Dirk Nowitzki, superstar des Dallas Mavericks en 2011

2011 : L’Odyssée des Dallas Mavericks

La saison 2010-2011 des Dallas Mavericks restera gravée dans l’histoire de la franchise, bien entendu, mais aussi dans l’histoire du basket moderne. D’équipe maudite, sans titre, traînant la défaite amère de 2006, elle a réussi à se métamorphoser en une bande de vétérans assoiffés, que rien n’arrête. La route menant à la victoire est longue, c’est un fait, les Mavs ont pu le constater durant cinq ans de rédemption, de construction et d’assemblage.

Cet article a été écrit par Jordan Polet.

“Il n’y a qu’une réponse à la défaite, et c’est la victoire”. Cette citation de Winston Churchill illustre à merveille l’état d’esprit dans lequel se trouve la bande de Dirk Nowitzki au 28 octobre 2010, date du premier match d’une saison historique.

2025 : Il y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Tout d’abord, remettons un peu de contexte, pour mieux comprendre, pour mieux lire et mieux ressentir le travail effectué lors des années 2000 par le front office de la première ville du Texas. Impossible d’évoquer les Mavericks sans parler du séisme de 2025 : le 2 février, Luka Doncic est transféré pour des clopinettes contre Anthony Davis.

C’est le début d’une nouvelle ère pour les finalistes des playoffs NBA 2024. L’enfant de la ville est abandonné aux Los Angeles Lakers. Car, ce transfert intervient au moment où les Mavericks remontent la pente, celle laissée par Dirk Nowitzki et consorts, après plus de 10 ans d’espoir et de désillusions entre 2011 et 2024. Car le palmarès de l’équipe dirigée à l’époque par Mark Cuban n’a pas bougé d’un cil ; un seul trophée Larry O’Brien glané en 2011, seulement trois finales depuis sa création en 1980 : en 2006, en 2011 et en 2024.

Chute (2006) et résurrection (2011)

Contexte actuel dépeint, nous pouvons à présent nous lancer dans ce qui forgea le mythe de la saison 2010-2011 des Mavs. Ce qu’il faut bien comprendre et intégrer, c’est que le 13 juin 2006, lors du match 3 des finales NBA face au Heat de Miami, Dallas chute. Et ils ne l’avaient pas vu venir. Partis favoris, très favoris, lors de ces finales face au duo Wade – O’Neal, les Mavericks mènent 2-0 dans la série et de 13 points à la moitié de la fin du 4e.

Dallas doit gagner, Dallas doit affirmer son autorité, Dallas doit sweeper le Heat, Dallas doit être champion… Sauf que Dallas va choker, va chuter, de très haut, bien aidé, il est vrai, par Dwyane Wade et ses 42 points. La suite, on la connaît : Miami est sacré champion, pour la première fois de son histoire, au nez et à la barbe d’un prétendant … lui même au premier titre de son histoire.

La désillusion est totale. Dirk Nowitzki, le géant allemand s’effondre sur le parquet, les yeux vides. Les Mavericks viennent de tout perdre. Non seulement les finales, mais leur âme, le fruit de tout le travail des joueurs, mais aussi du coaching staff puisqu’Avery Johnson est coach de l’année cette saison là. D’une saison presque pleine, on passe très vite à une saison où l’on perd tout. Pendant cinq ans, cette image hantera Dallas. Cinq ans de doute, de reconstruction, de nuit blanche à se demander : “et si on était pas fait pour ca ?” Avec le recul, la défaite fut cruelle mais nécessaire.

Mais en 2011, l’état d’esprit a changé, l’effectif a évolué, et il a mûri. Rick Carlisle est arrivé aux affaires, trois Français mettent le nez à la fenêtre et font partie de l’aventure au début de la saison (Ian Mahinmi, Rodrigue Beaubois et Alexis Ajinca), le 5 majeur parfois critiqué pour son expérience – quasiment tous les starters ont plus de 30 ans – a plutôt fière allure et Jason Kidd, à 37 ans, peut se permettre de rêver. Mais de quoi ? Les Mavericks peuvent-ils le faire ? Sont-ils taillés pour un titre NBA ?

