Une des séries les plus attendues de ce premier tour des playoffs d’EuroLeague est sans doute celle opposant le Paris Basketball au Fenerbahçe. Si les Turcs auront, en vertu de leur excellente phase régulière, le statut de favori, Paris a tout pour les piéger. En effet, malgré l’écart séparant les deux équipes au classement, leurs affrontements, ainsi que l’opposition de style qui s’annonce, laisse présager une série bien indécise.
Fenerbahçe – Saison régulière 2024-25
- Classement final : 2e et qualification directe en playoffs. Avec un bilan de 23 victoires pour 11 défaites, les hommes de Saras Jasikevičius étaient déjà assurés de terminer sur le podium avant leur victoire face au Bayern (89-77) lors de la dernière journée. Ce classement leur permet d’avoir l’avantage du terrain, et de recevoir le Paris Basket lors des matchs 1, 2 et 5.
- Joueurs clés : L’effectif du Fener dispose d’une grande qualité, mais repose surtout sur un collectif bien huilé. On y retrouve par exemple Nigel Hayes-Davis. Passé par les Kings et les Knicks en NBA, l’ailier est l’homme à tout faire de l’équipe en attaque (~17 points de moyenne). Il est souvent épaulé au scoring par Marko Guduric et Wade Baldwin IV, deux postes 2/3 qui connaissent bien les playoffs. Ce trio a été rejoint à la mi-saison par le vétéran Erick McCollum (37 ans), qui n’a rien perdu de son premier passage en EuroLeague en 2017-18. À l’intérieur, Sertaç Şanlı et Khem Birch tiennent la baraque.
- Points forts :
- Grosse expérience : Fenerbahçe aura clairement l’ascendant à ce niveau-là. Avec le troisième effectif le plus âgé de la compétition (avant l’arrivée de McCollum), les fans turcs peuvent être sûrs que leurs joueurs ne s’écrouleront pas sous la pression.
- Intraitables aux lancers francs : Symbole du bagou de l’équipe, les protégés de Saras Jasikevičius sont la troisième meilleure équipe de la ligue sur la ligne, avec plus de 83% de réussite globale. Une bonne habitude de rentrer ses lancers qui, on le sait, peut s’avérer déterminante dans une série de playoffs.
- Une défense solide : Si le Fener a réussi à se hisser aussi haut, en déjouant certains pronostics, c’est en grande partie grâce à sa défense de fer. Troisième équipe qui encaisse le moins de points (81.2) de la compétition, le Fener pourra sortir des lineups capables de bien embêter l’attaque parisienne. Un cas de figure que l’on a déjà pu observer lors des affrontements de la phase régulière entre les deux équipes.
- Points faibles :
- Un secteur intérieur qui peut inquiéter : Face à une équipe comme le Paris Basketball, la vieillesse, traduite par un manque de mobilité, des pivots de l’effectif nommés auparavant (Khem Birch, 32 ans, et Sertaç Şanlı, 33 ans) peut s’avérer être un souci. D’autant plus pour couvrir les pick and roll lancés par le très rapide et explosif T.J. Shorts qui pourra, soit driver, soit servir son intérieur qui roule.
- Une adresse décevante à deux points : Si Nigel Hayes-Davis et consorts font preuve d’une très belle adresse extérieure (~38%), on ne peut pas en dire autant des tirs à deux points. Parmi les pires équipes à l’intérieur et en tête de raquette, le Fener a l’étrange particularité de marquer plus de points par tirs à trois (1.14 point/tir) qu’à deux points (1.05 point/tir).
- Une attaque globale parfois en difficulté : De manière générale, l’attaque du Fener a été largement satisfaisante cette saison, mais les Stambouliotes ont tout de même connu de grosses pannes. Effectivement, en début de saison, face à l’Étoile Rouge (57 points), Barcelone (63) et Monaco (69), ils sont restés sous la barre des 70 unités. Fort heureusement, ils semblent avoir régler ces petits soucis, et n’ont pas réalisé de performances aussi pauvres en 2025. Sous réserve que cette fâcheuse tendance ne ressurgisse pas face aux Parisiens.
- Faits marquants de la saison :
- Deux victoires face à l’Olympiakos : Seule équipe à avoir fini devant Fenerbahçe au classement, l’Olympiakos a fait figure de grandissime favori pendant la quasi-totalité de la saison. Un statut qui n’a pas empêché les Turcs d’être, avec l’Étoile Rouge, la seule équipe à les battre à deux reprises. Et qui plus est, avec au moins dix points d’écart à chaque fois.
