Pour sa 18eme saison en NBA, le Slim Reaper a cette fois posé ses valises à Houston, sa troisième franchise différente en l’espace de 3 ans. Bien qu’il soit l’un des des meilleurs joueurs de tous les temps, l’histoire de Kevin Durant est difficilement rattachable à un maillot en particulier.
Oklahoma City Thunder : de héros à zéro
Quand Durant fut sélectionné en deuxième position lors de la Draft 2007, beaucoup d’attentes reposaient sur les épaules de ce jeune homme d’à peine 19 ans. KD n’était alors que cet ailier frêle, au visage encore enfantin et au physique qui ne faisait pas du tout l’unanimité au sein des observateurs. A cette époque on retrouve des traces de timidité chez l’ancien de Texas, rarement très bavard hors terrain, préférant rester discret et laisser son jeu parler à sa place. Du haut de ces 2 mètres 10, compliqué pour Kevin Durant de passer inaperçu, peu de joueurs peuvent se targuer d’être des figures révolutionnaires pour l’histoire du jeu : KD peut le faire.
Il est impossible de raconter l’histoire récente de la NBA sans raconter l’histoire de cet ailier longiligne, aux mouvements trop fluides pour son corps et au tir trop pur pour sa taille. Sans KD, pas de Giannis, pas de Victor Wembanyama.
10 ans après que Durant ait joué son dernier match sous les couleurs d’OKC, on imagine difficilement un moment où celui-ci était unanimement apprécié par les fans de NBA. Pourtant, avec son compère Russell Westbrook, Kevin Durant a incarné pendant près d’une décennie la superstar « homegrown », ayant fait du Thunder un contender régulier en l’espace de quelques saisons.
En 2012, 3 saisons seulement après le déménagement de la franchise et à tout juste 23 ans, KD et les siens s’invitent en Finales NBA. Porté par leur trident Durant – Westbrook – Harden, le Thunder traverse la Conférence Ouest avec une fougue et une insouciance qui a marqué les suiveurs de NBA à jamais. Malheureusement pour OKC, ces Finales se soldent par une défaite et signent également la fin du trio au cœur de ce run, avec le départ de James Harden à l’été 2012.
Deux ans plus tard Kevin Durant remporte son premier et pour l’instant seul titre de MVP ainsi que son 4eme titre de meilleur scoreur en l’espace de 5 saisons. Le Slim Reaper est alors sans conteste le meilleur joueur de l’histoire de la franchise, l’un des meilleurs de sa génération, il ne lui reste plus qu’à aller chercher le titre ultime pour le Thunder, en 2016, il passera tout proche.
Aux prises avec la plus grande équipe de l’histoire de la saison régulière : les Golden State Warriors de 2016, OKC prend les commandes et se retrouve à une victoire d’un exploit monumental. Malheureusement pour le Thunder, l’Histoire en aura décidé autrement. Les Warriors iront en Finales pour eux-mêmes perdre après avoir pris un avantage similaire. Un échec de plus pour OKC, un échec de plus pour Durant. L’ailier de 27 ans ne veut plus échouer, il veut gagner et pour s’assurer de cela il va prendre en juillet 2016 une décision qui changera à jamais son histoire avec le Thunder.
La fin est sûrement aussi douloureuse que les 8 saisons précédentes étaient belles, encore aujourd’hui la relation entre Durant et la franchise d’Oklahoma City est compliquée. Chacun des deux partis a pu faire son deuil, chacun des deux partis a remporté un titre tant espéré, pourtant une rancune mutuelle persiste. Même si les images de Kevin Durant les plus appréciées par le fan de NBA moyen sont sans aucun doute celles de lui endossant le numéro 35 bleu, blanc et orange, le divorce est trop amer pour passer outre.

Golden State Warriors : domination sans émotions
En quittant OKC, Kevin Durant aurait pu suivre la même route que son homonyme Kevin Garnett. Un joueur qui lui aussi aura tout donné pour une jeune franchise, aura remporté un MVP avant de décider de s’en aller pour trouver un cadre plus propice au succès collectif. Mais KD n’a pas exactement fait ça, il a rejoint le meilleur cadre pour remporter un titre : celui de l’équipe qui venait de battre son Thunder.
En rejoignant les Warriors à l’été 2016, Kevin Durant a lâchement fait le choix le plus logique pour sa carrière : intégrer les rangs de l’équipe la plus dominatrice de l’histoire de la saison régulière. Près de dix ans après, tout a été dit et écrit sur cette décision, KD a non seulement trahi les fans du Thunder en les quittant, mais il a aussi trahi une partie des spectateurs de NBA en renforçant une équipe qui était déjà monstrueuse.
