Dans l’histoire de la NBA, un poste surclasse tous les autres depuis la nuit des temps. Les seigneurs des parquets ont souvent occupé la position de pivot. La taille de ces géants fascine la plèbe, et pendant bien longtemps ils ont été synonymes de succès. C’est le cas de Portland qui remporte son unique titre, en 1977, grâce au talent d’un de ces colosses. Pourtant, la franchise de l’Oregon semble maudite lorsqu’on évoque ses plus illustres Big Men. Voici la Timeline spéciale pivots des Portland Trail Blazers.
Au commencement
Les Portland Trail Blazers arrivent en NBA lors de la saison 1970/71. Leurs premières stars se trouvent sur les lignes arrières avec Jim Barnett et le talentueux rookie Geoff Petrie. Pour occuper le poste cinq, ils font appel au vétéran Leroy Ellis. Il est l’ancien titulaire des Los Angeles Lakers de Jerry West et Elgin Baylor avec qui il participe à 4 finales sans jamais gagner le championnat. Avec Portland, il aligne 16 points et 12 rebonds de moyenne, des chiffres flatteurs, mais qui sont ceux d’un bon joueur dans un collectif faible. D’ailleurs, on le transfère à la fin de la régulière et il retrouve les Lakers. Son rôle y est moindre, seulement 14 minutes de jeu en tant que back-up de Wilt Chamberlain, mais il remporte enfin un titre en 1972 avec l’équipe qui l’avait drafté.
La première campagne des Blazers dans la grande ligue n’est pas si mauvaise. 29 victoires, un bon début qui ne dure pas puisque l’année suivante, on passe à 18 succès seulement. Dernier de la conférence Ouest, les Blazers peuvent se consoler avec la possibilité de sélectionner le premier choix de la prochaine draft. Déjà sur le coup depuis un moment, ils savent déjà qui est l’élu. Un jeune pivot les a séduits lors d’un match qui opposait l’université de Loyola Chicago à celle de UCLA avec sa star : Bill Walton. Mais ce soir-là, celui qui a époustouflé les recruteurs orégoniens se nomme Larue Martin.
Vous ne connaissez pas ce nom ? Normal, c’est un flop retentissant, un des plus gros bust de l’histoire. Le joueur n’est pas a blâmer, il a simplement été vu plus beau qu’il n’était. Portland le choisit en 1er à la draft 1972. C’est un échec. Le scouting n’est pas encore ce qu’il est aujourd’hui et les erreurs de casting sont monnaie courante. Larue Martin ne sera jamais vraiment performant. Il prend sa retraite sportive après 271 rencontres, toutes sous le jersey noir, rouge et blanc.
INJU-RED
L’échec Martin permet cependant d’obtenir une nouvelle opportunité de sélectionner un premier choix de draft. Cette fois, c’est une évidence tant Bill Walton est un crack. La ABA tente de le séduire depuis plusieurs années, preuve de son talent incroyable. Le grand rouquin décide de rester en NCAA et de rejoindre plus tard la NBA. Il se retrouve à Portland qui tient enfin son pivot superstar. Cependant, les débuts de ce génie de la balle posent question.
Il ne participe qu’à 35 matchs lors de sa campagne rookie, et seulement 51 dans son année de sophomore. Malgré 15 points, 12 rebonds, 5 passes et 2 contres, ses absences pénalisent sa franchise pour qui les playoffs demeurent encore une terre inconnue. Big Red est un homme fragile, qui s’est brisé presque toutes les articulations pendant sa carrière. Il ne jouera plus que 123 rencontres sous le maillot des Blazers.
Dans ce bref laps de temps, il parvient à ramener un titre dans l’Oregon. Sa campagne de playoff 1976/77 est une véritable masterclass, et que dire de sa prestation en finale. Mené 2-0 par les Philadelphia Sixers de Julius Erving, Portland enchaîne quatre succès consécutifs. Bill Walton est légendaire, sa ligne de stats est monstrueuse, 19 points, 19 rebonds, 5 passes, 4 contres en 38 minutes.
La saison suivante, il devient MVP en ne jouant que 58 matchs. Il est magnifique de maîtrise, attaque, défense, rebonds, avec un sens du jeu rarissime pour un Big Men. Malheureusement, les blessures l’empêchent d’aider ses partenaires lors de la série qui les opposent aux Seattle SuperSonics. Portland s’incline 4 à 2 au premier round, c’est une immense déception. Un énième pépin physique le bloque à l’infirmerie toute l’année qui suit et sonne la fin de son parcours dans l’Oregon. Cette fragilité le prive d’une grande carrière et met des guillemets sur son héritage. Bill Walton est une étoile filante, brillante et magnifique, mais dont on n’aura de cesse de souligner son éclat éphémère.
