Ernie Vandeweghe
Visuel par Camille

Ernie Vandeweghe, une vie hors du commun

Ernie Vandeweghe aura été basketteur aux Knicks, médecin dans l’Air Force, marié à une Miss America et père de quatre enfants, tous devenus sportifs de haut niveau. Découvrez la vie exceptionnelle du seul authentique « Doc / Dr » de la NBA.

Là où nous autres, hommes de peu, hommes de rien, quidams en tout genre, allons péniblement subir notre vie, dans un ennui et une médiocrité sans pareille, et dont le haut fait aura été d’inspirer de l’oxygène pour en sortir du CO₂ durant sept à huit décennies, il existe une race d’hommes d’élite à rendre jaloux jusqu’au notaire du village.

Ernie Vandeweghe était de ceux-là. La prononciation d’abord, contre-intuitive pour un non-Flamand : Vane-de-way. Joueur des New York Knicks pendant les années 50, médecin, patriarche d’une lignée de sportifs accomplis (deux garçons, deux filles), qu’il aura eus avec son épouse Colleen Kay Hutchins.

Cherchez la femme

Commençons par cette dernière. Miss America 1952, Colleen Kay Hutchins n’est autre que la sœur de Mel Hutchins, un des premiers joueurs vedettes des Pistons, auteur d’une belle carrière NBA : Rookie de l’année 1952 et quadruple All-Star, décédé en 2018. Le mannequin originaire de l’Utah, habituée à venir encourager son frère aux matchs, fera la rencontre de notre Ernie en 1953 lors d’une confrontation entre les deux hommes au Madison Square Garden.

Colleen Kay Hutchins, la femme d’Ernie, 25 ans, lors de son couronnement Miss America 1952 à Atlantic City. Crédit : The Associated Press

J’en avais parlé dans un article sur Bill Wennington : Ernie possède un parcours similaire à l’ancien pivot des Bulls : naissance à Montréal (en 1928), déménagement à New York, et plus précisément à Long Island, puis carrière en NBA. Trois similitudes pour deux profils bien différents. S’il hésite avec le soccer (que pratiquait son père, Ernie Sr.), son mètre quatre-vingt-dix l’aide fortement dans notre sport naissant. À New York, Ernie intègre l’université de Colgate où il sera le tout premier All-American de la fac (1947, 48 et 49), et dont le maillot floqué du n°11 est retiré. Il est drafté par la suite en 1949 par les Knicks dans ce qui n’était pas encore la NBA, mais la BAA.

Ernie en 1948 avec l’université de Colgate. Crédit : CEDU

Ernie Vandeweghe le basketteur

Son style de jeu ? Je n’y étais pas, et à priori vous non plus. Quelques documents vidéos existent. On ne va pas se mettre à inventer l’eau chaude avec ça non plus, mais tout de même.

J’ai pu consulter deux matchs des Knicks de l’année 1950 (deux confrontations face aux Fort Wayne Pistons), en qualité correcte, trouvables sur YouTube (il en existe quelques autres, dont certains ont été colorisés). On y voit un Ernie au four et au moulin, pas le dernier pour mettre deux-trois taquets bien sentis. Alors, restent des lignes statistiques, à mettre en perspective avec ses petits camarades de l’époque. Si l’on appliquait les préceptes de Saint Thomas à la NBA des années 50, celle-ci serait tombée aux oubliettes depuis belle lurette !

Ernie Vandeweghe
Ernie en 1950 avec le maillot des Knicks. Crédit : AP

Ernie Vandeweghe est un poste 2/3 de 191 cm, qui lors de sa meilleure saison (1951-52), tourne à 12 points et près de 6 rebonds en 29 minutes sur le parquet. C’est l’un des joueurs les plus adroits de son époque : toujours sur cette saison 51-52, avec 43,5 % de réussite aux tirs, il est le sixième joueur le plus adroit de la Ligue, le deuxième arrière de ce classement après Bill Sharman. Nous sommes dans les années 50, une décennie où aucun joueur n’atteindra les 50 % de réussite aux tirs, pas même les Big Men (Neil Johnston, Larry Foust, Ed Macauley, Mikan…). Cette particularité fera prochainement l’objet d’un article en ces lieux.

Vandy comme le surnomme ses coéquipiers, se décrivait comme une teigne : « J’étais très actif sur le terrain. Je gênais tout le monde. J’étais le genre de personne qui agaçait tout le monde. »

Et c’est en effet quelque chose qui ressort bien lorsque l’on regarde les quelques matchs disponibles d’Ernie et des Knicks des années 50 : l’activité. Et de manière générale, l’enthousiasme de ces prémices du basket-ball professionnel fait plaisir à voir. Activité, enthousiasme, collectif naturel, déchet, jeu physique, peu de dribbles, des tirs déclenchés un peu n’importe comment… Les pionniers de la grande Ligue donnent l’impression de n’être jamais rassasiés : on sent le plaisir de jouer au basket-ball, au sens propre, tels une bande de golden retrievers dans une piscine à balles.

