Après plus d’un tiers de la saison, Jayson Tatum et les Celtics sont installés à la deuxième place de la Conférence Est, talonnant de surprenants Cavaliers. Pourtant, malgré le fait d’avoir été élu joueur du mois d’octobre/novembre, des moyennes de 28.7 points, 9.6 rebonds, et 5.6 passes décisives par match, et un rôle de leader de son équipe maintenant bien établi, pourquoi Jayson Tatum ne paraît-il être un candidat crédible au MVP seulement pour certains supporters de Boston ?
La saison de Jayson Tatum jusqu’ici
Aujourd’hui, Jayson Tatum est le meilleur de son équipe en points, rebonds, passes décisives, et trois points marqués par match. Preuve, s’il en fallait encore, qu’il est LE numéro un de la franchise du Massachusetts.
Tatum fait, jusqu’à présent, certainement sa meilleure saison. Son évolution est surtout dans le playmaking, où son AST% frôle les 25%. Ce qui veut dire que pour un panier marqué sur quatre de ses coéquipiers, Tatum offre le caviar. Cela le met au même niveau que de bons playmakers, comme Draymond Green, Domantas Sabonis ou encore Mike Conley. Une autre statistique qui est en hausse chez l’ailier celte, c’est l’Assist to Usage ratio (AST:Usg), le rapport entre les passes décisives d’un joueur et son taux d’usage. Dans cette catégorie, il est au niveau de Shai Gilgeous-Alexander (0.82), mais loin derrière les excellents passeurs comme Jokić (1.26), LeBron (1.33) ou encore Trae Young (1.42).
Au scoring, il est de plus en plus fiable, il inscrit 1.236 points par tir tenté, ce qui le classe 7e parmi les joueurs ayant plus de 30% d’Usage, toujours derrière Jokić, Antetokoúnmpo, ou Shai. Idem pour son TS%, qui est de 61%, un très bon chiffre, preuve de sa fiabilité à mettre le ballon dans le panier. Néanmoins, il reste encore derrière ses trois concurrents.
Pour ce qui est du rebond, bien qu’il ne soit pas des plus combattants pour donner des secondes chances à son équipe avec les rebonds offensifs, il sécurise les rebonds défensifs mieux que personne à son poste. Il affiche même des chiffres équivalents à ceux de certains pivots.
Il capte le rebond 23.1% du temps lorsque l’équipe que les Celtics affrontent manque un tir. C’est autant que Nikola Jokić par exemple, et même mieux que Wembanyama, Vučević, Adebayo, ou Pöltl entre autres.
Comparons-le maintenant à ses rivaux principaux, qui sont Nikola Jokić, Shai Gilgeous-Alexander et Giánnis Antetokoúnmpo. Luka Dončić aurait dû être de la partie, mais il devrait manquer trop de matchs pour être éligible aux récompenses de fin de saison.
Regardons la régularité, et pour ça nous allons faire des mathématiques. Pas d’inquiétude, il n’y a rien de compliqué. La régularité de Jayson Tatum à inscrire des points est meilleure que Nikola Jokić et Giánnis Antetokoúnmpo. En effet, il inscrit 28.7 points par match en moyenne, et affiche un écart type de 7.3. Cela veut dire qu’en moyenne, il dépasse ou est en dessous de sa moyenne de 7.3 points. Une régularité parfaite nous donnerait un écart type de 0.
Quid de la régularité sur les deux autres lignes statistiques principales, qui sont les rebonds et les passes décisives.
Joueur / Écart type | Rebonds | Passes décisives |
Jayson Tatum | 3,1 | 2,6 |
Nikola Jokić | 4,4 | 4 |
Shai Gilgeous -Alexander | 2,3 | 2,2 |
Giánnis Antetokoúnmpo | 2,9 | 3,1 |
Évidemment, il y a moins de fluctuation lorsqu’il s’agit des rebonds et des passes décisives que pour les points, étant donné qu’il y en a moins. On voit que Jayson Tatum affiche une bonne régularité dans les deux domaines, et c’est sans doute ce qui aide les Celtics à intégrer le top de la NBA, mais cela le pénalise-t-il dans la course au MVP ?
