Est-ce le rôle des médias sportifs de parler de l’extra sportif ? C’est la question posée dans une conversation sur le réseau X après une polémique visant le joueur des Minnesota Timberwolves, Rudy Gobert. Ma réponse fut brève : un simple oui. Mais les avis divergents, la frilosité des médias et le soutien reçu par d’autres joueurs montrent que ce n’est pas un sujet facile à aborder. Une explication plus complète s’impose.
INTRODUCTION
13 décembre 1969, on apprend dans la presse que Jerry Lucas est couvert de dettes. Il doit la somme de 500 000 dollars suite à la déroute de sa chaîne de restaurants Jerry Lucas Beef N’ Shake. Un business qui lui a pourtant permis de devenir un des premiers millionnaires de la NBA, mais le public a peu à peu déserté son enseigne et cela a causé sa perte.
Jerry Lucas a tout fait pour que son entreprise fonctionne. Il y pense jour et nuit, même pendant les matchs. Cela engendre beaucoup de troubles dans sa carrière : sa mésentente avec Oscar Robertson, des railleries de la part des autres joueurs, un niveau de jeu en baisse par manque d’intérêt et une fatigue accrue à cause de sa double vie d’homme d’affaires.
Pas la peine de faire un dessin, on s’aperçoit ici que si l’on dresse le portrait de Jerry Lucas en ne s’intéressant qu’à ce qu’il se passe sur le terrain, on rate l’essentiel de son parcours. Oui, il prend des rebonds, oui il marque des points et tout cela est bien beau. Mais c’est bien sa vie personnelle qui dicte la direction de sa carrière.
Ce simple cas, qui ne touche par ailleurs ni aux mœurs ni aux opinions, montre l’influence que peut avoir l’extra sportif sur le sportif. Mais ce n’est pas l’unique raison de son importance. En effet, lors de sa longue histoire, la grande ligue a connu de nombreux enfants à problèmes. La liste des mauvais garçons et des récits allant du grotesque au glauque en passant par le tragique est interminable.
Est-ce qu’on peut évoquer la carrière de l’ancien Spurs Alvin Robertson sans tenir compte de ses déboires hors du terrain ? Peut-on parler de Derrick Rose en ignorant le fait qu’il ait été au centre d’une plainte pour viol ? C’est apparemment le cas, car nombreux sont les contenus qui se dispensent de le faire. Cela n’est pas critiquable en soi, chacun est libre de faire comme il l’entend.
Par contre, il doit être considéré que chacun est tout autant libre d’informer plus en détail s’il le souhaite. Pour rappel, l’an dernier, le journaliste Benjamin Moubèche s’est pris une vague d’insultes pour avoir simplement mentionné le procès de Derrick Rose pour viol en réunion, ainsi que sa méconnaissance de la notion de consentement, à l’annonce de son départ à la retraite.
J’ai été surpris par la violence de certaines réactions. Je ne m’attendais pas à ce que certaines personnes appellent à me retrouver dans la rue pour me frapper, simplement pour avoir rappelé un fait que les gens voulaient oublier. Ça m’a marqué, parce que c’était extrême, mais aussi parce que j’ai réalisé à quel point les fans de basket tiennent à leurs mythes. Je sais gérer la négativité sur internet, ça fait partie du travail, donc ça ne m’a pas atteint. En revanche, ma mère venait de créer un compte Twitter et a vu tous les messages de haine dirigés vers moi, et ça l’a effrayée. Mes proches l’ont globalement plutôt mal vécu. — Benjamin Moubèche
Il s’avère que dès qu’un joueur, apprécié pour X ou Y raisons, se retrouve avec des casseroles, il devient plus que sensible d’en rendre compte. C’est à ce moment précis que se pose alors la question de la place de l’extra sportif dans le sportif. Certains sujets agacent et crispent des fans qui ne veulent pas entendre parler des thèmes qui fâchent. Le fait est qu’avec Rudy Gobert ces sujets son nombreux et ils sont aussi symptomatiques d’une époque et d’une NBA encore loin d’être parfaite.
