Frank Vogel se dirigeant vers le vestiaire des Phoenix Suns, après une défaite (Patrick Breen/The Republic)
Frank Vogel se dirigeant vers le vestiaire des Suns, après une défaite

Déroute chez les Phoenix Suns

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Embrace the hate, disais-je l’été dernier, longtemps avant cette déroute chez les Phoenix Suns. La franchise de l’Arizona construisait alors son effectif de Superteam. Kevin Durant et Bradey Beal avaient alors rejoint Devin Booker. Frank Vogel devenait leur coach et une armée de free agents était recrutée sur des critères bien sentis. Du moins, c’est ce qu’on se disait à l’époque, quand on essayait de mettre un poil d’optimisme sur les manœuvres extrêmement audacieuses, sinon risquées, du nouveau proprio Mat Ishbia.

Sauf que bon, il s’est passé une saison depuis. Les Phoenix Suns viennent d’être éliminés très sévèrement, et contre tous les pronostics, par une équipe des Timberwolves implacable. L’éternel retour du concret pour les Suns de Devin Booker. Le temps de la compétition tourne sa page avec une brutalité sans merci. Pourtant, est-ce que ce choc était prévisible ? Est-ce qu’il est même aussi dur à encaisser que la défaite monstrueuse face aux Dallas Mavericks de Luka Doncic en 2022 ?

Pour se faire une vraie idée sur cette saison et sa conclusion, il faut essayer de prendre un peu de recul. Un petit pas en arrière d’autant plus nécessaire que les prestations du trio, sur la série comme sur la saison, ont augmenté la rage et le seum des fans des Phoenix Suns. Tout brûler, trader Booker, couper Beal et ne pas manquer de l’insulter sur trois générations, proclamer la fin de carrière de Kevin Durant. On lit déjà tout ça partout. C’est lunaire, et aussi irréel que le plot d’un épisode de X-Files. Mais là encore, la vérité est ailleurs. En tout cas, la mienne.

Plan de non-jeu

Ce qui fusille les chances de Phoenix sur la série contre Minnesota, c’est précisément ce qui devait en faire la pire match-up pour les Wolves. Incroyable mais vrai : alors qu’on s’imaginait, collectivement, que la bande à Chris Finch allait galérer dans le jeu mid range des Phoenix Suns, les défenseurs blancs et bleus ont tout bonnement étouffé les attaques de Devin Booker, Bradley Beal et Kevin Durant.

Les cactus, supposés prendre l’ascendant sur leurs adversaires en les out-scorant, n’ont rien su faire. Et quand Anthony Edwards a commencé à rentrer ses pull-up jumpers mid ranges, sur lesquels il est pourtant le moins efficace à ce stade de sa carrière, l’avenir des Phoenix Suns en Playoffs s’est tout de suite assombri. C’était au troisième quart-temps du Match 1 de la série.

Alors on doit questionner le plan de jeu. Dans la NBA moderne, post-spacing si l’on peut dire, la faculté d’une équipe à trouver des zones de tirs rémunératrices est cruciale, face à des défenses toujours mieux optimisées. Pendant les deux premiers tiers de la saison régulière, Devin Booker et Kevin Durant ont pu capitaliser sur ce mid range encré fort dans leur ADN. Ils en obtenaient non seulement un joli pourcentage de réussite, mais aussi les fautes, faisant de leurs zones préférentielles des zones correctement rémunératrices. 1ers de la league aux lancers francs provoqués, les Suns jouissaient alors d’un mode d’arbitrage qui permettait à leurs deux leaders de jouer leur basket. Au sommet de son art, Devin Booker chope un Player of the Month en Janvier.

Sauf que ce basket là, il semblerait que ce ne soit pas celui qu’imaginait Kevin Young, architecte de leur attaque, et accessoirement assistant le mieux payé de la league. Le grand pote (?) de Devin Booker vient de signer en tant que headcoach chez BYU. Lors de sa conférence de presse de présentation, il déclarera avoir une vraie confiance dans les systèmes qui reposent sur du rim+3, à savoir de l’attaque de cercle (drive) et un volume élevé de shoots du parking. Pas vraiment ce qu’on a vu cette saison, sauf par séquences illuminées. Encore moins ce qu’on a vu en Playoffs contre les Wolves…

Problème de coach ?

