Lorsqu’on parle de joueuses ou joueurs qui jouent Outre-Atlantique, beaucoup pensent aux jeunes Européennes ou Européens qui partent tenter leur chance aux Etats-Unis. Pourtant, le nombre de joueuses et de joueurs qui font le chemin inverse pour vivre leur rêve de basket professionnel sur notre continent est très important. Entre éloignement familial, barrière de la langue et risque financier, celles et ceux qui font ce choix doivent surmonter beaucoup de choses.
Le rêve du basket professionnel
Que ce soit dans les grandes compétitions ou les championnats mineurs, nombreuses et nombreux sont les joueuses et joueurs venus des Etats-Unis pour se faire un nom sur le vieux continent. Le point commun entre toutes ces joueuses et ces joueurs, le rêve de devenir pro en Europe avant de peut-être retrouver leurs terres natales. Pourtant ce rêve a un coût auquel on ne pense pas tout de suite. Entre l’éloignement familial, la solitude, la barrière de la langue et les risques financiers que tout cela peut engendrer, les challenges sont nombreux à surmonter pour celles et ceux qui font ce choix.
Le premier point qui nous vient en tête est l’éloignement familial et la solitude qui peut en découler. En effet, laisser ses proches derrière soi pour vivre son rêve n’est pas chose aisée, surtout lorsqu’on s’envole pour un autre continent. Mais comment peuvent-ils traverser et gérer les moments les plus compliqués ? Réponse des principaux intéressés.
Jackson Price, intérieur des Pully-Lausanne Foxes en SBL, témoigne de la difficulté d’être éloigné de sa famille : “Le challenge le plus dur quand je suis arrivé ici, c’est d’être loin de la famille et de mes proches. Heureusement, l’équipe et le staff ont été compréhensifs et m’ont vraiment soutenu durant cette période et ça m’a beaucoup aidé.”
Jeremiah Littlepage, pivot de Bären Kleinbasel en NLB, mentionne d’autres aspects intéressants : “C’est dur d’être loin de ma famille et il y a beaucoup de choses qui étaient faites par mes proches ou ma fac que je dois gérer seul maintenant. Je n’avais pas l’habitude de faire les courses ou de me préparer à manger en rentrant des entraînements le soir.”
Keira Robinson, arrière américaine du Nyon Basket Féminin voit cela comme une chance : “Faire ce que j’aime dans un autre pays c’est quelque chose que je n’ai jamais pris comme une garantie. Je sais que beaucoup de personnes aimeraient être à ma place alors je me sens juste bénie d’être dans cette situation. Au cours de ma carrière, j’ai rencontré plusieurs challenges. Arriver dans un club où tout te semble familier et se rendre compte qu’au final ce n’est rien de plus qu’un business, ça peut être difficile car on a besoin de soutien émotionnel, surtout quand les choses vont mal.”
Daja Woodard, intérieure de Bellinzona en NLBF, reconnaît que la Suisse est un bon environnement et que cela l’aide à gérer cette solitude : “Je n’ai eu aucune mauvaise expérience en Suisse. Quand je jouais au Kosovo, j’ai dû demander à être transférée au Liban car ils ne me payaient pas. Ici, je n’ai jamais eu cette angoisse, je peux me centrer sur le jeu.”
Le challenge linguistique
La particularité de la Suisse est son plurilinguisme omniprésent. D’un canton à l’autre, la langue change du tout au tout. Les joueuses et joueurs peuvent passer de l’italien dans le Tessin à un suisse-allemand particulièrement agressif pour les oreilles en quelques minutes de trajet. Cette spécificité bien helvétique est un challenge supplémentaire pour ces expatriés qui peuvent, d’une saison à l’autre, découvrir non seulement une autre équipe mais aussi une autre langue.
“La barrière de la langue (de l’italien à l’anglais pour Daja) ne me dérange pas parce que j’ai toujours quelqu’un pour traduire au besoin.” enchaîne l’intérieur de Bellinzone.
Autre vision des choses pour Keira Robinson : “La barrière linguistique (du français à l’anglais à Nyon) n’est pas un problème pour moi étant donné que j’ai toujours voulu apprendre la langue pour montrer de l’implication. En revanche, je sais que cela peut être un challenge supplémentaire à surmonter.”
Jeremiah Littlepage a un point de vue légèrement différent à ce sujet là : “La langue n’est pas vraiment un problème même si j’ai eu du mal au début. A mon arrivée, les gens oubliaient que je ne parlais pas l’allemand. Ils parlaient comme si j’étais censé tout comprendre. Je suis le seul Américain de l’équipe donc au début je me sentais un peu esseulé même si je savais qu’ils ne le faisaient pas volontairement. Il a fallu un peu de temps pour qu’ils s’habituent à ça.”