La marche vers le destin : une machine bien huilée

Éléments de réponse en saison régulière, qui fut une longue marche. Les Mavericks terminent l’exercice avec 57 victoires pour 25 défaites, ce qui en fait la troisième meilleure équipe à l’Ouest. Pas de quoi parader, cette année-là, les Spurs sont inarrêtables, les champions en titre Los Angeles Lakers ronronnent gentiment, et de l’autre côté, les Bulls marchent sur l’eau, et Miami, l’ennemi juré, est devenu une arme de destruction massive : Lebron et Chris Bosh viennent de rejoindre le navire à bord duquel le capitaine Wade compte bien ajouter un titre à son palmarès.

Mais Dallas maîtrise son sujet grâce à une équipe expérimentée, une défense très solide grâce à l’inévitable Tyson Chandler, un mur infranchissable, clairement le cœur de la défense du Texas. Un Dirk Nowitzki égal à lui même, discret mais diablement efficace, qui n’en fait pas trop (23 points de moyenne), comme à son habitude. C’est d’ailleurs cette année-là, en avril, que l’allemand franchit la barre symbolique des 28 000 points en carrière lors d’un match face à OKC.

Mature, expérimenté, lauréat d’un MVP de l’année en 2007, le grand Dirk consolide sa légende. À ce moment, ils ne sont que 8 à figurer dans ce classement : Kareem Abdul Jabbar, Karl Malone, Kobe Bryant, Micheal Jordan, Wilt Chamberlain et Shaquille O’Neal. Il finira sa carrière à plus de 30 000 points, 6e de ce classement, dans lequel on ajoutera évidemment Lebron James et Kevin Durant aujourd’hui.

La machine est donc bien huilée, l’année semble être la bonne, mais les obstacles en playoffs s’annoncent de taille et il faudra un supplément d’âme à chaque match pour se lancer dans la guerre de tranchée qui attend Rick Carlisle et les siens.

Les choses sérieuses commencent en playoffs

Et c’est ici que prend vie le récit, que la machine se lance, que les Mavericks sont pris au sérieux et que la légende s’écrit. Je vais donc me permettre de rappeler le parcours des Mavs sur le 1er tour, les demi-finales et la finale de conférence.

À cette période, on est sur une conférence Ouest dense : les Spurs et les Lakers déroulent et sont logiquement grands favoris pour la finale. Les Mavericks en contender, aux côtés du Thunder, qui réunit une équipe jeune et assez peu expérimentée, mais qui peut créer la surprise. Enfin, les Grizzlies et les Blazzers font office de poil à gratter, jamais faciles à jouer, avec des styles différents mais physiques et un effectif complet.

Les Grizzlies justement, qui font tomber les Spurs à la surprise générale (ce qui restera une des plus grandes désillusions de l’ère Popovich) au 1er tour, et laissent un boulevard au Thunder pour ralier les finales de Conférence. Les Blazzers eux, se montrent combatifs face à nos Mavs, une série âpre, physique, à l’image de ce que peut donner un 6e de conférence Ouest.

Ce Portland là, ce sont les grandes années de Lamarcus Aldridge, de Gerald Walace, ou encore de notre Batman national, Nicolas Batum. Une équipe équilibrée, mais qui ne fera pas le poids face aux Mavericks. Mieux, un échauffement à la hauteur de l’événement, un premier test passé avec expérience par Dallas, 4-2, pour s’attaquer au colosse : les Los Angeles Lakers de Kobe Bryant.

Après un premier tour poussif face aux Hornets de Chris Paul, les Lakers ont à cœur de se reprendre. Cette année, l’objectif de la bande de Kobe est costaud : reproduire le Three Peat des années 2000, cher à Phil Jackson, après une finale perdue en 2008 et deux sacres coups sur coups en 2009 et 2010 !

C’était sans compter sur Dirk Nowitzki, qui éteindra les espoirs des Angelinos, auteur d’une série parfaite, à plus de 25 points de moyenne et quasi 10 rebonds, des pourcentages bien au dessus des standards, et un sweep 4-0 pour envoyer un message à toute la NBA : nous sommes de retour ! Phil Jackson, lui, ne sera plus jamais de la partie : cette série mettra un terme à la carrière du coach le plus titré de l’histoire : tout un symbole, et première passe d’armes.

