On a dit de Boban Marjanovic qu’il était trop grand, trop lent pour le basket moderne. On a dit que ses 2m24 faisaient de lui un géant certes spectaculaire, mais difficile à intégrer dans le jeu rapide de la NBA d’aujourd’hui. On a dit aussi que ce colosse serbe n’était qu’une attraction, un gentil géant qu’on fait entrer en fin de match pour amuser la galerie. En somme, tout et son contraire a été dit sur ce joueur hors normes. Mais rien de tout cela ne saisit vraiment l’essence de Boban Marjanovic, cet être à part qui a conquis la NBA bien au-delà des statistiques et des clichés.

Tout simplement géant

 Pourtant, il suffit de le voir entrer en jeu pour comprendre. Il y a des soirs où l’on entend une ovation inattendue dans une salle NBA : c’est Boban Marjanovic qui se lève du banc, enlève son survêtement et s’avance vers la table de marque. D’un coup, le public se redresse et un sourire se dessine sur tous les visages. Car l’apparition de Boban Marjanovic sur le parquet est un petit événement en soi, une promesse de bonheur simple : celle de voir un géant au cœur d’enfant jouer au basket avec une joie communicative.

Sur le terrain, Boban ressemble à un personnage de conte : un géant bienveillant au milieu de joueurs pourtant immenses eux aussi. À côté de lui, même les joueurs de deux mètres paraissent lilliputiens. Mais jamais il n’en impose par arrogance ; au contraire, il se penche vers les autres, sourit timidement, presque étonné d’être là. Quand il marque un panier du haut de ses 2m24, c’est sans forfanterie : souvent, il esquisse un sourire modeste, comme s’il s’excusait d’avoir rendu les choses trop faciles. Et chaque accolade qu’il offre à un adversaire ou à un coéquipier a la douceur d’un ami qui vous réconforte.

Boban Marjanovic
Boban Marjanovic Credit : Jerome Miron-USA TODAY Sports

Le périple NBA

 Et pourtant, rien n’était gagné d’avance pour lui. Combien de sceptiques ont pensé qu’un géant au pas lourd comme lui ne s’adapterait pas au rythme effréné de la NBA moderne ? Boban Marjanovic a déjoué ces pronostics, non pas par des paroles, mais par un acharnement discret et un amour du jeu indéfectible. Il n’a jamais eu le rôle principal sur la grande scène de la NBA, mais il en a été l’une des étoiles les plus scintillantes à sa manière. Utilisé avec parcimonie par ses entraîneurs, il aurait pu se décourager ou réclamer davantage de temps de jeu.

Au lieu de cela, il a embrassé chaque minute sur le parquet comme un cadeau précieux. En quelques instants, il pouvait changer le cours d’un match : une claquette offensive, un tir en crochet tout en douceur, un dunk sans même décoller du sol. Le public exultait à chacune de ces actions, conscient d’assister à quelque chose de rare. Et lui, toujours humble, retournait s’asseoir après son effort, le souffle court mais le visage rayonnant, heureux d’avoir pu donner, ne serait-ce qu’un instant, un coup de pouce à son équipe.

Son périple NBA a la saveur d’une épopée modeste : de San Antonio à Detroit, puis Los Angeles et Philadelphie, à chaque escale Boban a semé des souvenirs heureux. À San Antonio, en 2015, Gregg Popovich a été le premier à croire en lui. Très vite, les supporters des Spurs ont adopté ce géant venu de Serbie, charmés par sa manière de dominer sous le panier tout en restant d’une humilité exemplaire. À Detroit, Boban a continué à émerveiller : on se souvient d’une soirée où, dans un match sans grand enjeu, il a accumulé les points avec une facilité déconcertante, au point que la foule, incrédule, s’est mise à scander son nom comme celui d’un héros inattendu.

À Los Angeles, sous le maillot des Clippers, il est devenu le complice de Tobias Harris – leur amitié sincère et leurs pitreries ont égayé le vestiaire autant que les réseaux sociaux. Et lorsque tous deux ont été échangés à Philadelphie, la magie les a suivis : les fans des 76ers ont à leur tour succombé au charme du duo « Bobi et Tobi », savourant autant leurs actions sur le terrain que leur joie de vivre en dehors.

Chaque fois, le scénario se répétait : une nouvelle ville, un nouveau maillot, et Boban conquérait les cœurs comme par enchantement. À Dallas, aux côtés de la jeune star Luka Doncic, il était le vétéran facétieux, le grand frère dont la simple présence savait détendre l’atmosphère. Qui ne se souvient pas de Luka éclatant de rire après une blague de Boban sur le banc, ou de la manière dont ces deux Européens complices illuminaient l’équipe des Mavericks ? Et lorsque Luka Doncic tente de s’énerver après un coup de Marcus Morris, c’est bien sur Boban qui arrive pour calmer le jeu.

Même dans une franchise en difficulté comme Houston, Boban est resté ce porte-bonheur discret : les Rockets l’ont accueilli comme un vétéran précieux, capable de guider les plus jeunes par son exemple de bienveillance et de professionnalisme. Ville après ville, Boban n’avait pas besoin de longtemps pour se faire aimer : il suffisait d’un sourire, d’un mot gentil échangé avec un fan, d’un moment de camaraderie capté par une caméra, et l’on comprenait que ce géant apportait bien plus que des centimètres à son équipe.

 L’aura du géant

Car au-delà du jeu, c’est l’homme que tout le monde adore. Boban a cette manière d’aller vers les autres, d’effacer les barrières. On l’a vu taquiner un arbitre d’un clin d’œil malicieux, faire rire aux éclats un enfant haut comme trois pommes venu lui demander un autographe, ou soulever un coéquipier plus petit que lui dans une étreinte joyeuse après une victoire.

Son humour est simple, bon enfant, jamais méchant ; il lui est arrivé de chanter faux juste pour faire rire ses camarades, ou de danser avec une maladresse assumée pour célébrer un succès. Toujours avec cette étincelle dans le regard, comme un rappel qu’au fond, il n’a rien perdu de l’émerveillement du gamin qui tapait ses premiers dribbles. Cette authenticité transparaît dans chaque interaction. Pas de façade, pas de calcul : Boban a le cœur sur la main, et chacun de ses sourires le prouve.

Dans une ligue où les rivalités font rage et où l’ego règne souvent en maître, Boban fait figure d’exception. Il n’y a qu’à voir l’affection que lui portent ses pairs : avant chaque match, il échange des accolades chaleureuses avec des adversaires qui, une fois le ballon en jeu, n’oublient jamais de le traiter avec un respect teinté de camaraderie. Personne ne cherche querelle à Boban – comment le pourrait-on, face à un géant aussi doux ?

Son aura dépasse les couleurs de son maillot : même les supporters adverses n’arrivent pas à le huer sincèrement. Au contraire, dans chaque arène, les fans adverses sourient eux aussi en le voyant entrer en jeu, et beaucoup finissent par l’applaudir spontanément lorsqu’il réussit un beau geste. En vérité, Boban est chez lui sur tous les parquets de la ligue, tant l’amour du public pour lui est universel.

Merci Boban !