Petite frayeur
La perte de Bill Walton est vite comblée par la draft du Bahaméen Mychal Thompson en deuxième position de la loterie 1978. Il n’a clairement pas l’aura du pivot à la crinière de feu, mais c’est un intérieur solide. Rapidement impactant, il s’installe sans soucis dans la rotation du coach Jack Ramsay. Mais, mais, mais….
Une blessure à la jambe freine sa progression est lui fait subir une année blanche. Le fantôme de Bill Walton plane à nouveau dans le ciel d’Oregon. Mychal revient dès la saison suivante, on peut respirer et être plus serein. C’est d’ailleurs le papa de Klay qui offre la plus longue période de stabilité à ce poste pour Portland avec 551 rencontres. Une époque où les Blazers jouent régulièrement les playoffs sans pour autant avoir un statut de contender.
En 7 saisons, il affiche 17 points, 9 rebonds, 3 passes et 1,5 contres par match. Sa franchise peut compter sur lui, mais elle succombe à la tentation de sélectionner une recrue du même poste avec le second choix de la draft de 1984. Cette décision le fait glisser au poste d’ailier fort, mais elle scelle également son sort dans le club. On le transfère contre un autre intérieur au profil identique, Steve Johnson, en provenance des San Antonio Spurs.
La tentation
L’histoire de Sam Bowie est bien connue. On sait tous qu’il est le joueur choisit avant Michael Jordan. L’excuse souvent apportée est que Portland avait besoin d’un Big Men. Pourtant, on vient de le voir, avec Mychal Thompson, on avait de quoi largement tenir le poste cinq. C’est le fantasme du Big Men dominateur qui amène les Blazers à faire ce choix. Les équipes championnes ont presque toujours un centre de renom dans leurs rangs. D’ailleurs, c’est l’un d’eux qui est à l’origine de l’unique titre obtenu par la franchise.
On parle d’une période où le moindre pivot qui performe en NCAA suscite l’intérêt. Sam Bowie est issu de la prestigieuse fac de Kentucky, sans être hors normes, il est jugé comme une potentielle pièce maîtresse d’une reconstruction qui s’effectue autour de Clyde Drexler. Le bougre cache ses problèmes physiques à sa future équipe et elle en paye le prix fort. En quatre années il ne participe qu’à 139 rencontres, encore moins de présence que Bill Walton pour cent fois moins d’impact.
Sa carrière est loin d’être ridicule, il est dans les standards qui étaient les siens avec Kentucky. Seul le potentiel fit avec l’arrière Clyde Drexler justifie de l’avoir sélectionné devant le GOAT. Avec le recul, c’est évidemment facile de critiquer les plantages du front office de Portland, surtout que personne ne prévoyait une telle carrière pour Michael Jordan. Cependant, d’autres prospects de premier plan comme Charles Barkley ou Sam Perkins étaient disponibles. Peu importe, Portland doit rebondir et c’est un choix du second tour de la draft de 1986 obtenu dans un transfert avec les Spurs, encore eux, qui apporte à nouveau de la stabilité.
Doigt de velours
Pendant que Sam Bowie perfectionne ses skills à la béquille, les Blazers laissent la place à une jeune garde talentueuse et prometteuse. Un des pivots de l’équipe devient même All Star lors de la saison 1987/88. Steve Johnson arrivé dans le trade de Mychal Thompson est gratifié d’une sélection généreuse pour un intérieur qui tourne à 15 points et 5 rebonds de moyenne. Le pauvre se blesse avant le match des étoiles, James Donaldson de Dallas le remplace aux pieds levés.
Qui va à l’infirmerie perd sa place, mais pas seulement pour le All Star Game. Son remplaçant dans le cinq de départ est Kevin Duckworth. En 20 minutes, il aligne 8 points et 5 rebonds. C’est un gros bébé de 2m13 pour 120 kg, un pachyderme avec un toucher de balle soyeux qui en fait un fort joueur d’attaque. En défense, c’est une autre histoire. Cependant, il saisit la chance qui s’offre à lui pour imposer sa carrure de catcheur sous les panneaux du Memorial Coliseum.
