Kim Klement / USA Today

Comment évaluer le prime de Evan Fournier à Orlando ?

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Même s’il est dernièrement décrié, Evan Fournier est un joueur qui a marqué de son empreinte tricolore la NBA. Il est en effet le cinquième français à avoir joué le plus de matchs dans la grande ligue, et le deuxième avec la moyenne de points la plus élevée. Retour sur le prime ce compétiteur acharné à Orlando

Une montée en puissance progressive

Evan Fournier s’est très rapidement affirmé comme l’un des joyeux futurs joyaux français. Issu d’une famille de sportifs professionnels, l’enfant de Charenton se forme à l’INSEP avant de rejoindre Nanterre, puis Poitiers. C’est là-bas qu’il va se faire connaître, lui permettant de participer au Nike Hoop Summit. Il ne se montera malheureusement pas à son avantage avec seulement 6 points. Il réalise néanmoins une saison 2012 très prometteuse en Pro A en tournant à 14,0 points en 26 minutes. Le français est d’ailleurs élu joueur du mois de mars (16,4 points de moyenne) et devient le plus jeune joueur à dépasser la barre des 20 points sur un match.

Ces performances ne passent pas inaperçues puisque de nombreuses franchises se montrent intéressées par son profil. Mais c’est bien Denver qui va mettre la main sur Fournier en le draftant en 20e position. Il y connait là-bas une saison rookie discrète (5,3 points en 11 minutes) mais néanmoins séduisante, surtout à trois points (40,7 % de loin). Cela lui permet de rester dans la rotation en playoffs, où il inscrira notamment 11 points pour son premier match. Malheureusement pour le français, il verra la suite de la série depuis le banc face à des Warriors qui commencent à émerger.

C’est à partir de son année sophomore que Fournier devient un élément important de l’effectif des Nuggets. Évoluant la majorité du temps en sortie de banc, le français montre encore une fois de belles choses au scoring (8,4 points en 20 minutes). Il est néanmoins tradé avec Devyn Marble à Orlando contre Arron Afflalo, ce dernier venant de réaliser sa meilleure saison en carrière avec 18,2 points.

En Floride, le français est propulsé titulaire et il confirme les jolis espoirs entrevus en tournant à 14,6 points sur les deux premiers mois de compétitions. Mais avec le retour de Victor Oladipo et les mauvais résultats, son entraineur décide de modifier les rotations et fait alors sortir du banc le français. L’arrivée de James Borrego au coaching en cours de saison ne change rien non plus. Sa blessure à la hanche vient également ternir sa première année pourtant prometteuse du côté d’Orlando. Le français déclare que « c’était frustrant de rester sur le banc ». Il ajoute que « j’avais prouvé ce que je pouvais faire avec du temps de jeu et des responsabilités ».

Pour sa deuxième titularisation en carrière, Evan Fournier inscrit 24 points à 8 sur 12 dans une victoire 109 à 118 contre les Blazers de Lillard (Garrett Ellwood/Getty Images)

L’affirmation en tant que titulaire

À partir de la saison 2015-2016, le français devient titulaire indiscutable. Il confirme les espoirs en tournant à 15,4 points, avec un joli 40,0 % de loin. Il dépasse même pour la première fois de sa carrière la barre des 30 points contre son ancienne équipe en mars. Néanmoins Orlando ne décolle pas et finit à une décevante 11e place. C’est pourtant à cette période que Fournier se lie d’amitié avec Nikola Vucevic, qui est également francophone. On voit alors naître une bromance sur et en dehors des terrains puisque les deux joueurs ne se lâchent pas d’une semelle. Le monténégrin expliquait en 2017 que « nous (lui et Fournier) avons beaucoup de points en communs. On observe les choses de la même, et je pense que c’est pour ça que notre relation est très forte ».

Suite à cette belle saison personnelle, Fournier est prolongé pour 85 millions sur cinq ans à l’été 2016. Malgré l’arrivée de Frank Vogel au coaching, Orlando continue de stagner dans les bas-fonds de la ligue. La team floridienne ne remporte que 54 matchs les deux années suivantes, concluent respectivement à la 13e et 14e place de la conférence Est. Pourtant le français aligne de jolies statistiques sur la même période avec 17,4 points, 3,1 rebonds et 2,9 passes.

Il faut attendre l’arrivée de Steve Clifford à l’été 2018 pour que l’équipe passe enfin un cap. En s’appuyant sur une très bonne défense collective et un Vucevic All-Star, le Magic retrouve les playoffs. Mais jamais Orlando ne parvient à aller plus loin qu’un premier tour, se faisant sortir en 2019 par Toronto et en 2020 par Milwaukee. C’est au cours de cette dernière saison que Fournier réalise sa meilleure saison en carrière en tournant à 18,5 points. Ce qui lui vaut d’ailleurs quelques murmures pour une participation au All-Star Game.