Dernier step avant les Finales NBA, la finale de conférence : l’expérience de Dallas face à la fougue du jeune Thunder. Le retour de Dirk aux affaires, et un premier match qui a guidé les siens vers un succès déjà pressenti, sûrement l’une des plus grandes performances du All Star allemand. Tout le monde y sera passé dans l’Oklahoma : Serge Ibaka, Nick Collison, Kendrick Perkins, Kevin Durant, Thabo Sefolosha, et même James Harden (et oui, à l’époque il lui arrivait de défendre!) auront mordu la poussière toute la soirée en défense.

Le Thunder a tout essayé et fait des fautes. Beaucoup de fautes. Tellement que ce soir-là, Nowitzki réalise une nouvelle prouesse, un nouveau record dans un match de playoffs : 24 lancers francs consécutifs, dont 13 dans le troisième quart temps. Ajoutez à celà un joli 12/15 au shoot, et nous arrivons gentiment à un total de 48 points. Les efforts et les 40 points de Kevin Durant seront vains. Game 1.

Même si le Thunder revient lors du Game 2, et donne un peu de suspense, le duel au sommet n’aura pas lieu… Game 4 ? Rebelote ! Les 40 points du géant allemand finiront d’assommer tout l’état d’Oklahoma et Jason Terry se chargera de boucler la série : 4-1. Les Finales NBA sont là. Et la revanche de 2006 pointe le bout de son nez.

La revanche contre le Heat

Vous le sentez venir, le Texas tout entier le sentait venir, et ce sera donc un remake des finales 2006 qui aura lieu. Cette année-là, en saison régulière, les deux équipes ne s’affrontent qu’en début de saison (en novembre et en décembre) et un léger avantage est donné à Dallas, qui a remporté les deux confrontations. Mais ça, c’est sur le papier.

À l’époque, Miami bénéficie d’une aura sans précédent, ultra médiatisée depuis la mise en scène de “The Choice”, et Lebron James de rejoindre le Heat. De plus, les Heatles bénéficient de l’avantage du terrain, ayant un meilleur bilan que leur adversaire. C’est donc parti ! On peut maintenant se lancer dans ce qui sera un choc des générations : l’expérience de Dallas face au Big Three, Lebron James, Dwyane Wade et Chris Bosh, favoris pour leur première année réunis sous le même maillot.

Les débuts sont timides, voire difficiles pour nos Mavs, qui perdent le premier match à l’extérieur. Perdus, bousculés, dominés, mais pas abattus, la bande de Carlisle n’y est pas mais sait qu’une série de playoffs est longue et que des ajustements, notamment défensifs, peuvent permettre à la franchise de rebondir. Il suffira ensuite de laisser le grand Dirk se régaler en attaque. Seulement, sur les trois premiers matchs, les Mavericks sont plutôt dans la réaction, tout comme leur coach.

Carlisle, justement, l’homme de l’ombre, glorieux stratège, qui saura adapter une défense surprise et une zone “3-2” peu académique mais diablement efficace lors du Game 2 et sur quasiment tout le reste de la série, mais avec parcimonie, car on abuse pas des bonnes choses. C’est aussi grâce à une fin de dernier quart temps héroïque de la part de l’inévitable Nowitzki que Dallas recolle, on ne sait comment, à 1-1 et récupère l’avantage du terrain. Ils sont en vie, oui, mais pour combien de temps ?

C’est là que le coach texan entre en scène. Tout d’abord par des choix forts, en donnant plus de minutes à Brian Cardinal lors du match 3, plus mobile en défense que Stojakovic et donnant plus de fil à retordre à la défense floridienne. C’est ici que les ajustements devaient s’opérer, sur l’animation offensive. La franchise texane ne pouvait pas se reposer que sur les exploits de Nowitzki, irréprochable jusque-là, mais encore trop seul… Résultat : 2-1 dans la série, avantage du terrain perdu.