ALPHA RUDY
Pour qui navigue un peu sur les réseaux sociaux, il n’est pas dur de comprendre que la cote de popularité de Rudy Gobert n’est pas flamboyante. Le pivot de l’équipe de France ne plaît pas à tout le monde, en premier lieu à ceux qui n’aiment pas son jeu. Mais ce n’est pas cela qui nous intéresse ici.
Si Gobert exaspère, c’est aussi à cause de ce qu’il représente. Même si le géant de Minny soigne son image sur les réseaux en n’hésitant pas à se mettre en scène, il fait preuve d’un comportement qui l’a coupé d’une partie non négligeable de fans.
C’est bien simple, si l’on devait organiser un bingo masculiniste, Gobert coche toutes les cases sans exception. Réactionnaire, complotiste, amateur de cryptomonnaie, pratiquant de sport de combat, transphobe, culte de sa personne, on dirait le CV d’un youtubeur mascu.
Le masculinisme est d’une part l’ensemble des mouvements sociaux qui se préoccupent de la condition masculine et de « la défense des droits des hommes, de leur indépendance et de leurs valeurs » ; dans un autre contexte, il est l’idéologie de la domination masculine sur les femmes.
Un des premiers moves douteux de Rudy ce n’est pas ses tentatives d’Euro Step en contre-attaque, mais bien son ralliement et ses encouragements à l’égard de Robert Kennedy Jr. Ce dernier est le ministre de la Santé de l’administration Trump et le moins qu’on puisse dire, c’est que le personnage est controversé.
Kennedy Jr propage les Fake News avec la même aisance que Rudy Gobert pour arracher les rebonds. Les deux hommes ont sûrement apprécié leurs points de vue concordants sur les mesures sanitaires lors de la pandémie de COVID-19. Gobert s’étant ouvertement moqué de celles-ci. Avec les conséquences qu’on connaît tous…
Robert Kennedy Jr fait partie du haut du panier de la complosphère et ses affabulations vont parfois très loin, comme cette fois où il explique s’être fait retirer un ver du cerveau.
Sa défiance envers les vaccins l’amène à jouer un rôle crucial dans l’une des pires épidémies de rougeole de ces dernières années. Les campagnes de désinformation menées sur les îles Samoa ont fait chuter le taux de vaccination. La venue d’un touriste infecté a suffi à déclencher une hécatombe avec près de 6000 malades, dont 83 morts, des enfants en bas âge et des nourrissons pour la plupart.
Gobert n’en reste pas là et il montre même beaucoup d’intérêt pour le sinistre Tucker Carlson. Ce dernier est considéré comme le plus grand admirateur de Donald Trump. Ses sorties dans les médias font partie des plus racistes et sexistes des médias américains. Pourtant il y a de la compétition…
Parmi ses déclarations les plus affreuses, on retrouve celle-ci, qui décrit les femmes comme « extrêmement primitives » et qu’elles aiment qu’on leur dise de « se taire et de faire ce qu’on leur dit ». Il se dit également favorable à l’élimination des lois sur la protection des victimes de viols.
Dans la même veine, Rudy Gobert suit également Myriam Palomba, grande amie de Francis Lalanne et papesse française de la théorie du complot de l’adrénochrome. C’est elle, qui disait ceci sur le plateau de TPMP : « Plein de stars utilisent les sacrifices d’enfants pour boire leur sang afin d’avoir la jeunesse éternelle. »
Enfin, c’est sans complexes que Gobert valide des propos ouvertement transphobes tenus par Elon Musk sur son réseau X. Bien sûr, Rudy Gobert a totalement la liberté de supporter qui il veut et d’avoir les opinions qu’il souhaite. Mais nous les fans, nous avons le droit de trouver cela dérangeant, et même dangereux.
Rudy Gobert est une célébrité, il a un impact médiatique non négligeable et les idées qu’il véhicule par ses soutiens et ses prises de position sont nauséabondes pour certains fans. Le fait qu’il soit français, qu’il soit un double vice-champion olympique et un grand athlète, ne le dédouane pas de ses actes. Le maillot de l’équipe de France n’est pas un totem d’immunité.
Un cas isolé ?