Pas assez de grosses performances et une concurrence simplement meilleure.
Si la régularité est censé être une vertu dans une saison de 82 matchs, les fans, et les votants, retiennent aussi les grosses performances. Et après une trentaine de matchs disputés, Jayson Tatum n’a inscrit plus de 40 points qu’une seule fois, à Chicago. Lorsque l’on s’intéresse à ses concurrents, il est en dessous d’eux dans ce domaine.
Incontestablement, Nikola Jokić est sur les bases d’une saison historique, alors il y a pléthore de ses matchs qui surpassent ceux de Tatum. Le Serbe a déjà enregistré 12 triple-doubles en 27 matchs disputés, et a dépassé la barre des 40 points à quatre reprises.
De l’autre côté, Shai Gilgeous-Alexander est de plus en plus impressionnant au scoring, atteignant son record de points en un match (45) deux fois déjà cette saison. Idem pour Giánnis Antetokoúnmpo, qui enchaîne les performances au scoring, notamment face aux Celtics de Jayson Tatum, malgré les défaites.
Une statistique intéressante à analyser pour se rendre compte de la performance d’un joueur sur un match est le Game Score, et donc le Game Score moyen d’un joueur est plutôt pertinent. À l’aube de 2025, c’est Nikola Jokić qui domine cette statistique, avec un Game Score par match de 29.981, un score moyen que ni Harden, ni Westbrook, ni Curry MVP unanime, ni même LeBron n’a réussi à atteindre. Son dauphin est Giánnis Antetokoúnmpo, avec 27.368. SGA complète le podium avec un score de 25.287 par match. Jayson Tatum ne se classe que 6e, derrière Anthony Davis et Luka Dončić, il affiche un score moyen de 22.482.
Avec ces chiffres, on voit que Jayson Tatum, malgré de très bonnes performances, est surclassé par ses concurrents, ce qui pourrait rebuter les votants à plaider sa cause.
Qu’en est-il de l’impact au-delà des feuilles de match ?
Outre les statistiques brutes, pour être le MVP de la ligue il faut aider son équipe à gagner, et par conséquent, être dans l’une des meilleures équipes de la Ligue. Pour cet argument, cette fois, Jayson Tatum est bien placé, puisque les Celtics possèdent le 3e meilleur bilan de la NBA. Quant aux Nuggets de Jokić et aux Bucks de Giánnis, ils ne se classent que 10e et 12e. Shai Gilgeous-Alexander est donc le seul à faire mieux, en plaçant son équipe 2e.
Mais ces quatre joueurs aident-ils vraiment leur équipe à remporter des matchs ? Spoiler : oui. Observons tout d’abord l’Estimated Plus Minus (EPM) ; Jayson Tatum en possède l’un des meilleurs, avec +5.6. C’est-à-dire que sur 100 possessions, il aide, à lui seul, son équipe à mener de 5.6 points. Mais les deux monstres à l’Ouest le devancent, SGA (+7.8) et Jokić (+7.4) dominent la catégorie. Le Greek Freak se classe derrière l’ailier des Celtics avec +5.2.
Analysons maintenant d’autres statistiques, et à quel point ces joueurs sont « valuable » à leur équipe, littéralement. Il est judicieux de jeter un œil sur les « Four Factors » de leurs équipes et surtout la différence entre lorsque ces joueurs sont sur le terrain ou sur le banc.
Commençons par notre sujet principal, Jayson Tatum : Lorsqu’il est sur le terrain, son équipe marque 2 points de plus sur 100 possessions, preuve, soit qu’il n’est pas tant valuable, soit que l’équipe est très bien construite, et qu’elle performe même sans lui. Ce chiffre reste au-dessus de la moyenne puisque cela le classe au 61e centile. Son importance est surtout défensive, puisque les équipes qu’il affronte inscrivent près de 4 points de moins par 100 possessions, ce qui est mieux que 3/4 des joueurs de la Ligue à son poste. Si les Celtics avaient les mêmes statistiques que Jayson Tatum soit sur le terrain ou sur le banc, ils devraient avoir 10 victoires de plus à la fin de la saison, c’est ce qu’on appelle les Expected Wins.