Voyant que l’équipe stagne, les dirigeants choisissent néanmoins de faire exploser ce roster en tradant Aaron Gordon à Denver, Nikola Vucevic à Chicago et Evan Fournier à Boston le même jour.

Evan Fournier (à gauche) et Nikola Vucevic (à droite) ensemble à quelques heures du NBA Global Game à Londres en 2016 (Gregory Shamus / Getty Images)

Un scoreur né

Depuis le début de sa carrière, Evan Fournier est présenté comme un joueur capable de scorer d’un peu partout, mais surtout à trois points. Dans son scouting en amont de la draft, NBADraft.net le comparé à Marco Belinelli en raison de sa faculté à être efficace de loin. Le français a en effet tout le temps été attiré par le tir longue distance, comme le prouve le fait que son three-point attempt rate ait toujours été au-dessus de la moyenne de la ligue.

Si on se focalise sur ces meilleures années à Orlando, c’est-à-dire entre 2015 et 2021, on peut voir que Fournier tournait à 37,9 % de loin sur 5,7 tentatives par match. Le français utilisait pas mal les écrans de ses coéquipiers pour se démarquer. On ressent d’ailleurs ici l’influence du jeu européen dans ses déplacements. On remarque que sur les situations off-screen il n’y a eu qu’une seule année où il a été en dessous de la moyenne de la ligue en termes d’efficacité. Il tournait même à un très bon 1,08 point par possessions (77e centile) lors de sa meilleure saison en 2020. Il était cette année-là le 8e joueur le plus efficace sur ces actions parmi ceux ayant un gros volume, devant des shooteurs tels que Duncan Robinson ou Joe Harris.

On comprend donc que le français était un très bon joueur de catch-and-shoot. Ces tirs représentaient d’ailleurs la majorité de ses tentatives longues distances. Mais il a réussi à développer vers la fin de son aventure au Magic un bon pull-up à trois points, comme en 2020 où il tournait à 36,8 % sur ces play. Il était par exemple 12e sur 40 parmi ceux en tentant au moins 2,5 par match. Cela le plaçait devant des joueurs reconnus tels que Devin Booker ou Zach Lavine. C’était d’ailleurs une excellente arme pour contrer le drop adversaire.

Résumer Evan Fournier à un simple shooteur serait néanmoins bien trop réducteur. Même si le français ne possède pas un premier pas très rapide, il n’en reste pas moins un attaquant très intelligent. Il absorbe très bien le contact pour finir au cercle. Il a toujours été au-dessus de la moyenne à son poste en termes d’efficacité mise à part en 2017. On se souvient notamment des systèmes de Clifford en fin de rencontre où Evan récupérait le ballon après un écran, pour ensuite jouer son défenseur en un contre un. Car oui Fournier est un joueur clutch. Le français vit pour ses moments, lui qui a crucifié de nombreuses équipes telles que Cleveland, Toronto ou Detroit.

Est-ce que Fournier était plus qu’un scoreur ?

Depuis tout à l’heure on ne parle que de la capacité à marquer des points de Fournier, sans discuter des autres aspects du jeu. Comme de nombreux scoreurs, le français n’est pas vraiment un super playmaker. Il peut bien évidemment trouver ses partenaires sur des situations de drive-and-kick, mais il parait difficilement viable de le voir organiser une attaque. Le tricolore n’a par exemple jamais réalisé une saison à plus de 4 assists de moyenne.

Il est en effet un joueur attirer par le panier. L’obliger à créer pour les autres le mène à être moins agressif avec le ballon. Fournier reste néanmoins un passeur plutôt intéressant quand il reçoit la balle en mouvement. Il peut alors trouver son intérieur, comme c’étais le cas avec Vucevic. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a toujours eue de bons chiffres à la passe en termes d’assist percentage ou d’assist-to-usage ratio.

Même si son handle était assez bon, Fournier n’a jamais eu cette capacité à slasher les défenses avec son dribble. C’est ce qui l’empêchait notamment de mettre la pression sur des attaques un peu plus statiques. C’est donc pour cela que le français a toujours été au mieux un second ball-handler par séquence. On peut regretter le fait qu’il n’a jamais évolué à côté d’un meneur de haut niveau. Cela lui aurait permis d’être moins responsabilisé à la création, mais davantage à la finition.