Gobert est loin d’être le seul à cumuler toutes ces tares dans le paysage du championnat nord-américain de basket-ball. Les exemples ne manquent pas et le dernier en date à s’illustrer n’est autre que le pistolero du Miami Heat, Tyler Herro. C’est en compagnie du streamer Adin Ross qu’il réalise une sortie de route qui devient virale.
En effet, l’arrière de 25 ans explique qu’il ne croit pas au récit remontant avant 1950. On peut prendre cela à la légère, mais ce serait négliger le sous-texte. Car avant 1950, c’est la Seconde Guerre mondiale, c’est aussi le fascisme, la Shoah et quand on dit cela dans le show d’un fervent supporteur de Donald Trump, cela a un sens clair.
Tyler Herro ne croit pas en l’Histoire, on est dans le complotisme le plus crasse. C’est une constante chez les partisans de Trump qui aiment remettre tout en doute afin d’imposer leur propre narratif. Les célèbres et fumeux alternatives facts. Certains diront peut-être que j’exagère et qu’il est potentiellement juste bête comme ses pieds. (Les deux n’étant pas incompatibles. Bien au contraire…)
Quand Herro se présente dans le stream d’Adin Ross, il sait que ce dernier est proche du masculiniste le plus toxique des États-Unis, le tristement célèbre Andrew Tate. Il sait aussi que Ross a invité à plusieurs reprises le suprémaciste blanc Nick Fuentes, homophobe, misogyne et antisémite notoire.
Si Tyler Herro n’a pas connaissance de cela, il s’agirait pour lui de se réveiller. Il ne pourra en tout cas s’offusquer qu’une partie de sa fanbase ou des observateurs de NBA, eux, le sachent. Mais il en a totalement conscience et cela ne le dérange pas. On le voit aux côtés de Ross en train de rire en expliquant que celui qui a découvert l’Amérique ne s’appelait peut-être pas Christophe Colomb, mais Bob.
La pensée masculiniste infuse dans la société. Les discours des influenceurs comme Andrew Tate touchent beaucoup plus de jeunes hommes que ce que l’on imagine. Ce sujet ne doit pas être pris à la légère, le masculinisme est aujourd’hui reconnu comme un danger terroriste.
En février 2025 à Annecy et pour la première fois en France, est arrêté un jeune homme de 17 ans, armé d’un couteau et connu pour être proche de la mouvance « incel », après avoir menacé de s’en prendre à des femmes dans une vidéo TikTok.
Heureusement, aucune victime n’est à déplorer dans ce cas précis, mais que ce soit à Londres, Toronto, Annecy ou Bordeaux, les mascus ou autres incels (comprendre « célibataires involontaires ») ont des projets néfastes. Avec comme idole, Elliot Rodgers, un tueur de masse, qui a exécuté 6 personnes sur un campus en 2014 pour la simple raison qu’elles étaient des femmes. Le meurtrier s’était filmé en vidéo avant d’accomplir son carnage.
Voilà tout le problème, on peut chercher des circonstances atténuantes derrière les positions « bêbêtes » de nos sportifs favoris. Mais ce serait nier tout le background idéologique et nauséabond qui agite ses sphères, et dont les conséquences se matérialisent chaque jour davantage dans des drames bien réels. Qu’on veuille l’admettre ou non, une partie non négligeable de la NBA baigne et se complait dans ces modes de pensées.
C’est à l’image de la société, qui, depuis plusieurs années, a engagé un tournant réactionnaire. L’extrême droite s’est imposé et n’est plus diabolisée, les mascus adhèrent et se retrouvent dans cette politique. Oui, Rudy Gobert montre tous les signes pour être classé à l’extrême droite. Ce qu’il consomme, ce qu’il valide, ce qu’il diffuse est ce que la mouvance fasciste s’acharne à promouvoir. Il n’est pas le seul en NBA, soit on s’en rend compte et on le dit ou soit on ferme les yeux et on fait l’autruche. Pour une partie de ses admirateurs et des fans de NBA, c’est une dure et triste déception.
PASSE DROIT
Après avoir dit tout cela, est-ce qu’on ne commence pas à entrevoir le cocktail douteux qui se prépare ? On se demande ce qu’il pourrait bien se passer de mal dans les vies conjugales de ces jeunes hommes millionnaires, célèbres, avec des idées proches ou carrément d’extrême droite, biberonnés au complotisme, influencés par les milieux masculinistes et misogynes ?