- Saras Jasikevičius coach de l’année : Premier Lituanien à glaner cette récompense, l’entraîneur du Fener a réalisé une très grande saison qui lui a valu le titre de coach de l’année. Grâce à la mentalité qu’il a inculquée à ses joueurs, et des ajustements souvent bien sentis, ses protégés se sont emparés de la deuxième place à la 21e journée. Ils ne l’ont ensuite plus quittée de la saison.
- Le buzzer de Nigel Hayes-Davis : Lors du deuxième match de la saison face au Paris Basketball, le Fener, mené de deux points à une poignée de secondes de la fin, était bien mal embarqué. Moment choisi par Nigel Hayes-Davis pour sortir un shoot de l’espace à 3 points sur le buzzer. En plus d’offrir le succès aux siens, ce shoot lui a permis d’assurer définitivement leur place en playoffs.

Paris Basketball – Saison régulière 2024-25
- Classement final : 8e et passage par le play-in. Avec 19 victoires pour 15 défaites, les protégés de Tiago Splitter ont dû batailler jusqu’au bout du bout pour valider leur ticket en playoffs. Cette qualification ne leur donne toutefois pas l’avantage du terrain, Paris recevra donc à l’occasion des matchs 3 et 4 de la série.
- Joueurs clés : Impossible de parler de la saison de Paris sans évoquer T.J. Shorts. Meilleur passeur de la compétition, tout proche du triple-double face au Pana, et véritable leader aussi bien technique que mental, il s’est carrément fait une place dans la discussion pour le MVP. On peut également faire ressortir Tyson Ward, le patron de la défense extérieure, Mikael Jantunen, le stretch 4 diablement efficace, ou encore Nadir Hifi, capable d’alterner le brûlant avec le glacial. Sous le cercle, c’est Kevarrius Hayes qui fait la loi, et conclue les alley-oops initiés par Shorts.
- Points forts :
- Un style de jeu inédit : Pour leur première saison en EuroLeague, les Parisiens ont réussi à prendre de court les meilleures équipes du vieux continent lors du début de saison. Avec un style axé sur une attaque très rapide, des shoots longue distance à foison, et des lineups plutôt petites, Paris a complètement déjoué les pronostics. Auteurs d’une série tonitruante en début de saison, les pensionnaires de l’Adidas Arena ont même joué les premiers rôles pendant une bonne partie de l’année.
- Peu de pertes de balles : Souvent, le problème des équipes qui jouent aussi vite est qu’elles confondent vitesse et précipitation. Heureusement pour Paris, ils ne sont pas concernés. Mieux, ils sont même l’équipe qui perd le moins de ballons de toute l’EuroLeague (10.4). Une propreté acquise grâce, évidemment, à un T.J. Shorts en mode maestro qui se montre très précautionneux balle en main et à la passe.
- Les rebonds offensifs : Symbole de l’abnégation et de la fougue dont fait preuve cette équipe « Rookie », le Paris Basketball obtient énormément de secondes chances (11.7). Une hargne exceptionnelle qui leur permet d’obtenir des possessions supplémentaires cruciales. Notamment lors de leur toute première victoire en EuroLeague, lors de la réception du Pana où les parisiens avaient pris 17 rebonds offensifs pour remporter le match de deux petites unités.
- Points faibles :
- Les naufrages dans le dernier quart : Les mauvaises fins de match sont la fâcheuse tendance dont Paris ne se défait pas cette saison. Troisième pire défense de l’EuroLeague dans cette partie du match, le club de la capitale sombre souvent dans les ultimes instants. D’autant plus que cela leur a déjà coûté cher, avec neuf défaites sur les quinze subies par les Parisiens qui se sont jouées à deux possessions ou moins (soit 6 points d’écart ou moins).
- Manque d’expérience : Si Paris n’a pas forcément le plus jeune effectif de la compétition, il présente pourtant l’un des moins expérimentés en EuroLeague. En effet, seuls quatre joueurs de l’équipe y avaient déjà eu une expérience avant cette année : Kevarrius Hayes, Yakuba Ouattara, Maodo Lô et Daulton Hommes. À noter que les deux derniers ne seront pas aptes physiquement pour prendre part à ce premier tour.
- Faible profondeur d’effectif : La profondeur de l’effectif parisien est une des raisons qui peut expliquer la baisse de régime qu’a connue le club en deuxième partie de saison. Car oui, Tiago Splitter a beau avoir à sa disposition une équipe très talentueuse, il ne peut pas non plus faire des miracles. L’entraîneur brésilien a souvent dû composer avec les pépins physiques de certains cadres, ce qui a fait beaucoup de mal au groupe.
