La WNBA a évolué, et avec elle, la définition de la star. Autrefois centrée sur l’impact collectif et la constance, elle intègre aujourd’hui une nouvelle dimension, celle de la visibilité et du spectacle. À mesure que le jeu s’accélère et que l’attention médiatique se transforme, les joueuses doivent désormais exister autant sur le terrain qu’en dehors.

Une ligue, plusieurs visages

Quand la WNBA a vu le jour en 1997, elle ne lançait pas qu’un championnat. Elle tentait de définir ce que serait une star du basket féminin professionnel. Pas une simple réplique de la NBA, mais une figure autonome. Une joueuse capable de porter une franchise, de dominer le jeu, mais aussi de représenter quelque chose de plus large dans l’espace public. Tamika Catchings a longtemps incarné ce modèle.

« Je voulais être la joueuse dont l’équipe avait besoin, pas celle qui attirait la caméra« , disait-elle à ESPN. Catchings, c’était la constance, la défense, et l’engagement intégral. Elle reste aujourd’hui la seule joueuse WNBA avec plus de 7 000 points, 3 000 rebonds, 1 500 passes et 1 000 interceptions. Pas de chiffres tape-à-l’œil, mais une trace indélébile sur le jeu.

Tamika Catchings est l’archétype parfait des premières stars en WNBA. Crédit : WNBA

Dans les années 2000 et 2010, des joueuses comme Candace Parker, Maya Moore ou Tina Charles ont prolongé ce profil dominant : à la fois polyvalent, rigoureux et centré sur l’impact concret dans le jeu. Parker, MVP dès sa première saison, tournait à 16 points, 6,6 rebonds et 4 passes de moyenne. Moore, quadruple championne, savait élever son niveau dans les moments clés. Mais toutes partageaient une même logique : celle du jeu avant tout, de l’impact collectif comme objectif principal.

L’ère du tir extérieur et de l’impact immédiat

Aujourd’hui, la star qu’est Caitlin Clark débarque dans un décor qui a muté. Le basket féminin s’est étiré. Le rythme a augmenté. Le tir longue distance est devenu une arme centrale. Clark en est le produit, et le révélateur parfait.

Lors sa dernière saison universitaire en 2023-2024, à Iowa, elle tournait à 31,6 points, 7,4 rebonds et 8,9 passes par match, avec 13 tentatives à trois points par match pour 38 % de réussite. Son tir ultra-rapide et longue distance force les défenses à s’étirer. Elle modifie les couvertures et imprime déjà son empreinte sur la ligue, dès sa saison rookie.

Caitlin Clark ne se contente pas de réécrire les livres des records , elle redéfinit ce que signifie être une star de la WNBA. » – Bob Kravitz, journaliste chez Sportscasting

Mais Clark n’est pas seule. Depuis sa draft en 2020, Sabrina Ionescu le visage de la star nouvelle génération. D’abord très attendue pour son QI basket et son leadership en sortie de NCAA, elle a connu des débuts freinés par une blessure. Puis elle est montée en puissance, jusqu’à atteindre 17,0 points, 5,6 rebonds et 5,4 passes en 2023, tout en devenant l’une des meilleures shooteuses longue distance de la ligue. Elle dispose également d’une excellente capacité à évoluer sur et hors du ballon. Mais malgré tout, elle reste parfois perçue comme en retrait dans le leadership d’une franchise qui compte aussi Breanna Stewart et Jonquel Jones.

Caitlin Clark et Sabrina Ionescu, l’exemple du profil des stars WNBA modernes. Crédit : North Jersey

Autre profil marquant : Arike Ogunbowale. Draftée par Dallas en 2019, elle s’impose rapidement comme une scoreuse naturelle. Sur les cinq dernières saisons, elle tourne à plus de 20 points de moyenne, et se classe dans le top 3 des scoreuses sur cette période. Ogunbowale, c’est l’instinct pur : prise de décision rapide, recherche permanente du tir, capacité à faire basculer un match sur une seule séquence. Elle perd plus de ballons que la moyenne, mais compense par une agressivité continue et une détermination offensive rare. Ce n’est pas une meneuse au sens classique, mais une joueuse capable d’assumer le poids offensif d’un effectif jeune, dans une équipe en reconstruction.

On pourrait aussi citer Jewell Loyd. MVP du All-Star Game 2023, elle a terminé meilleure scoreuse de la saison régulière avec 24,7 points de moyenne. Loyd est une arrière fluide, explosive, capable d’enchaîner les séquences offensives tout en maintenant une intensité défensive notable. Elle a longtemps été dans l’ombre de Sue Bird et Breanna Stewart à Seattle, mais incarne aujourd’hui une autre manière d’être une star : patiente, fiable, toujours prête à assumer quand le contexte change.

Le profil de la star s’est redéfini autour de ces qualités : volume, création, capacité à générer du spectacle. Moins de polyvalence défensive parfois, mais plus de responsabilités dans le jeu, et plus de place laissée à l’individualité.