Il ne peut évidemment rien arriver de bon. Rien qu’en NCAA, les étudiants athlètes masculins qui représentent seulement 3 % de la population totale des campus américains, commettent 20 % des agressions sexuelles et 35 % des agressions domestiques. Les chiffres sont effarants. Les athlètes sont à l’origine d’une agression sur trois dans les universités comme le rappelle cet article de Celticsblog.
Les violences faites aux femmes sont systémiques, c’est la fameuse domination du patriarcat. Sauf que quand un individu lambda perpètre un délit envers les femmes dans un campus, il a 80 % de chances d’être puni contre seulement 38 % pour les athlètes. Une nouvelle fois, on constate qu’il est facile de fermer les yeux sur des crimes lorsqu’ils sont commis par des sportifs.
En NBA, la liste des joueurs ayant commis des violences conjugales est longue : Alvin Robertson, Roy Tarpley, Darren Collison, Matt Barnes, Jason Kidd, Ron Artest, Miles Bridges, Kevin Porter Jr, Jaxson Hayes, Jeffrey Taylor et j’en passe. La NBA, cette ligue de mâles qui se veulent par essence être des alphas, porte dans son ADN les sévices faites aux femmes. Quand il s’agit de violences conjugales, elles ne se traduisent pas toujours par des coups, mais systématiquement par des pressions psychologiques.

Alors, lorsqu’on a connaissance de toutes ces données. Comment ne pas être choqué et consterné de voir le témoignage de l’ex-partenaire de Rudy Gobert. Une compagne enceinte qui, rappelons-le, a été contrainte de partir de la maison avec un enfant d’un an. Certes, il n’y a pas de coups, pas de visage tuméfié comme dans l’affaire Miles Bridges. Il n’en reste pas moins que cette situation est terrible et qu’elle paraît au final peu surprenante de la part de Rudy Gobert. Et si la présomption d’innocence prévaut, le doute qui pèse sur l’intégrité de Rudy a bel et bien le droit d’exister dans le contexte décrit depuis le début de cet article.
Très vite, des cadres de l’équipe de France sont montés au créneau pour prendre sa défense, leur argument : « on ne connaît pas personnellement Rudy Gobert ». Spoiler, il existe des gens très sympathiques qui font des choses terribles. On ne le connaît pas certes, mais les dérives dans lesquelles semble se complaire Rudy sont des indices suffisamment forts pour se sentir à nouveau déçu ou en colère.
De plus, c’est bien parce que ces cadres sont ses amis qu’ils ne peuvent mesurer la gravité des faits qui lui sont reprochés. Au-delà de tout cela, et ce qui est certainement le plus affligeant, c’est le sort qu’on réserve aux victimes dans ce genre d’histoires. Car en défendant bec et ongles Rudy, fans et partenaires du joueur oublient une chose : la victime.
Crédit de Véracité
En 2021, la personne la plus détestée au monde n’est pas le va t’en guerre Vladimir Poutine, ni un obscur dictateur ou un horrible criminel. C’est Amber Heard, une actrice. L’avocat de la défense, lors de son procès face à Johnny Depp, a réussi un coup de maître. Transmettre des éléments du dossier (ce qui est interdit), à des Streamers masculinistes.
Les médias traditionnels jugent cette histoire trop « gossip » et ne s’y intéressent pas. L’internet mascu parvient à infuser dans le débat public sa vision de l’affaire. Amber Heard devient la menteuse, l’hystérique, la manipulatrice, la femme à problèmes et cela convint. L’opération est un succès. Les médias mainstream se laissent séduire par ce nouveau narratif et Johnny Depp repart gagnant de ce procès avec sept minutes de standing ovation à sa sortie des tribunaux.
Amber Heard détient encore aujourd’hui le record de la pétition la plus signée au monde. C’est une pétition qui demande tout simplement que plus personne ne lui donne un rôle au cinéma. Ceci est une preuve de la capacité des mascus à agir en groupe et déployer une force de nuisance extrême quand ils ont une cible dans le viseur. Le harcèlement est une de leurs armes favorites et Amber Heard comme d’autres en ont fait les frais.