Les Warriors étaient terrifiants, avec Durant, ils deviennent imbattables, et c’est précisément là que réside le problème avec le passage de KD en Californie. En 2017 et 2018, la majorité de la NBA se battait pour savoir qui serait deuxième, tant la machine Golden State était inévitable, cela a amené beaucoup de fans à détester cette équipe dont la domination devenait ennuyeuse. De plus, Durant est devenu instantanément le méchant de la planète basket, le lâche qui avait abandonné les siens pour aller prendre des titres « faciles » avec les Warriors. C’est ici que Durant est devenu le snake.
Toute cette mauvaise publicité autour des parquets, le Slim Reaper ne s’en soucie guère, il se concentre sur le terrain. Ennuyeux ou pas, appréciables ou pas, chacun se fera son opinion, mais personne ne remettra en cause la domination imposée par ces Warriors avec KD entre 2017 et 2019. Cette équipe est largement considérée comme l’une des meilleures de tous les temps, si ce n’est la meilleure. Durant s’intègre sans le moindre problème dans ce collectif bien huilé tout en restant individuellement l’un des scoreurs les plus efficaces de toute la planète.
En trois saisons dans la Baie de San Francisco, KD remporte 182 matchs de saison régulière, 2 bagues de champion NBA et 2 titres de MVP des Finales consécutifs en 2017 et 2018. Les Warriors sont proches de la passe de trois en 2019, mais les blessures successives de Klay Thompson et Kevin Durant finissent par sceller leur destin lors des Finales face à Toronto. Durant au sol, entouré de fans des Raptors, c’est la dernière image du Slim Reaper sous les couleurs de Golden State. La tension avait commencé à monter entre l’ailier et Draymond Green plus tôt dans la saison.
Le DPOY 2017 avait fait remarquer à KD que les Warriors avaient déjà eu du succès sans lui en 2015 et qu’ils n’avaient pas besoin de lui pour gagner des titres. Il avait gagné bien sûr, mais il lui manquait une histoire, un récit où il serait au centre et où son talent serait véritablement immortalisé. Trop fort, mais trop évident, le Kevin Durant des Warriors était un joueur immense sur le parquet mais la dynastie aura commencé avant lui et continué après lui.
Durant n’était pas imperméable aux critiques, il était conscient que, peu importe son niveau sur le terrain, il ne serait jamais au cœur de l’histoire de cette équipe de Golden State.

Brooklyn Nets : si près du rêve
En rejoignant Brooklyn à l’été 2019, Kevin Durant veut maintenant écrire son histoire dans une franchise où presque tout reste à faire. Pour finir la décennie 2010, les pensionnaires du Barclays Center se sont alloués les services non seulement de KD mais aussi de Kyrie Irving. Ce duo en faisait rêver plus d’un sur le papier, malheureusement la blessure de Durant lors des dernières finales a forcé les fans à attendre 2020/2021 pour le voir en action.
Puis en janvier 2021, une déflagration : James Harden allait rejoindre Brooklyn et ainsi former un big three au côté de Irving et Durant. La menace pouvait venir de partout et même si les plus sceptiques ont soulevé quelques problèmes de fit potentiel, l’accumulation de talent paraissait trop grande pour échouer.
Malheureusement pour Durant et les Nets, le problème n’était pas le manque d’alchimie sur le parquet, mais le manque de temps ensemble sur le terrain. Quand le trio Durant – Irving – Harden se retrouvait sur le terrain, il était bien à la hauteur des attentes. En 16 matchs à peine avec les trois alignés, Brooklyn affiche un bilan de 13 victoires pour à peine 3 défaites.
Malgré les blessures des uns et des autres, les Nets atteignent sans trembler les Playoffs en 2021 et cette fois avec leur big three disponible. Finalement, les seuls en mesure d’arrêter les Nets, ce sont les Nets eux-mêmes, les blessures successives de Kyrie et Harden ont laissé KD seul pour une bonne partie du deuxième tour face à Milwaukee.
Seul joueur du trident à 100%, le Slim Reaper va évoluer à un niveau absolument stratosphérique. Durant s’est mué en locomotive pour tracter cette équipe des Nets bien amoindrie par les blessures de Kyrie et Harden. Son game 5 est un chef d’œuvre : 49 points, 17 rebonds et 10 passes décisives pour prendre l’avantage dans la série, assurément l’un des meilleurs matchs de sa carrière.
Au bout de tout cela, un game 7 devant le public du Barclays Center. Durant est encore au-dessus de la mêlée, et encore une fois il va créer l’exploit, du moins pour un instant. Les Bucks mènent de deux petits points à 6 secondes du terme, la balle est sur le point d’être remise en jeu pour Brooklyn, Durant attrape la balle derrière la ligne à trois points, il se contorsionne pour échapper à son défenseur et décoche un tir impossible pour prendre l’avantage.
Le tir est pur, la salle explose, les écrans affichent un 3 mais on peut le lire sur le visage de KD : ce match n’est pas fini. Alors que tout le monde pensait que Durant avait inscrit un tir à trois points, le ralenti nous montre que le bout du pied de ce dernier était sur la ligne.