- Faits marquants de la saison
- La saison de T.J. Shorts : À l’image du club de la capitale, le meneur macédonien connaissait sa toute première saison en EuroLeague, et a impressionné tout son monde. À quasiment 19 points et 8 passes décisives de moyenne, il s’est imposé comme l’un des, si ce n’est le meilleur meneur de tout le continent. Nommé au sein de la All-EuroLeague First Team, Shorts a porté le Paris Basket sur ses larges épaules pour leur permettre d’atteindre les playoffs.
- Série de 10 victoires consécutives : Comme évoqué auparavant, le Paris Basketball a su soigner son entrée dans la cour des grands en EuroLeague. Grâce à un plan de jeu novateur, une adresse énorme et une fougue sans égal, les hommes de Tiago Splitter ont remporté 10 matchs de suite. Cette série a permis au club de prendre la première place du classement de la douzième à la quinzième journée.
- Victoire au play-in : Arrivés 8e à l’issue de la phase régulière, Paris a dû passer par le play-in pour accéder à la post season. En déplacement sur le parquet du Real Madrid, les joueurs de la capitale ont réalisé le match parfait. Sérieux et appliqués, ils ont réussi à prendre leur traditionnelle avance de dix points en première période. Sauf que cette fois-ci, les Parisiens ont tenu face au réveil tardif du Real pour finalement s’imposer 81-73 et composter leur billet en playoffs.

Confrontations directes Fenerbahçe – Paris
- 3 mars 2025, (Adidas Arena, Paris) Paris Basketball 83-87 Fenerbahçe. Menés de 12 points en première période, les Turcs ont refait leur retard grâce à 30 rebonds offensifs obtenus et un run de 14-0 dans le troisième quart-temps. Paris a eu beau se reprendre ensuite pour rendre le match serré, dans le sillage d’un Nadir Hifi qui a pris feu dans les derniers instants (neuf points dans les deux dernières minutes), l’expérience du Fener a fait la différence.
- 25 mars 2025, (Ülker Sports Arena, Istanbul) Fenerbahçe 101-100 Paris. Là aussi, les Parisiens pensaient peut-être avoir pris le large, avec une avance de 15 points en leur faveur à la suite du retour des vestiaires. Mais, comme lors de la première rencontre, Paris va craquer, cette fois après avoir été devant au score pendant 33 des 40 minutes du match. Une défaite d’autant plus rageante que les Français avaient pourtant réussi leur dernier quart, mais ont été forcés de s’incliner sur le fameux shoot au buzzer de Nigel Hayes-Davis mentionné plus tôt…

Les facteurs X des deux équipes :
- Fenerbahçe : Shooter exceptionnel derrière l’arc (42% de réussite), Tarik Biberović peut faire basculer la série du côté du Fener. Le sniper Turc est évidemment capable de prendre feu de loin, ce qu’il a déjà fait face au Paris Basket qui plus est. En effet, sur l’ensemble des deux rencontres opposant le Fener au PB, il est sorti de sa boîte pour inscrire 28 points, le tout en shootant à 8/13 à 3 points.
- Paris Basketball : Comme ils l’avaient bien fait en fin de match de saison régulière, les hommes de Saras Jasikevičius risquent de faire des prises à deux répétées sur T.J. Shorts pour limiter son influence. En vue de cette configuration, le destin de Paris peut se retrouver dans les mains de Nadir Hifi. Souvent critiqué, à juste titre, pour son inconstance et une adresse parfois fuyante, le natif de Strasbourg a, sans mauvais jeu de mots, corrigé le tir lors du play-in. En s’appuyant sur cette belle performance, celui qui a été nommé « Meilleur jeune de la saison » en EuroLeague a tout pour jouer un rôle décisif pour Paris dans cette série.
Le prono du rédacteur :
Malgré l’écart séparant les deux équipes au classement, cette série a tout pour être l’une des plus serrées de ce premier tour. S’il est vrai que les deux matchs de phase régulière ont tourné à l’avantage des Turcs, les Parisiens ont montré qu’ils ne laissaient aucun avantage psychologique à leur adversaire en s’imposant face au Real au play-in, alors qu’ils n’avaient jamais battu le géant espagnol. D’autant plus que ces deux rencontres avaient déjà été on ne peut plus suffocantes, et qu’elles auraient très bien pu tourner à l’avantage des coéquipiers de T.J. Shorts.
C’est la raison pour laquelle je vois cette série atteindre un cinquième match décisif, avec chaque équipe qui prendra un match sur le parquet de son adversaire. Mais au final, l’avantage du terrain et l’expérience du Fenerbahçe vont s’avérer décisifs pour mettre fin au parcours historique du Paris Basketball en EuroLeague. Une élimination qui serait plus qu’encourageante pour le club de la capitale, qui avait pourtant le deuxième plus petit budget de la compétition…