Le public masculin comme féminin peut succomber facilement aux discours masculinistes pour la simple et bonne raison que la frontière entre ce discours et celui du patriarcat traditionnel est mince. Il en est une simple prolongation à vrai dire. Puis il y a toujours cette phrase : « elle l’a peut-être bien cherché ». Même lors du terrible procès Mazan, la défense du sinistre Dominique Pelicot a pendant un temps cherché à rejeter la faute et semer le doute sur la victime, Gisèle Pelicot.
Dans ce monde, il n’est pas surprenant de voir que seulement 10 % des femmes victimes d’agressions sexuelles osent porter plainte. Dans ce genre de drame, à chaque fois, on tente d’inverser la responsabilité pour faire de la victime, une coupable.
Dans les débats autour des joueurs NBA, c’est la même chose. Lorsque des fans s’en prennent à un journaliste qui évoque le procès pour viol de Derrick Rose, on ne tarde pas à voir fleurir des arguments disant que la victime était vénale ou hystérique. Dans le cas de Rudy Gobert, nous sommes dans la même rhétorique. On peut même voir des appels à laisser Rudy Gobert tranquille.
Pour une partie des fans, les athlètes sont des êtres de lumière qui flottent au-dessus de nous et qui sont la vertu incarnée. Mais l’histoire nous rappelle que la NBA a trop de sang sur les mains pour que cela soit plausible.
L’autre argument dégainé : respecter la présomption d’innocence. Il est vrai que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que la preuve de sa culpabilité n’est pas établie. Cela, les supporters des sportifs subissant des accusations le savent très bien et ne se gênent pas pour poser cette condition comme un bouclier ultime à toutes critiques.
Mais dans une société ou une femme sur trois s’est déjà faite agressée sexuellement, où une femme se fait violer toutes les 2 minutes 30 et où une femme meurt tuée par son conjoint tous les 3 jours, on ne peut plus se cacher derrière la présomption d’innocence.
Notre devoir humain premier est peut-être de croire la victime en lui donnant le crédit de véracité. Le principe de la Justice, c’est d’un côté qu’une victime dit la vérité jusqu’à preuve du contraire, et de l’autre qu’un accusé est innocent jusqu’à preuve du contraire. Voilà ce que l’on met sur la balance symbolique de la Justice. Pourtant, la présomption d’innocence prévaut. Faire valoir la position de la victime est un combat mené aujourd’hui pour essayer d’encrer ce principe dans la loi afin d’éviter que la victime ne soit considérée comme une menteuse, qu’elle agisse par vénalité ou par hystérie, à la fin d’un procès où l’on manque de preuves.
Dans la polémique Rudy Gobert, pas de viol, pas d’agression, mais bel et bien une victime qu’on s’empresse de ne pas croire. Une victime qu’on occulte du débat pour se consacrer uniquement sur ce que ressent le pivot des Wolves.

OMERTA
Omerta : silence qui s’impose dans toutes communautés d’intérêts. _ définition Larousse
Dans les années 70, on estime que 75 % des joueurs étaient consommateurs de cocaïne. C’est en 1986 que la NBA décide de réagir de façon drastique. En cause, le décès du prodige de Maryland et future star annoncée des Boston Celtics, Len Bias. Depuis 1986, six joueurs ont été bannis de la ligue. La NBA a serré la visse et s’est engagée dans un processus de sensibilisation pour que la jeune génération ne tombe pas dans le piège du sachet blanc.
C’est ici la preuve que la NBA peut, si elle le souhaite, venir à bout d’un mal quand celui-ci est nuisible. C’est également dans cette logique qu’O.J Mayo s’est vu suspendu pendant deux saisons pour avoir abusé de produits dopants. Alors quelle est la politique de la NBA lorsqu’il s’agit de violences conjugales ?
Officiellement, c’est un comité politique composé de deux représentants de la NBA, deux de la NBPA et trois experts indépendants en matière de violence qui évaluent chaque cas individuellement. Puis, il propose aux joueurs un programme axé sur l’accompagnement psychologique. C’est le commissaire de la NBA, Adam Silver, qui détient le pouvoir d’infliger une amende, de suspendre ou d’exclure un joueur de la ligue.