On a donc une rupture éditoriale , tactique, à ciel ouvert, franchement lisible, entre les deux principaux attaquants de l’équipe et leur coaching staff. Leurs idées ne sont pas les mêmes. Leur basket n’est pas le même, encore moins leurs habitudes et leurs desseins. Cette rupture, Frank Vogel aurait peut-être pu s’en emparer plus tôt. il aurait peut-être dû taper du point sur la table.

Parce que lorsque la league change son arbitrage, post All Star Break, et concède d’avantage d’engagement physique aux défenses, alors le résultat de l’attaque des Suns n’est plus du tout le même. Les zones préférentielles de Book et KD sont moins rémunératrices, l’attaque se ramollit, et heureusement que la défense s’améliore pour équilibrer le bilan des derniers 20 matchs.

C’est sans doute pour cela que l’équipe arrive si perdue, si démunie, face à des Wolves déterminés, sûrs de leur fait et de leur jeu. Minnesota a tout pour elle, face à Phoenix : de la continuité, pas de blessure (ou presque, KAT), une confiance accumulée toute la saison à caracoler en tête de la Conférence Ouest. En face, les Suns ont multiplié les absences et les voyages à l’infirmerie, Bradley Beal en tête. La reconfiguration de l’effectif à la trade deadline n’a sans doute pas aidé à la continuité du plan de jeu, quand bien même Royce O’Neale soit arrivé comme un poisson dans l’eau.

Frank Vogel va prendre la porte de la franchise arizonienne dans quelques jours au plus tard. Avant même le match 4 de ce premier tour, la rumeur grandissait et était rendue publique. Dans la fanbase, cela faisait de moins en moins de doutes. Il faudra bien un fusible à faire sauter pour accuser le coup de la catastrophe. James Jones semble être encore en odeur de sainteté dans les bureau du Front Office. Après tout, il n’est peut-être pas le plus coupable de tous, étant donnée l’emprise que le propriétaire a sur les décisions exécutives et sportives de l’équipe.

Problème de vestiaire ?

Dans cette histoire, il y a aussi les joueurs. On l’a vu plus haut, mais ceux qui prennent les tirs hors du plan de jeu des coachs, c’est bien Kevin Durant et Devin Booker. Si le second est impénétrable et toujours absent des rumeurs, le premier n’en est pas à son premier coup d’essai, alors qu’on apprend aujourd’hui que l’atmosphère dans le vestiaire est délétère depuis quelques mois. Le #35 aurait confié à des insiders ne pas être heureux de son utilisation dans les systèmes dessinés par les coachs. Trop de Pick and Rolls à son goût, trop de positionnement dans le corner pour menacer à 3 points, pas assez de systèmes pour lui.

Curieux. Kevin Durant est le 5ème scoreur de la league cette saison, avec 27.1 points par match. Son adresse, même si elle a baissé depuis la saison passée, est toujours au dessus des 50%, ce qui est incroyable. KD a donc eu les responsabilités d’un scoreur principal dans une équipe ultra offensive. Que lui fallait il de plus ? L’énigme du siècle. D’autant que, nous l’avons vu plus haut, le jeu des Suns cette saison, c’est le mid range et les zones de Kevin Durant et Devin Booker.

Peut-être que ce dont auraient eu besoin les Phoenix Suns, c’est moins de Turnovers de la part de leur attaquant avide de responsabilités. Peut-être qu’en 2024, augmenter son volume de tirs au cercle, alors qu’on y a des pourcentages excellents, ça aurait aussi été une bonne idée pour éviter cette rupture entre le coaching staff et le jeu sur le terrain.