Aux Knicks, en général, Ernie sort du banc, remplaçant son ancien coéquipier à Colgate, Carl Braun, mais aussi Dick McGuire, tous deux futurs Hall-of-Famer. Entraînés par Joe Lapchick, New York fera à trois reprises les finales NBA (51, 52 et 53), pour trois défaites. Ernie sera de cette épopée. De 1949 à 1956, il portera plus de 200 fois le maillot des Knicks pour les premiers pas de la franchise en NBA, après trois années en BAA. Mais comme beaucoup de joueurs de cette époque, Ernie Vandeweghe assurait ses arrières financières, avec de son côté un métier à blouse blanche sous le coude.

L’interne en médecine la journée, sur le parquet la soirée

Car à l’inverse des imposteurs « Dr. J » ou « Doc Rivers », autant docteurs que Guatémaltèques, ce brave Ernie aura mérité ce surnom plus qu’aucun autre (une pensée pour Darrell « Dr. Dunkenstein » Griffith qui avait le mérite de préciser la discipline exercée).

En parallèle de ses premières années aux Knicks, Ernie Vandeweghe termine ses études de médecine à Columbia, devenant ensuite interne en pédiatrie. Des journées complètes consacrées à son diplôme lui faisant rater beaucoup d’entraînements, mais aussi des déplacements pour les matchs sur la côte Ouest.

1952 Docteur Vandeweghe à 24 ans, interne à l’hôpital Bellevue de New York. Crédit : Bettman

Lors des matchs au Madison Square Garden, il n’était pas rare de le voir arriver en cours de rencontre et de le voir s’échauffer derrière le panneau lors du premier quart-temps ! Pour garder la forme, Vandy se rendait à ses cours en courant, même lorsque ceux-ci se trouvaient au 18e étage du presbytère de Columbia. New York adapta son contrat et décida de le payer au match pour sa dernière saison, à raison de 100 dollars par rencontre disputée.

Dans ses mémoires, Marty Glickman, commentateur des Knicks, se souvient de ces situations ubuesques :

« Il allait en cours, puis au labo, et prenait le dernier avion ou train possible pour se rendre là où les Knicks jouaient. Je l’ai vu entrer sur le terrain pour un match contre Indiana avec ses lacets encore défaits. Le coach Lapchick a demandé un temps mort. Ernie est arrivé en courant, a noué ses lacets et s’est mis à jouer. »

L’après-carrière au service de la médecine

Une fois sa retraite actée en 1956, suite à une blessure au genou, Ernie, 27 ans seulement, s’installe en Californie où il ouvre un cabinet de pédiatrie. Il fera ses années de service comme médecin pour la Air Force dans une base américaine en Allemagne (où naîtra son fils Kiki). En 1960, lors du déménagement des Lakers de Minneapolis à Los Angeles, il devient le médecin des purple & gold à la demande du propriétaire Bob Short. À noter que c’est Ernie Vandeweghe qui est à l’origine du recrutement du mythique commentateur Chick Hearn, la voix des Lakers pendant 42 ans.

Une descendance de sportifs de haut niveau

Avec son épouse Colleen, Ernie aura quatre enfants, deux filles et deux garçons. De la marmaille de champions, et ce n’est rien de le dire!

Kiki Vandeweghe sera sans doute celui qui parlera à la plupart d’entre vous : né en 1958, Kiki sera d’abord une star à l’université (U.C.L.A.) avant de devenir l’un des meilleurs scoreurs des années 80 en NBA, avec Denver puis Portland. Une belle carrière auréolée de deux sélections All-Star. Petit clin d’oeil de l’histoire, il portera comme son padre le maillot des Knicks, de 1989 à 92. Kiki restera dans l’univers de la NBA en devenant durant la décennie 2000 le general manager des Nuggets puis des Nets.

Ernie avec son fils Kiki, 1980. Crédit : AP

Son deuxième fils, Bruk Vandeweghe fera lui du beach-volley à haut niveau, décrochant une médaille de bronze aux Goodwill Games 1994 en Russie, une compétition omnisport organisée pendant près de vingt ans par le magnat de la télévision Ted Turner.

Du côté des filles, c’est tout aussi impressionnant : Tauna Vandeweghe fera les J.O de Montréal en 1976 avec l’équipe de natation (sa spécialité était le dos crawlé), et sa deuxième fille, Heather, fera elle du water-polo où elle briguera le brassard de Team USA!

Et si l’on creuse une génération plus loin (la nôtre!), on tombe sur Coco Vandeweghe, la fille de Tauna et donc la petite-fille d’Ernie, jeune retraitée sur circuit WTA en tennis, qui aura été top 10 mondial en 2018, et double demi-finaliste de Grand Chelem.

Ernie avec Kiki et Tauna. Crédit : Dan Cronin pour le NY Daily News (année indéterminée)

En 2014, Ernie s’éteint à son domicile, à l’âge de 86 ans, quatre ans après la disparition de sa femme Colleen. Une vie extraordinaire, un terme bien souvent galvaudé mais qui trouve ici tout son sens : Ernie Vandeweghe aura eu une existence hors du commun, laissant derrière lui une lignée qui a su marcher dans le sillon du patriarche à blouse blanche.

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