Suite à la blessure de Johnson, il score 22 points par match accompagné de 9 rebonds en 46 rencontres. Bien qu’unidimensionnel, il vient de faire sa place dans cette jeune équipe qui cartonne à la fin des années 80. Il participe aux deux finales perdues en 1990 et 1992. Inexistant en défense et avec un gros penchant à reprendre du rabe à la cantine, on se lasse de lui dans l’Oregon. Par la suite, il n’est plus que l’ombre de lui-même, et décline aussi vite qu’il ne prend du poids.
Acte manqué
La Rose Garden Arena doit attendre la saison 1995/96 pour revoir du talent sous ses cercles. Pourtant, c’est depuis bien longtemps que ce génie des parquets aurait dû sévir dans la ligue. Car on parle tout simplement d’un des plus grands poste cinq de l’histoire de ce sport. Drafté en 1986, le lithuanien Arvydas Sabonis arrive avec 10 ans de retard en NBA. La guerre froide, et des beuveries qui finissent en dégringolade d’escaliers ont repoussé les débuts de Sabas dans le championnat américain.
C’est un homme de 31 ans au corps meurtri par les blessures qui débarque dans l’Oregon. Il ne peut rester sur le terrain qu’une vingtaine de minutes seulement, un temps de jeu qui fait baisser ses stats et qui masque son énorme production. Sur 75 possessions on est sur un rendement de 25 points, 13 rebonds et 3 passes alors qu’il est amoindri. Imaginer un instant, ce géant de 2m21 en pleine force de l’âge former un duo avec Clyde Drexler dès 1986. Bien des choses auraient été différentes dans la conférence Ouest.
En attendant, il séduit ses nouveaux fans qui comme tant d’autres avant eux vont lui vouer un véritable culte. Son charisme, son toucher de balle, son sens de la passe, sont autant de raisons de l’aimer. Les Blazers participent à deux finales de conférence avec lui, avec une des équipes les plus cools de la fin des années 90. Sabonis se retire une première fois en 2001, avant de faire son retour pour une dernière danse. Il laisse derrière lui le regret éternel de ne pas l’avoir vu évolué plus tôt au milieu des grandes légendes de son époque.
Diamant brut
Arvydas Sabonis éblouit son monde pour le bonheur des fans et pour le malheur d’un jeune prodige qui doit ronger son frein sur le banc. Drafté en 1996, Jermaine O’Neal qui n’a que 18 ans doit faire preuve de patience. Demander cela à un gamin de son âge qui n’a qu’une seule envie, démontrer son talent à la terre entière est compliqué. Les critiques sur le choix de ne pas le faire jouer sont nombreuses, des commentaires faits après coup. Sur le moment, c’est une décision logique.
Le Big Men n’est encore qu’un Big Boy qui doit tout apprendre. Si on doit être plus pragmatique, il n’a simplement pas de quoi pouvoir prétendre à plus à ce moment-là. Barré par des joueurs plus expérimentés, il ne pouvait espérer mieux dans une équipe qui se voulait compétitive. Portland avait toutes les raisons de patienter, Jermaine n’en avait aucune. C’est ainsi qu’il est envoyé à Indiana où il ne tardera pas à s’imposer comme un des meilleurs pivots de la ligue.
Une véritable bête, un monstre des raquettes comme les Blazers en ont toujours rêvé. C’est également un acte manqué, d’un côté une franchise qui veut capitaliser son présent, de l’autre un jeune talent qui veut vivre son futur. Le public est à ce moment-là acquis à sa cause et désire le voir dominer. Mais c’est ailleurs que l’éclat de ce joyeux à brillé, une demi déception, même si une fois de plus une belle occasion s’envole pour Portland.
With Oden on your side
On fait un bon dans le temps et on se trouve à la saison 2008/09. Les Blazers viennent de vivre quelques années compliquées, mais retrouvent la voie des victoires grâce à Lamarcus Aldridge. Il commence sa carrière comme centre, mais il est vite décalé en ailier fort. C’est l’intérimaire number one de NBA, Theo Ratliff, qui assure le poste en compagnie de Joel Przybilla. Ce dernier s’installe durablement dans l’Oregon est devient avec 422 rencontres, le troisième pivot de l’histoire de la franchise en termes de match joué derrière Mychal Thompson et Kevin Duckworth.
Une fois de plus Portland à un first pick de draft, et une fois de plus ils se laissent tenter par un Big Men. Le profil de Greg Oden semble pouvoir coller parfaitement à celui de Aldridge, alors pourquoi s’en priver. Avec Oden à ses côtés, Lamarcus et ses partenaires peuvent rêver de jours heureux. Au lieu de cela, la planète basket commence à se demander si le Rose Garden n’est pas construit sur les vestiges d’un cimetière indien.