Mais non. Kevin Durant cette saison : 18% de tirs au cercle (4ème centile de la league), malgré ses 77% de réussite (90ème centile), 41% d’adresse à trois points pour seulement être dans le 57ème centile de FGA à cette distance. Inutile de donner les statistiques sur le mid range, c’est évidemment élite. Mais élite à mi-distance veut-il toujours dire efficient, moderne, pertinent, dans la NBA de 2024 ?

Kevin Durant balle en main pour les Phoenix Suns (Jerome Miron/USA TODAY Sports)
Kevin Durant balle en main pour les Suns (Jerome Miron/USA TODAY Sports)

C’est dommage, les Pick and Rolls malaimés de Kevin Durant étaient pourtant les sets les plus productifs de l’attaque des Suns face à la défense des Wolves. Dommage aussi, de constater que sur le match 4 de cette série, Anthony Edwards shoote 13 fois à 3 points, soit plus que Kevin Durant dans toute la série…

Problème de mood ?

Les dernières images des joueurs après cette élimination, et même, un peu avant cela, lors des dernières conférences de presse, ont de quoi enflammer une fanbase qui réclamait juste un petit sursaut d’orgueil. Bradley Beal a probablement fait le pire match de l’histoire moderne des Phoenix Suns à titre individuel. Devin Booker blâme les détails, qui auront fait défaut toute la saison aux Suns. Kevin Durant préfère ne rien dire, de peur qu’on lui dise qu’il cherche des excuses. Lunaire.

Depuis quelques mois, le leadership des Phoenix Suns est aux abonnés absents. Depuis quelques mois, l’avis de recherche est lancé, pas faute d’en avoir parlé très tôt après le All Star Game. On a eu droit à des déclarations incroyables : les pics de motivation de Booker, qui ne se cache pas de choisir ses matchs dans l’interview donnée à JJ Redick. Le désormais célèbre « Chillin » en conférence de presse après une lourde défaite. Et de manière générale, cette faculté chez les cadres à répondre laconiquement aux journalistes, comme si la saison était assurée, comme si aucun futur n’était menaçant à Phoenix, pour la franchise et le plaisir des fans.

Seul lumière dans ce tunnel, Bradley Beal. Type qui a accepté de passer de franchise player à troisième option. Joueur qui n’a rien dit lorsque Devin Booker a pris le rôle de meneur de jeu pourtant annoncé à Beal par Frank Vogel en tout début de saison. Seul leader à répondre sans langue de bois aux journalistes cette saison, et à en demander davantage à tout le monde, en commençant par lui.

La fanbase va être sévère avec Bradley Beal, et oui, ce trade sera regretté par un grand nombre de fans. peut-être même que cette colère est logique et qu’elle se justifie. Pour l’instant, je préfère garder de lui l’image du mec qui est allé chercher cette 6ème place de Conférence Ouest au hustle et aux efforts, pendant que le franchise player de l’équipe depuis 2015 était aux abonnés absents.

Conclusion de ces Phoenix Suns

Avec cette déroute chez les Phoenix Suns, on va entendre que cette superteam ne vaut rien. on va entendre que ces joueurs sont capricieux, et que la chute de cette franchise finaliste en 2021 est une source de joie. On va sans doute entendre aussi que l’avenir des Suns est au plus sombre, tant l’été qui se profile parait compliqué et que le capital draft ne prévoit pas une reconstruction possible sur la prochaine décennie.

On va lire et entendre des tas de choses. Et si nous, les fans, nous méritons comme pour toutes les autres franchises de trouver un sens affectif dans notre passion, gardons à l’esprit que c’est ça le sport de haut niveau : des millionnaires qui jouent avec leurs égos plus qu’avec leur ambition, des bureaux jusqu’au parquet. A Phoenix en tout cas, c’est la morale honteuse de cette saison.

Embrace the hate ? Embrace the shame.

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Damian Lillard indique l'heure

Je suivais tranquillement la NBA grâce à un pote, et puis j'ai vu Nash appeler un pick-and-roll avec Stoudemire, et depuis on est là. Le reste du temps, je vends à boire et à manger, je tweete, j'aime pas la Droite et je parle de ma chienne.

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