Entre l’essor d’Unrivaled et l’apparition spectaculaire de Project B, le basketball féminin entre dans une nouvelle ère. Deux ligues, deux philosophies, mais un même constat, les joueuses ne veulent plus dépendre du faible salaire WNBA ni des allers-retours éreintants à l’étranger.
L’émergence de nouvelles ligues alternatives s’explique d’abord par un déséquilibre structurel auquel fait face le basketball féminin. Une saison WNBA se déroule entre mai et octobre et la rémunération ne suffit pas à assurer la majorité des joueuses pendant l’off-season. Longtemps, la solution a été de partir en Europe ou en Asie pour compléter leurs revenus, un rythme devenu infernal, avec le manque de véritable intersaison, et seulement quelques jours de repos entre deux compétitions.
Unrivaled comme Project B exploitent précisément cette faille. Les deux ligues offrent un moyen de gagner davantage, rester visibles et, pour certaines, rester chez elles (rester aux US). Là où la WNBA propose des salaires qui oscillent entre 66 079 et 249 244 dollars pour la saison 2025, Unrivaled vise un salaire moyen de 222 000 dollars, tandis que Project B va encore plus loin, promettant des salaires à sept chiffres.
Unrivaled : rester aux États-Unis en réinventant le jeu

Fondée par Napheesa Collier et Breanna Stewart, toutes deux joueuses majeures de WNBA. Elles sont parties d’un raisonnement simple, pouvoir permettre aux joueuses de rester aux États-Unis pendant la off-season. Ce projet a été un succès pour sa première saison, avec 35 millions de dollars reçus en investissement de la part de donateurs connus du monde de la balle orange, comme Stephen Curry, Giannis Antetokounmpo ou Carmelo Anthony. Au-delà de ça, c’est plus de 27 millions de recettes enregistrées. Un début très encourageant.
Son format est son arme principale, ici pas de 5 contre 5 seulement du 3 contre 3 sur terrain complet compressé (21x15m au lieu de 28x15m), un jeu plus rapide. Trois quarts-temps de sept minutes, puis un dernier où un score cible détermine le vainqueur, à la manière de l’Elam Ending. Un format pensé pour l’intensité, le suspense et l’engagement sur les réseaux sociaux.
Unrivaled souhaite aussi un modèle économique différent des ligues traditionnelles. Les joueuses détiennent une part du capital de la ligue, un mécanisme d’incitation inédit dans le sport professionnel. La ligue se repose essentiellement sur la diffusion via TNT, truTV et Max, avec une salle volontairement petite (850 places).
Project B : la ligue qui veut concurrencer la WNBA

Project B mise sur une vision beaucoup plus ambitieuse : créer une ligue internationale, presque pensée comme une start-up plus qu’une ligue sportive. Fondée par des figures du numérique, Grady Bernett (ex-Google/YouTube, Facebook/Instagram) et Jeff Apprentice (cofondateur de Skype) la ligue veut d’abord bâtir une plateforme de streaming mondiale, indépendante d’ESPN ou de Fox.
Selon les informations rapportées par Rachel DeMita, Project B veut rendre les matchs accessibles partout, sans friction, en adaptant les fuseaux horaires et en produisant massivement du contenu social façon Drive to Survive en Formule 1. Une volonté de baser son modèle en donnant la priorité à la distribution, pour amener de l’audience et des fans, puis plus tard trouver une rentabilité économique plus saine.
Côté financement, la ligue s’appuie majoritairement sur des investisseurs du secteur technologique. Tout en s’appuyant sur le soutien des stars du tennis Novak Djokovic et Sloane Stephens, des anciennes joueuses de WNBA Candace Parker, Alana Beard et Lauren Jackson, ainsi que de l’ex-quarterback NFL Steve Young. Les rumeurs sur de possibles financements saoudiens ont été démenties, Project B a engagé Cella, une société événementielle liée au fonds souverain saoudien, pour produire ses événements. Un lien opérationnel, pas financier.
Avec des salaires à sept chiffres, un calendrier calqué sur l’intersaison WNBA (de novembre à avril) et la signature de stars comme la Présidente du syndicat des joueuses WNBA, Nneka Ogwumike mais aussi d’autres joueuses américaines phare de la grande ligue, Alyssa Thomas et Jonquel Jones du New York Liberty, et la meneuse des Las Vegas Aces, Jewell Lloyd. Project B a aussi annoncé ses premières acquisitions internationales avec Kamilla Cardoso du Brésil, Janelle Salaün de France et Li Meng de Chine. Project B fait peser une pression immense sur toutes les autres ligues.
L’Europe menacée
Pendant deux décennies, l’Europe a été la véritable terre d’accueil du basket féminin professionnel. Avant même que la WNBA n’acquière sa visibilité actuelle, les clubs européens offraient ce que les Etats Unis ne pouvaient garantir : des salaires élévés, des saisons complètes, des infrastructures solides et une exposition régulière grâce à l’EuroLeague et l’EuroCup.
Pour beaucoup de joueuses, venir en Europe n’était pas un exil, mais la meilleure manière de faire carrière. Les stars WNBA y trouvaient un rythme, une stabilité et une rémunération que la ligue américaine, structuré au format court, ne pouvait égaler. Certaines des plus grandes joueuses, Brittney Griner, Diana Taurasi y ont passé plusieurs saisons, souvent mieux payées qu’en WNBA.
Mais l’arrivée en 2025 de Unrivaled et Project B d’ici fin 2026, viennent mettre un coup au basket européen. D’un côté, Unrivaled propose aux joueuses américaines l’inimaginable jusqu’ici, rester au pays et gagner correctement leur vie. De l’autre, Project B ambitionne de créer une ligue globale, portée par des investisseurs capables d’offrir des salaires que mêmes les meilleures structures européennes ne peuvent plus suivre.
Une chose reste sûre, l’apparition simultanée d’Unrivaled et Project B révèle quelque chose d’historique : le basket féminin est devenu un produit attractif, dans lequel les acteurs médiatiques et technologiques croient vraiment.