C’est alors que J.J Barea entre dans le 5, Jason Kidd décalé au poste 2 : de la création, de la mobilité, de la rapidité, et du changement ! L’animation offensive de Dallas prend de la hauteur. Implication de Tyson Chandler (plus seulement dans un rôle de défenseur de luxe), dans des pick & roll, le DPOY de cette même année rendra folle la défense de Miami. Ici, il faut saluer la stratégie du coaching staff texan car il faut énormément de cran et de courage pour modifier ses plans de jeu, en pleine Finale NBA, sur des ajustements qui se sont révélés constructifs et avantageux.

Enfin, impossible de passer outre la performance de Dirk Nowitzki. Il est au centre de la stratégie de Dallas depuis le début de sa carrière et c’est à 32 ans qu’il en prend la pleine mesure. Le chemin n’aura pas été facile, et même avec une fièvre au Game 4, il plantera 21 points et 11 rebonds, ce qui lui vaudra des moqueries (complètement puériles) de LeBron et D-Wade, imitant la toux du géant allemand en conférence de presse.

Il finira MVP des finales, une distinction amplement méritée, qui parachève une carrière déjà tant remplie. Et lorsqu’il soulève enfin le trophée Larry O’Brien, ce n’est pas seulement un trophée, un titre qu’il a dans ses mains, mais cinq ans de doutes, de larmes. Autour de lui, ses coéquipiers hurlent, pleurent, s’étreignent. A lui d’ajouter : “Cinq ans après notre échec en finale, revenir ici et gagner… c’est la plus belle chose qui soit arrivée dans ma carrière”.

Et si vous doutiez de la confiance de cette équipe, allez en parler au “Jet” Jason Terry, qui s’était fait tatouer le trophée Larry O’Brien sur le bras avant même le début de la saison… Excès d’orgueil ? On ne saura jamais. Terry avait promis la gloire, et lorsque le buzzer du Game 6 retentit, son tatouage n’était plus une provocation mais une prophétie.

Aussi, que dire de Jason Kidd ? A 37 ans, il est allé chercher son premier titre dans la ville de Dallas, plantant un panier décisif au Game 4 de la finale, à 40 secondes de la fin du match, parachevant une autre carrière Hall of Fame.

La legacy de ce titre

Au-delà d’une histoire comme il a pu y en avoir tant dans le sport en général, l’héritage de ce titre se matérialise par plusieurs prismes. Je me souviens avoir vécu ce succès en me disant que c’était le sport qui sortait gagnant de cette consécration. Bien sûr que sur le papier, les Heatles doivent remporter leur premier titre dès leur première saison, c’était le début des Super Teams, de l’association de Big Three… Et Dallas est venu se mettre sur leur chemin. C’est un héritage à 3 couches auquel nous assistons le 12 juin 2011.

Pour Dirk Nowitzki : c’est la consécration ultime pour ce qui est le meilleur joueur européen de l’histoire Pour la franchise : premier titre de champion NBA pour les Mavs. Pour la NBA : Une démonstration que le sport est toujours plus ou moins couronné, que l’expérience et la cohésion d’équipe peuvent vaincre le talent pur.

Pour cette dernière, c’est Mark Cuban, alors propriétaire de la franchise, qui en parle le mieux : “Ce titre, c’est la preuve que le basket est un sport d’équipe. On a battu une équipe de superstars avec une équipe de guerriers”.

C’est aussi cela que nous apporte le sport, le basket, la NBA. Je me souviens avoir été très heureux pour le Heat lors de la finale de 2006, pour de multiples raisons, notamment la révélation de Dwyane Wade, un titre de plus pour le Shaq, sans Kobe, un premier titre pour cette franchise gérée par une icône du basket Pat Riley. Mais je me souviens aussi avoir été chamboulé et enchanté de la victoire des Mavs en 2011 pour leur parcours et l’aura qu’ils dégageaient après ce titre, comme les Raptors de 2019 par exemple.

Ce sont ces victoires chargées d’histoire qui nous poussent à continuer de tourner les pages de ce grand livre qu’est la NBA contemporaine.