusieurs niveaux. Sergio Scariolo possède un des palmarès les plus impressionnants de l’histoire du coaching, avec notamment 4 coupes d’Europe, une coupe du monde, et un titre de champion NBA en tant qu’adjoint en 2019 avec les Raptors.
Lotanna Nwogbo, pivot du Real Valladolid, me confirme la difficulté du jeu :
« L’entraînement espagnol est très tactique et technique. Nous exécutons nos attaques un nombre incalculable de fois à l’entraînement et nous faisons beaucoup de décompositions pour comprendre l’objectif de chaque série. Cela m’a aidé à mieux lire le jeu et à prendre de meilleures décisions. Quand je jouais aux États-Unis, je n’étais pas aussi bon passeur qu’aujourd’hui. J’étais plus égoïste, mais maintenant je vois le jeu plus clairement. »
En effet, énormément de joueurs étrangers jouent dans le championnat local, le niveau ainsi que la qualité de vie est probablement la plus attrayante d’Europe. En catégories jeunes la tactique joue également un rôle primordial « La tactique est fondamentale dans l’équipe et constitue la base de nombreux points, m’affirme Julia Armengol. L’entraîneur explique d’abord le cas théorique sur le terrain et le met ensuite en pratique sans défenseurs. Lorsque le jeu est compris, il est ensuite pratiqué en 5×5. Nous utilisons principalement le pick-and-roll, la défense de zone, la défense individuelle avec aide, entre autres. »
En somme, le jeu espagnol est à la fois technique mais aussi très posé, avec plusieurs systèmes et coachs d’exception.
Les limites de la formation
Malgré un excellent niveau global, plusieurs limites émanent de cette formation. Tout d’abord, prioriser la technique par rapport au physique a logiquement des inconvénients. Le physique des Espagnols sur les lignes arrières peut parfois s’avérer être famélique, chétif. À l’aune d’un sport dominé par des géants, être frêle n’est pas à l’avantage des joueurs.
Toutefois, certains peuvent très bien réussir malgré un physique « sous la norme ». Ricky Rubio, joueur petit pour la NBA (1m88), a fait une longue et bonne carrière aux États-Unis. En revanche, il ne faut pas omettre que des joueurs ayant son talent sont très rares, voire presque uniques. Une majorité est souvent trop petite ou sous-dimensionnée face aux autres. Sergio Rodriguez, Llull et Rudy Fernandez en sont de bons exemples. Ces joueurs comptent parmi les meilleurs joueurs européens de l’histoire, mais n’ont malheureusement pas pu confirmer en NBA, avec respectivement trois passages mitigés dans la grande ligue. L’accès à la NBA est donc très compliqué, cependant, une carrière européenne peut se réaliser malgré une plus faible taille.
Le développement a aussi quelques difficultés à se mettre en place. « Je pense que le basketball a actuellement du mal à attirer plus de fans. Il est diffusé sur des chaînes privées payantes. Les audiences sont donc trop faibles pour ce que représente une ligue aussi importante que l’ACB », m’informe Rafa Alcaraz. « L’ACB est très puissante dans les stades avec de grandes entrées, mais elle a besoin d’un point supplémentaire au niveau de la télévision pour se développer encore plus au niveau national et international. »
De surcroît, pour les étudiants voulant combiner leur passion avec leurs études, les possibilités sont minces. Julia Armengol m’explique :
« De mon point de vue, je pense qu’il n’y a pas de possibilité de combiner les études et le sport à haut niveau, surtout si vous vivez loin des salles. Les horaires d’entraînement sont très tardifs et vous ne pouvez pas suivre une routine normale parce que vous n’avez pas le temps. Je pense qu’il faut promouvoir cela beaucoup plus. »
L’Espagne demeure un pays de sport par excellence, où la passion et la performance se rencontrent à chaque coin de rue. Le basketball, avec son approche unique alliant la technique ainsi que la stratégie, illustre parfaitement cette dynamique. Malgré certaines limites, les succès retentissants et la réputation mondiale des joueurs et entraîneurs espagnols témoignent de l’efficacité de leur formation. L’avenir du basketball espagnol semble prometteur car il peut continuer de faire grandir ce sport et faire rayonner le pays à l’international.
[…] Le talent ne suffit plus à gagner des titres et ça, Team USA l’a bien compris lors du revers au championnat du monde 2006. Ils ont failli le comprendre davantage face à l’Espagne, une formation qui a fait de la continuité de son effectif, la recette de son succès. Si la formation espagnole est toujours l’une des meilleures du monde, c’est bien pour une raison. […]