Cette année, l’EuroLeague posait ses valises à Abu Dhabi pour l’événement le plus attendu du basket européen : le Final Four. Dans une ambiance étrange, entre ferveur importée et spectacle calibré, Fenerbahçe a décroché le deuxième titre de son histoire, au terme d’un week-end marqué par les débordements d’un président grec, une nouvelle désillusion pour un favori, et la performance historique d’un club français.
Cet article a été écrit par Clément Passelaigue.
Abu Dhabi, capitale artificielle d’un basket bien réel
Il y a eu du bruit, mais pas le grondement d’Istanbul, ni les vibrations de l’OAKA. À Abu Dhabi, le Final Four 2025 a laissé une impression paradoxale : une salle pleine, des chants, des rivalités… mais une ambiance lointaine. Trop loin peut-être. Les tarifs exorbitants ont freiné les déplacements massifs, et pourtant, les 3000 supporters de l’Olympiacos ont répondu présent. Mieux : ils se sont alliés à ceux de Fenerbahçe pour faire front commun contre le Panathinaïkos, lors de la première demie-finale.
Les fans de Monaco, eux, n’étaient que 400 dans le désert, mais leur voix a porté. Le contraste était fort, le message clair : l’histoire peut s’écrire loin de chez soi, mais jamais sans ceux qui la vivent. Et si l’on attendait du spectacle « made in Émirats », on a finalement eu une scène fidèle à l’Europe, classique dans sa mise en scène, mais bouillante par instants. Les lumières étaient là, mais le feu venait des tribunes.
Dimitris Giannakopoulos, encore
Il est devenu, à son corps défendant, un acteur récurrent de la saison européenne. Dimitris Giannakopoulos, président du Panathinaïkos, a une nouvelle fois éclipsé le jeu par ses excès. Doigts d’honneur vers les supporters de l’Olympiacos, échanges musclés contre les arbitres à la mi-temps de la demi-finale, puis repli dans les entrailles de l’arène avant même le buzzer final. Un one-man show dont le basket n’avait pas besoin.
Lassé, le monde de l’EuroLeague regarde ce spectacle se répéter avec un mélange d’indignation et de fatigue. L’image de son club, tout juste revenu parmi les puissants, s’en trouve abîmée. Car sur le terrain, le Pana était pourtant à la hauteur… jusqu’à ce que le Fenerbahçe de Šarūnas Jasikevičius en décide autrement.
La malédiction du premier, et l’écroulement de l’Olympiacos
Cela devient une tradition cruelle : chaque saison, le premier de la saison régulière chute au Final Four. Cette fois, c’est l’Olympiacos qui en a fait les frais. Favoris naturels, les Grecs ont perdu pied dès la demi-finale, dominés par une Roca Team libérée. Les cadres ont flanché au pire moment, et la frustration était palpable, tant sur le banc que dans les tribunes. Evan Fournier n’a d’ailleurs pas pu cacher sa déception après l’élimination de son équipe.
Ce revers ajoute une ligne à la longue liste des déconvenues d’un club qui touche souvent le sommet… sans pouvoir y rester. Un coup dur, d’autant plus amer que les fans d’Olympiacos se voyaient déjà en finale.
Monaco, 32 ans d’attente balayés par une épopée
Limoges en 1993, puis plus rien. Jusqu’à cette saison. Pour la première fois depuis plus de trois décennies, un club du championnat de France s’est hissé en finale de l’EuroLeague. Monaco, qui ne dispute que sa quatrième saison dans la compétition, est passé tout près d’un exploit majuscule. Il faudra un jour prendre le temps de mesurer la portée de ce qu’a accompli le club de la Principauté.
Au cœur du rêve, un homme : Mike James. L’Américain a tenu son rang malgré les doutes, les douleurs, les pronostics médicaux. Une hernie discale, une opération en juin 2024, une convalescence annoncée jusqu’en décembre. Il n’a pourtant manqué aucun match d’EuroLeague. Et même dans la défaite, sa publication post-finale résonne comme un manifeste.
Monaco n’a pas seulement inspiré. Il a posé les bases de ce que pourrait devenir le basket français à l’échelle continentale. Une voix, une identité, une légitimité.
Fenerbahçe, le triomphe du plan, la gloire du détail
Ils ne faisaient pas partie des favoris au début du week-end. Mais ils sont ceux qui ont le mieux maîtrisé l’instant. Fenerbahçe est champion d’Europe pour la deuxième fois de son histoire, sept ans après son premier titre. Et derrière ce sacre, il y a une main, ferme et fine : celle de Sarunas Jasikevicius.
Le coach lituanien a imposé sa loi aux deux géants grecs et à la Roca Team en finale. Défensivement, ses systèmes ont bridé Mike James, l’obligeant à s’isoler. Les extérieurs monégasques ont été obligés de sortir de leur zone de confort. Chaque switch était prévu, chaque aide anticipée. Une partition défensive chirurgicale.
Sur le terrain, plusieurs héros ont émergé. Marko Guduric, discret en demi-finale, a inscrit le tir du +10 à une minute de la fin en finale. Devon Hall a été étincelant tout au long du week-end. Errick McCollum, à 37 ans, a été la bouée de sauvetage dans les temps faibles. Et Nigel Hayes-Davis ? Parfait. MVP du Final Four, 14/14 aux lancers en finale. L’art de la constance dans le chaos.
Ce Fener a trouvé l’équilibre parfait entre puissance mentale, expérience, et rigueur tactique. Et au bout du désert, c’est bien lui qui a levé le trophée.

Un désert, des cicatrices et des rêves
Dans cette ville surgie du sable, le basket européen a gravé une nouvelle page de son histoire. Une page faite de contrastes : de bruit et de silences, de conflits et d’émotions, de gloire et de chutes.
Il y a les larmes d’Olympiacos, encore. Il y a les cris étouffés des fans du Pana, frustrés. Il y a le regard de Mike James, fatigué mais debout. Il y a surtout cette image : Sarunas Jasikevicius, soulevant fièrement un trophée qu’il connait par cœur, mais qu’il a tant convoité.
Le Final Four, ce n’est pas qu’un trophée. C’est ce moment où tout bascule, où les corps lâchent, où les regards disent ce que les mots n’osent plus. Cette année, c’est Fenerbahçe qui a conquis l’étoile. Mais tous, jusqu’au dernier, ont laissé une part d’eux-mêmes dans le désert. Là où naissent les grandes histoires. Le désert d’Abu Dhabi a vu naître une étoile de plus, au-dessus du blason de Fenerbahçe.