L’histoire est connue, Greg Oden se blesse et ce guerrier divin en défense ne réussira jamais à totalement s’en remettre. Bill Walton, 209 matchs, Sam Bowie 129, Greg Oden 82, le sort s’acharne. Un crève-cœur ultime, une déception infinie, et un drame humain pour ce jeune homme qui vit la situation très mal. La réputation de franchise maudite entre dans l’imaginaire collectif, et se voit encore plus renforcé par les déboires physiques et la retraite prématurée de Brandon Roy qui survient quelques années plus tard. Les Dieux ne sont pas définitivement en faveur des Blazers.
La pépite
Finalement les Blazers s’en sortent plutôt bien sans pivot de renom, quelques vétérans reconnus ont posé leurs valises dans l’Oregon, comme Chris Kaman ou Marcus Camby. Néanmoins, leur passage reste anecdotique et le boss dans la peinture est toujours Lamarcus Aldridge. Mais ça, c’est avant son départ dans le Texas. Orphelin de leur vedette, les performances déclinent, signer un fort intérieur devient une nécessité afin de combler le vide laissé par le légendaire numéro 12.
Les Nuggets ont un excédent de joueurs en « ic » dans leur raquette. Entre Nikola Jokic et Jusuf Nurkic, difficile de faire un choix. Portland se propose de récupérer le bosnien de 2m13 et 130 kilos en échange de Mason Plumlee, une aubaine pour Nurk frustré par son rôle dans la rotation de Denver. Une fois intégré dans le roster des Blazers, ses minutes s’envolent, et ses stats également. Le talent de l’ancien Nuggets est indéniable, c’est un bon coup réalisé par le Front Office de Portland.
Il joue 324 matchs dans l’Oregon (6ème All Time), malheureusement on peut aussi dire « que 324 rencontres ». Car sur ses quatre dernières saisons à Portland, il n’est présent que 48 % du temps. On en a l’habitude, c’est encore une fois un colosse aux pieds fragiles qui règne sous les panneaux de la salle aujourd’hui nommés Moda Center.
Le bosnien a connu la pire des blessures en se brisant la jambe le 26 mars 2019 contre les Brooklyn Nets. Il ne retrouvera jamais réellement son énergie d’avant. Il souffre d’un problème de blessure récurrente qu’on ne connaît que trop bien et qui doit cesser. Un deal est trouvé avec les Phoenix Suns, Jusuf s’envole alors vers l’Arizona en échange de DeAndre Ayton. Depuis son arrivée à Phoenix, il a participé à 39 rencontres sur 41 possibles. Je vous laisse imaginer ce qu’on pensera de la malédiction Blazers si cette tendance reste la même dans les années à venir.
L’avenir
Dans ce fameux échange à trois qui voit Nurkic rejoindre les Suns, les Celtics ont cédé leur Big Men Robert Williams. Attendez, un pivot sujet aux blessures qui arrive dans l’Oregon ? Vous imaginez bien où je veux en venir, crac, six petits matchs et voilà Robert Williams à l’infirmerie, out pour la saison. La malchance frappe une fois de plus un intérieur de talent, dans la plus pure tradition du club. Cependant, il reste un autre Big Men dans cette cuvée Blazers 2023/24.
Mieux que cela, c’est le premier choix de loterie 2018 qui est aujourd’hui titulaire au sein de ce jeune effectif : DeAndre Ayton. Un pedigree qui s’accompagne d’une finale NBA en 2021, et de stats plutôt solide avec 17 points et 10 rebonds de moyenne. Le pivot dont on parle utilise un jeu de mots pour annoncer la couleur de la saison à venir. Il nous met en garde et nous prévient de nous placer à l’abri, car la « DominAyton » va s’abattre sur la NBA. Treize points et 10 rebonds plus tard, DeAndre Ayton nous montre l’importance de tourner sa langue sept fois avant de l’ouvrir.
La réputation de DeAndre n’est pas la plus fameuse de la ligue. Son éthique de travail et son comportement en a déjà agacé plus d’un. Quand on vous préfère un joueur qui ne participe qu’à un match sur deux depuis quatre ans, c’est bien le signe d’un problème. Espérons pour Portland que ce ne soit qu’une question de maturité et que les choses évoluent positivement. Dans le cas contraire, on s’en remettra côté Blazers, car les malédictions sont faites pour être brisées.
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