Depuis ce tir, une bascule semble s’être opérée pas seulement pour Kevin Durant, mais autour de la ligue. Ce simple orteil aura eu des conséquences bien plus grandes que lui. Les Nets finirent par perdre ce match, les Bucks finiront par gagner le titre. L’ère KD à Brooklyn connaîtra une autre sortie prématurée en Playoffs en 2022, et finira par se conclure lors de la trade deadline 2023 avec le départ de Durant pour Phoenix. Pendant quelques secondes après ce panier face aux Bucks, l’histoire de KD aux Nets était enfin lancée mais tout se sera joué à un pied.

Phoenix Suns : perdu dans le désert
De tous les arrêts dans la carrière de Kevin Durant, Phoenix est sûrement le moins marquant jusqu’à maintenant. KD débarque dans l’Arizona à la mi-saison 2023 après avoir entamé cette dernière du côté de Brooklyn. Durant rejoint Devin Booker et Chris Paul chez les Suns. Sur toute la durée de l’expérience Durant à Phoenix, celui-ci n’a jamais vraiment réussi à incarner la franchise comme on pourrait l’attendre d’un joueur de ce niveau.
Le vrai visage de Phoenix était déjà là et son nom est Devin Booker, sur cet aspect le passage de KD avec les Suns est similaire à ses années à Golden State. Malheureusement pour lui et pour les fans de Phoenix, le succès sera bien moins au rendez-vous que chez les Warriors. Sur le terrain, Durant reste un des meilleurs scoreurs de toute la NBA, avec Booker ils forment l’un des duos les plus prolifiques de la ligue. Pour la première demi-saison de Kevin Durant aux Suns, ces derniers atteignent les Playoffs et passent même un tour grâce à une victoire en 5 matchs face aux Clippers.
C’est lors des demi-finales de Conférence que les Suns vont chuter. Face aux futurs champions de Denver, Durant et les siens s’inclinent en 6 matchs. La victoire de Phoenix lors du game 4 de cette série reste à ce jour, la dernière victoire de la franchise sur un match de Playoffs.
En effet, la suite des événements va s’enchaîner de manière catastrophique pour la franchise de l’Arizona. Après leur élimination, Monty Williams sera remercié et remplacé par Frank Vogel. Des trades seront montés pour ramener Bradley Beal en échange de Chris Paul et Jusuf Nurkic en échange de Deandre Ayton. Ces décisions ont été faites dans l’optique de construire une équipe en mesure de remporter un titre tout de suite.
Avec Beal, Booker et Durant, les Suns voulaient s’appuyer sur une armada offensive pour dominer. Cependant, la réalité fut toute autre pour Phoenix : au terme de la saison 2023/2024, les Suns manquaient toujours de certitudes mais avaient au moins gagné près de 50 matchs. En playoffs, Anthony Edwards et les Timberwolves ne firent qu’une bouchée d’eux, les Suns finissent leur saison sur un sweep.
2024/2025 a amené un nouveau coach : Mike Budenholzer. Sous la houlette du coach Champion NBA en 2021, les Suns entament leur saison sur d’excellents rails : 8 victoires en 9 matchs. Durant joue à un excellent niveau et sa présence est essentielle au succès de cette équipe, lorsque celui-ci se blesse en début de saison, Phoenix commence immédiatement à perdre des matchs. Après avoir été humiliés au premier tour des dernières Playoffs, les Suns manquent la post-season entièrement en 2025 et finissent avec un bilan de 36 victoires pour 46 défaites, leur pire en plus de 5 saisons.
La suite était évidente, Mike Budenholzer est viré et Kevin Durant quitte lui aussi Phoenix pendant l’été pour prendre la direction de Houston. L’ère KD à Phoenix n’a ni la domination individuelle vue à OKC, ni la domination collective imposée avec Golden State, ni même le goût d’inachevé laissé par son passage à Brooklyn. Kevin Durant aux Suns ne nous raconte qu’une histoire : celle d’un projet qui n’est jamais parvenu à décoller et qui s’est retrouvé enterré par une série d’erreurs de toutes parts.

Kevin Durant est un immense joueur de basketball, le genre de talent qui marque son époque et qui, même du haut de ses 37 ans, continue d’écrire l’histoire de son sport. Peu importe la couleur du maillot, les tirs marqués ou les trophées remportés, KD est déjà et sera sans aucun doute l’une des figures les plus mémorables de sa génération.
Durant est en quelque sorte un basketteur ultime, pas forcément rattaché à une franchise ou à une ville particulière, mais intimement lié au jeu. KD aime le basket et clame son amour pour celui-ci comme peu de joueurs avant lui, en un sens, il place le jeu au-dessus de l’équipe, au-dessus de lui-même.
La meilleure façon de se rappeler de Kevin Durant est sans aucun doute la plus simple : Kevin Durant est un joueur de basketball, il le sera pour toujours et c’est là la plus importante des legacies.