Cette expérience est un peu plus dure à vivre pour Jackson Price : “C’est vraiment dur de ne pas parler la langue (le français pour l’intérieur des Foxes). J’ai eu pas mal de difficultés par rapport à ça mais je crois que je m’y suis habitué, ou du moins j’essaie.”
Là encore, chaque joueuse, chaque joueur possède son propre ressenti sur cette expérience qui peut s’avérer être un challenge. Même si l’anglais est très répandu dans le monde du basket, surtout à partir du niveau semi-professionnel, cela demeure un défi qu’il faut surmonter au quotidien.
Qu’en est-t-il sur les parquets ?
Après avoir parlé de ce qui entoure leur séjour en Suisse, il est temps de se pencher de ce qu’il se passe sur le parquet. Entre blessures, pression de résultats ou arbitrage différent de ce qui se fait Outre-Atlantique, les différences sont nombreuses et représentent autant de nouveautés à appréhender pour ces joueuses et joueurs venus vivre leur rêve en Europe.
La gestion des blessures est quelque chose qu’il faut savoir surmonter et lorsque ces dernières sont de longue durée, comme c’est le cas de Jackson Price, il faut savoir ronger son frein : “Il faut être prêt à devoir gérer une blessure. Je m’y étais préparé mais vivre ça aussi tôt dans la saison ce n’est pas facile. C’est frustrant de ne pas pouvoir aider mes coéquipiers, surtout en sachant qu’ils travaillent tous très dur. Mais ça m’a rendu plus conscient de mon impact hors du terrain.”

Keira Robinson, elle, met en lumière la difficulté de gérer ce genre de situation loin de ses proches : “Les blessures sont les plus grands challenges auxquels les athlètes doivent faire face, surtout loin de nos proches. Tu peux te sentir isolée comme tu es loin de ta famille et tu te retrouves sur le côté même si tu continues de faire partie de l’équipe. Certains clubs peuvent même te mettre la pression pour revenir plus vite que prévu.”
Sur ce point, Jeremiah Littlepage n’est pas d’accord : “Ici, si tu te tords la cheville, on attend de toi que tu prennes du temps pour t’en remettre. Je ne suis pas habitué à ça. Aux Etats-Unis, il y a toujours la pression de performer, même s’il s’agit de longues saisons. On attend de toi que tu sois de retour aussi vite que possible.”
Keira Robinson, forte de sa carrière européenne plus longue, a vécu plus de choses et a donc un avis différent : “La pression est constante et je trouve qu’on ne parle pas assez de cela. L’obligation de performer est toujours présente, celle de prouver aux fans et au club que je vaux la peine aussi, ça peut être très dur parfois et j’ai le sentiment que cela peut impacter les performances.”
Pour le joueur de Kleinbasel, ce qui impacte le plus ses performances est la différence au niveau de l’arbitrage : “Là où j’ai le plus de mal ici, c’est la façon dont ont est sifflés par les arbitres. Je savais que ça allait être différent et que je devrais m’adapter mais je ne pensais pas que mon footwork serait un problème. Les arbitres font plus attention aux Américains qu’aux autres joueurs et je dois encore m’adapter à cela. J’ai encore du mal à savoir quand ils vont siffler faute. Au College j’avais l’habitude d’avoir des matchs à plus de 10 lancers francs. Ici, je n’ai jamais eu plus de 6 lancers.”
Unanimes sur la Suisse
Même si le sport, et particulièrement le basket, n’est pas mis en avant autant que cela peut être le cas dans d’autres pays, l’intégration des joueuses et des joueurs venus d’Outre-Atlantique se passe plutôt bien. En tous les cas, pour les 4 joueuses et joueurs qui se sont confiés à nous, pas de place au doute, la Suisse a su les accueillir.
“Je suis très croyante et je sais que je ne serais pas là où je ne peux pas surmonter les difficultés. La Suisse est de loin le pays que je préfère actuellement. J’adore l’atmosphère, les fans et mon équipe.” Daja Woodard au sujet de son expérience à Bellinzone.

“Malgré ces challenges, je suis reconnaissante de toutes ces opportunités qui me permettent de grandir, non seulement en tant que joueuses mais aussi en tant que personne. L’adversité nous oblige à grandir. Les meilleurs moments de ma carrière sont toujours liés à ma capacité à rebondir.” Keira Robinson.
“Je dois encore m’ajuster sur quelques points mais je commence vraiment à me sentir intégré et ça va me pousser à donner le meilleur de moi-même pour mes coéquipiers et mon équipe.” Jeremiah Littlepage après ses premiers mois en Suisse.
“Jouer Outre-Atlantique c’est vraiment une expérience nouvelle et différente mais ça en vaut vraiment la peine, surtout dans un endroit aussi beau que la Suisse.” Jackson Price, conquis par la Suisse malgré sa blessure.
Même si cela ne représente qu’un infime échantillon, il démontre bien les difficultés auxquelles les Américaines et Américains peuvent être confrontés lors de leurs aventures en Europe. Plus le niveau est élevé, plus les exigences et la pression le sont aussi. Les témoignages auraient probablement été différents si les joueurs et joueuses avaient évolué dans des championnats plus renommés. Néanmoins, cela démontre bien les challenges qu’ils peuvent rencontrer.