D.J. Augustin — 10,1 points et 4,1 passes de moyenne à Orlando — est malheureusement le meilleur meneur qu’a eu Evan Fournier en Floride (Fernando Medina / Getty Images)

Fournier n’est pas un mauvais défenseur

Pour de nombreuses personnes, Evan Fournier est au mieux un défenseur au niveau de la moyenne. Beaucoup lui reprochent par exemple ses difficultés à résister à des arrières vifs ou des ailiers physiques. Il est vrai que le français n’a jamais été un monstre athlétique, même s’il a développé son haut du corps au fil de sa carrière. Il reste néanmoins un joueur intéressant dans un système défensif établi.

Evan a en effet monté de jolis progrès avec Steve Clifford, en particulier dans sa compréhension du jeu. Il s’est notamment amélioré dans la gestion des écrans et dans ses rotations défensives. Il est un joueur qui prend assez peu de risque en défense. Le tricolore cherche en effet avant tout à gêner les tentatives adverses.

On peut voir qu’entre 2015 et 2021, la présence du français entraînait une hausse du défensive rating de seulement 1,96 point pour 100 possessions, contre +4,46 pour l’offensive rating. Ainsi, sans être un monstre défensif, Fournier n’était pas une liability pour sa team. Steve Clifford vantait d’ailleurs ces progrès en 2019 en expliquant qu’il « s’est imposé comme un très bon two-way player ».

Les playoffs, je t’aime moi non plus

L’une des critiques qui revient le plus souvent à l’égard du français concerne ces échecs répétés en playoffs. En effet, il n’a jamais réalisé une grande série avec Orlando. Il tourne en moyenne à 12,6 points à 34,9 % dont 29,0 % de loin en 10 matchs de postseason avec la team floridienne. Mais est-ce qu’on peut vraiment lui en vouloir ? Oui et non.

Il faut rappeler qu’à cette période Orlando est l’une des pires équipes de la ligue en attaque. Il y a alors un manque de talent offensif évident qui oblige Clifford à surresponsabiliser ces meilleurs joueurs. Mais que ce soit Toronto en 2019 (5edefensive rating) ou Milwaukee en 2020 (1er), le Magic doit faire face à une défense élite. Nikola Vucevic incarne parfaitement cela en étant incapable de peser autant qu’en régulière contre Toronto (11,2 points et 8,0 rebonds).

Contre les Raptors Evan Fournier ne voit pas le jour. Il est complètement étouffé par cette défense très agressive qui l’oblige à lâcher le ballon ou à tenter des shoots compliqués. On peut néanmoins lui reprocher sa maladresse de loin contre les Bucks. Ces derniers, privilégiant la protection du cercle, l’ont laissé prendre beaucoup de tirs extérieurs. Or il n’a tourné qu’à 34,3 % de loin sur la série, dont 30,0 % sur les pull-up à trois points.

Jamais face aux futurs champions Evan Fournier n’arrivera à se défaire de la défense proposée par Nick Nurse avec seulement 12,4 points à 34,8 % dont 23,5 % de loin (David Sherman / Getty Images)

Conclusion

À travers cette analyse, on remarque que Evan Fournier est un excellent scoreur. Un joueur qui a prouvé avec l’équipe de France qu’il pouvait porter une équipe sur son dos pour aller loin. Néanmoins le français n’a pas les qualités suffisantes pour être All-Star. Il n’est pas en mesure de répéter sur la durée les performances telles que peut le faire Khris Middleton.

Fournier est cependant un élément qui s’inscrit très bien dans un collectif. Il fait ce qui lui est demandé, quitte à parfois jouer contre nature en adoptant un rôle différent, comme aux Knicks par exemple. D’ailleurs, il n’était pas aussi mauvais défensivement que ce que beaucoup d’observateurs pouvaient penser au cours de son aventure floridienne

On peut toutefois regretter le fait qu’il n’ait jamais joué — pour le moment — au sein d’une équipe compétitive. Avec les joueurs qu’il avait, Steve Clifford a été obligé de le surresponsabiliser. J’aurais personnellement adoré le voir évoluer en sortie de banc chez un contender. Ses qualités au scoring auraient été idéales pour apporter de l’énergie.

Reste néanmoins que Fournier a effectué une superbe carrière avec Orlando. Peu importe où son avenir s’écrira, je serais éternellement fière de ce joueur. Il a montré qu’avec beaucoup de travail, de détermination et de confiance en soi il était possible de toucher ses rêves du bout des doigts.

Si ce n’est pas beau d’avoir réalisé cela dans la ville de Disney World.

Lukas Folkowski

Fan des Bulls et du Paris Basket, je suis surtout passionné par l'histoire du basket et l'analyse du jeu.

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