Faudra-t-il attendre qu’une femme meure sous les coups d’un joueur pour que la NBA réagisse ? Cela n’est pas passé loin lorsque Kevin Porter Jr brisa le cou de sa compagne, une blessure potentiellement mortelle. Le joueur est suspendu pendant un an et doit suivre un programme de réhabilitation de 26 semaines. C’est la plus grosse sanction infligée à ce jour pour une affaire de violence conjugale.
Avant cela, le triste record était détenu par Miles Bridges, l’ailier des Charlotte Hornets avec 30 rencontres de suspension, seulement. Est-ce que la NBA réussira à rester intransigeante avec ce phénomène qui n’est pas anodin. En effet, les joueurs NBA affichent un taux d’arrestations pour violence conjugale 40 % supérieur à celui de la moyenne générale de la population. Il y a ici un problème à prendre à bras le corps et la suspension de 12 mois de Kevin Porter Jr est un signe encourageant (même si insuffisant) qui tend à montrer que l’omerta est terminée.
Le problème est devenu trop grave, trop présent au sein de la ligue pour ne pas en parler ouvertement. En ce qui concerne les violences domestiques, qu’elles soient physiques, psychologiques ou symboliques, il faut que cesse la loi du silence. Il faut que les médias s’emparent sans crainte de ces sujets.
Aucun média français n’a parlé du témoignage de l’ex-compagne de Rudy Gobert. Il existe peut-être une crainte derrière ce silence, celle de voir les athlètes bouder leur média. Quand on voit les réactions de certains joueurs, on se dit que c’est plus que probable. D’ailleurs, il est peut-être aussi temps pour eux d’arrêter de fermer les yeux.
Les fans sont derrière vous quand il le faut, ils ne vous laissent pas tomber. Ils crient, ils chantent, portent vos couleurs, vous imitent, vous aiment. Alors, ne les blâmez pas quand ils sont sur vos côtes lorsque vos comportements sont problématiques. Dans ces situations, le problème ce n’est pas les fans. Les fans sont déçus, abandonnés, en colère, et ont tout le droit de l’être.
Peut-être que les médias ont trouvé cette séquence « trop gossip » et qu’elle relève de la vie privée. Sauf que ne pas écouter une victime en disant que c’est une histoire privée, c’est la condamner à se retrouver seule. Quand une personne appelle au secours, on n’attend pas que son appel soit rendu public dans le journal du lendemain pour l’aider. Faire aux gens un procès en voyeurisme comme cela a été le cas relève de la faillite morale.
Ou alors peut-être que des médias partagent les avis qu’on retrouve dans les commentaires : « ce qu’elle cherche c’est se faire de l’argent sur son dos » ou autre analyse de comptoir. La réalité, elle est certainement un peu dans tout cela. Rudy Gobert est un personnage aux idées douteuses et le témoignage de son ex-femme laisse à penser que son comportement avec elle l’est tout autant. Il faut en parler.
Il faut dénoncer ces comportements et ces modes de pensées problématiques. Il ne faut pas se voiler la face et fermer les yeux par peur de froisser des athlètes qui pourraient potentiellement vous apporter quelques clics ou quelques vues. Il faut prendre ses problèmes, les dénoncer et si cela déplaît à des fans et bien tant pis pour eux. Leurs commentaires haineux et misogynes doivent être combattus.
Le monde d’aujourd’hui devient de plus en plus réactionnaire et les premières victimes sont les femmes. Il faut que tous les médias, observateurs et joueurs sensibles à ces problèmes de société en parlent. L’époque est trouble et il ne faut plus faire de concessions envers ceux qui adoptent des comportements et des postures dangereuses. C’est pour cela que les médias doivent parler de l’extra sportif.
Car la NBA c’est bien plus que des matchs, des highlights et des statistiques. Elle est à chaque étape de son histoire le reflet de la société. Cette dernière a besoin de pédagogie afin de combattre les idées réactionnaires porteuses de comportements misogynes et dangereux pour les femmes. Ce sont les fléaux qui gangrènent la NBA en 2025 et que tous ceux qui ont une voix doivent combattre.