À Paris, le basket fauteuil veut changer les regards

Les fauteuils qui roulent, parfois se percutent, et les ballons qui rebondissent de tous les côtés. À l’Adidas Arena, porte de la Chapelle, ce mercredi après-midi, une dizaine de joueurs du Paris Basket Fauteuil s’affrontent dans un entraînement en 5 contre 5.     

Un entraînement de basket fauteuil physique pour les joueurs

L’intensité est forte, les bras sont sollicités sans relâche et les visages marqués par la concentration. Quelques chutes surviennent, mais chaque joueur se relève aussitôt dans une salle parfaitement aménagée pour les personnes en situation de handicap (aucun étage à monter, bâches de protection tendues devant chaque vitre et des toilettes à proximité).

En bord de terrain, Ranim observe l’opposition avec le sourire. À 16 ans, elle assume pleinement les efforts que lui impose la discipline.

“Le basket fauteuil est très physique et très fatigant, puisque notre seule manière de nous déplacer sont les bras. On se fatigue vite, raconte l’adolescente, atteinte d’une méningocèle, une malformation de naissance.

Elle insiste aussi sur les règles particulières de ce sport :

Chaque joueur est noté de 1 à 5 selon son handicap. Sur un terrain, il faut un total de 14,5 points par équipe. Sans ça, les valides prendraient toute la place et ça nous aurait sortis d’un sport qui est supposé être fait pour nous.

Ranim, joueuse de basket fauteuil s’amusant au bord du terrain. Crédit : Yoni Bisror
Ranim, joueuse de basket fauteuil s’amusant au bord du terrain. Crédit : Yoni Bisror

À ses côtés, Mehdi, 11 ans, suit le jeu avec attention. Ses yeux accompagnent chaque passe et chaque tir.

J’adore le basket, je suis tétraplégique de naissance et ça me permet de m’amuser, mais aussi ça m’aide par rapport aux regards des autres”, confia-t-il tout timidement.

Sur le parquet, les règles ressemblent à celles du basket classique, mais les contraintes sont plus strictes. Pas question de foncer dans un adversaire, de faire des poussées arrières ou de sortir du terrain.

Deux poussées seulement sont autorisées avant de dribbler, sinon c’est une faute. Les arbitres surveillent aussi attentivement la règle des trois secondes dans la raquette. Tout exige une parfaite coordination entre le fauteuil et le ballon.

Les fauteuils, adaptés à chaque handicap et morphologie, sont de véritables machines. Leur prix peut grimper jusqu’à 10 000 euros.

Exemple d’un fauteuil adapté. Crédit : Bisror Yoni

Pour Nael, entraîneur, ce sport ne doit pas inspirer la compassion mais l’admiration.

“Il faut arrêter d’avoir de la pitié pour ces joueurs, ils vivent très bien leur handicap. Ce qu’ils veulent, c’est être vus comme des athlètes.” avant d’ajouter à la fin d’un air triste : “En France aujourd’hui, le handisport est très mal informé, je pensais que ça allait changer après les JO mais pas du tout.”

Naël, entraineur de l’équipe loisir entre 2 entrainements. Crédit : Yoni Bisror
Naël, entraîneur de l’équipe loisir entre 2 entraînements. Crédit : Yoni Bisror

Un peu plus loin, Fadi observe, corrige et encourage uniquement en anglais. Sa forte voix porte dans toute la salle avec un parcours qui explique l’autorité qu’il dégage. Ancien joueur et entraîneur en Palestine, il a perdu l’usage de ses jambes le 4 octobre 2001, touché par un tir de sniper israélien. 

“Cela fait maintenant vingt-quatre ans”, raconte-t-il sans détour, toujours en anglais.

Fadi s’exprimant sur le conflit dans son pays. Crédit : Yoni Bisror
Fadi s’exprimant sur le conflit dans son pays. Crédit : Yoni Bisror

Arrivé en France en août 2023, il poursuit ici sa grande passion qu’est le basket.

Pour lui, ce sport est à la fois un outil de reconstruction et un moyen de représenter bien plus que soi.

“On peut jouer pour soi-même, mais aussi pour son pays et ce qu’il représente. Quand on est athlète, on devient ambassadeur de son pays. Ce n’est pas une question d’intérêts personnels, notre rôle est de porter une voix, de montrer au monde qui nous sommes”, affirme-t-il.

Ce double rôle, Fadi le connaît parfaitement.

“Avant de demander à un joueur de faire quelque chose, il faut se mettre à sa place. On connaît ses sentiments, sa psychologie, tous les aspects du basket. On doit évoluer dans les deux rôles simultanément, athlète et coach.” 

Ses mots trouvent un écho particulier dans cette salle où chaque geste est un effort et chaque action fait preuve de volonté.

Lorsque l’entraînement se finit, les fauteuils ralentissent, les respirations se calment, et les sourires reviennent. Le Paris Basket Fauteuil, l’un des deux clubs de la capitale avec le CAP SAA situé en face de la tour Eiffel, continue son chemin, entre exigence sportive et lutte contre les préjugés sur ce parquet qui ne demande pas de pitié mais seulement du respect.