La nouvelle vague de talents de la WNBA est non seulement étonnante sur le terrain, mais elle remodèle également l’image de la ligue en dehors.” – Megan Griffith, journaliste pour The Athletic.

Hors terrain : entre exposition et tension pour les stars WNBA

La mutation dépasse les parquets. Elle se voit dans l’environnement médiatique et commercial. Clark, encore en NCAA, avait plus d’1,5 million d’abonnés Instagram, avant même son premier match pro. C’est là que les lignes bougent. Le visage de la ligue se dessine maintenant sur les réseaux. Et cette visibilité nouvelle génère une pression inhabituelle. Clark l’a dit sur ESPN : « J’ai plus de caméras sur moi qu’en quatre ans à l’université. » Son image est partout. Les critiques aussi.

Et certaines joueuses alertent sur ce sujet. A’ja Wilson, par exemple, interroge la cohérence du récit médiatique. Elle domine sur le terrain (28,3 pts, 12,5 rebonds, 3,3 contres), mais reste en retrait dans les narrations grand public. « C’est notre sport. Mais on parle souvent de tout sauf du jeu », glissait-elle récemment à ESPN.

Je suis ici pour montrer à quoi ressemble le vrai talent, pas seulement pour être un joli visage. Notre jeu mérite d’être l’histoire principale .” – A’ja Wilson sur ESPN

La star WNBA d’aujourd’hui doit donc naviguer entre deux sphères : celle de la performance et celle de la perception. Et ces deux dimensions ne coïncident pas toujours. Clark est un point d’inflexion. Elle symbolise la convergence de plusieurs forces : une explosion statistique, une couverture médiatique inédite, une capacité à capter des publics nouveaux. En 2024, les Indiana Fever ont eu 36 matchs diffusés à l’échelle nationale. A titre de comparaison, les Aces, championnes en titre, en ont eu 22. Clark est une star avant l’impact sportif. Une tête d’affiche avant d’être une leader confirmée. Cela crée un précédent, et redistribue les cartes pour toutes les autres joueuses.

De plus en plus, les stars WNBA doivent savoir gérer leur image en dehors des parquets. Crédit : Lloyd Bishop/NBC

Angel Reese, par exemple, incarne une autre figure de ce nouveau cycle. Plus physique, plus clivante, plus militante aussi. Elle est arrivée en WNBA avec un immense capital médiatique (près de 3M de followers cumulés), et des double-double dès ses premières sorties. Kamilla Cardoso, Paige Bueckers : toutes viennent avec un storytelling déjà en place.

Ce qui émerge, c’est un prototype hybride : joueuse, influenceuse, ambassadrice. Il faut savoir faire, mais aussi savoir dire. Savoir marquer, mais aussi savoir parler. Et cela exige une maîtrise des codes, des images, des plateformes.

Et celles qu’on voit moins ?

Mais toutes ne rentrent pas dans cette nouvelle équation. Des joueuses comme Alyssa Thomas ou Jonquel Jones sont dominantes sans être centrales dans la narration. Thomas a enchaîné les triple-doubles en 2023. Elle était dans la course au MVP. Pourtant, son nom circule peu. Elle joue physique, elle distribue, elle absorbe. Mais elle ne « vend » pas de la même manière.

Ce décalage soulève des questions. La médiatisation doit-elle précéder la reconnaissance sportive ? La ligue doit-elle pousser certaines figures plus que d’autres ? Et surtout : la performance seule suffit-elle encore ?

La réponse semble être non. La star WNBA aujourd’hui est une addition de qualités sportives, de visibilité, de récit. C’est un équilibre mouvant, qui laisse parfois certaines dans l’ombre. L’évolution est réelle, mais elle n’efface pas ce qui existait. Tamika Catchings, Sheryl Swoopes, Maya Moore sont des modèles de stars WNBA qui restent valides. Mais ils ne sont plus exclusifs. Ils cohabitent avec d’autres profils et d’autres langages.

L’avenir est incroyablement prometteur pour ces jeunes athlètes, car elles redéfinissent ce à quoi ressemble le succès dans ce paysage en évolution.” – Becky Hammon, coach des Las Vegas Aces, sur ESPN.

La ligue elle-même change de stratégie. Plus de matchs en primetime, plus de présence sur les réseaux… Le terrain reste le cœur, mais il ne suffit plus. Et cette nouvelle dynamique redéfinit ce qu’on attend d’une star. Finalement, entre Catchings et Clark, il y a moins une opposition qu’une continuité élargie. La star d’aujourd’hui n’est pas forcément plus forte, mais elle est plus multiple. Et c’est cette complexité qui façonne l’avenir de la WNBA.

Être une star WNBA ne repose plus uniquement sur la domination sportive. La reconnaissance passe aussi par l’image, l’exposition et le récit construit autour des joueuses. Ce nouvel équilibre redéfinit les contours du succès et transforme durablement le paysage de la ligue.