Passons à son concurrent le plus sérieux à l’Est, Giánnis Antetokoúnmpo et c’est très surprenant, mais lorsqu’il est sur le terrain, les Bucks encaissent 4 points de plus par 100 possessions. Pour comparer avec sa saison MVP et DPOY en 2019/20, Milwaukee encaissait 10 points de moins par 100 possessions quand le Grec était sur le parquet. Ces défaillances en défense font que Giánnis affiche un chiffre négatif dans les Expected Wins, -3 exactement.
Shai Gilgeous-Alexander est lui, d’après les chiffres, plus valuable pour son équipe que Jayson Tatum, en tout cas, du côté offensif. En effet, lorsque SGA est sur le terrain, son équipe surperforme, puisque le Thunder inscrit 15 points de plus sur 100 possessions avec lui sur le terrain. En revanche, alors qu’il est un très bon défenseur, OKC encaisse plus de points avec lui parmi les cinq joueurs qui jouent. Malgré cela, avec lui le Thunder devrait gagner 28 matchs de plus.
Enfin, le monstre, le meilleur joueur du monde actuellement, Nikola Jokić, est d’une importance capitale pour les Nuggets. Si avec lui Denver prend plus de points (+1.6), l’équipe en met aussi bien plus (+27.7 !). Si SGA se place déjà au 99e centile avec +15.4, Nikola Jokić est bien évidemment au-dessus de tout le monde en NBA avec +27.7. Avec ces chiffres ahurissants, il affiche un nombre exceptionnel de +54 Expected Wins.
Une équipe à ses côtés trop complète ?
Comme insinué au-dessus, le fait que les Celtics soient « trop forts » n’aide pas JT dans sa quête du titre de MVP. Si l’on compare les effectifs des quatre candidats probables, celui de Boston est bien meilleur. Forcément, il est plus difficile de se démarquer dans un effectif rempli de talents, mais cela décrédibilise aussi Jayson Tatum. Brad Stevens a réussi à entourer son ailier à la perfection, quand Giánnis, Jokić et SGA n’ont pas cette chance. Cependant, pour ce dernier, il suffit d’attendre encore peut-être qu’une seule année pour avoir un effectif aussi fourni que celui des Celtics.
Que doit-il faire pour pouvoir être élu MVP ?
Pour l’instant, Jayson Tatum, avec l’absence de Luka Dončić, semble se diriger vers une troisième, ou quatrième place au MVP, comme en 2023. D’après Basketball Reference, il aurait 7.5% de chances de glaner ce titre, loin des 37.1% de SGA, ou 36.7% de Jokić.
Si l’on doit être honnête, à moins que le pivot serbe et les Nuggets chutent en dessous de la 9e place, il devrait rester devant Jayson Tatum dans les votes au MVP. Sans compter Shai Gilgeous-Alexander ! Le meneur canadien semble être le seul à pouvoir concurrencer le Joker. À moins que les Celtics fassent un push immense et finissent à 65 victoires et qu’aucune autre équipe ne dépasse 55, il sera difficile de mettre JT en tête. Donc la probabilité que Jayson Tatum finisse MVP de la saison 2024/25 est très faible.
Une autre solution serait forcément qu’il augmente ses statistiques personnelles, qu’il tourne en double-double avec 30 points et 10 rebonds sur la majorité de ses matchs. Il reste tout de même un candidat sérieux, mais s’il remporte ce trophée, il sera sûrement vu dans le futur comme un MVP par défaut, celui que les fans prennent à la légère, à l’image, si ce n’est pire que Westbrook en 2017, ou Nash en 2006. Mais au final, serait-ce bénéfique pour les Celtics ? Le but des hommes de Joe Mazzulla est de remporter le titre, et s’il y a un titre individuel à viser pour Tatum c’est le MVP des Finales, et pas le MVP de la saison régulière.