Premier épisode d’une série dans laquelle nous vous présenterons les 18 clubs de cette campagne 2024/2025 d’Euroleague. En vous plongeant dans les récits que nous allons vous raconter, vous y découvrez des moments, des coachs, ou des joueurs qui ont marqué l’histoire de chacun de ces clubs.

Nous débutons aujourd’hui par le fond du classement et l’équipe allemande de l’ALBA Berlin. Si l’ALBA est en EuroLeague aujourd’hui, elle le doit majoritairement à un coach, l’Espagnol Aito Garcia Reneses qui a redonné une identité formatrice ainsi qu’une place en EuroLeague à l’équipe allemande.

Plus qu’un coach, le bâtisseur du futur allemand

Aito Garcia a été le premier à lancer un jeune espoir allemand, nommé Franz Wagner dans le monde professionnel. Crédit : Moritz Eden

Aito et les jeunes, c’est l’essence même de sa philosophie. Après plus de 30 ans de carrière en Espagne, il a vu émerger une multitude de jeunes prodiges, contribuant à l’essor du basket espagnol. C’est notamment dans le club du Joventut Badalona qu’il a façonné certains des plus grands noms du basketball ibérique, à l’image de Ricky Rubio, Rudy Fernandez ou encore Pau Ribas. Ainsi, lorsqu’à l’été 2017, l’ALBA Berlin, après un nouvel échec en championnat, dispose d’un budget limité, elle cherche un entraîneur capable de maximiser le potentiel jeunesse du club. Le choix d’Aito s’impose donc naturellement et le club lui confie les rênes de l’équipe, épaulé par un autre espagnol, Israël Gonzalez.

Aíto García a toujours été un entraîneur à contre-courant des méthodes conventionnelles, et son approche à l’ALBA Berlin ne fait pas exception mais elle est en accord avec les attentes des dirigeants. Dès son arrivée, il identifie plusieurs jeunes joueurs au fort potentiel qu’il souhaite développer. Parmi eux, Franz Wagner, Jonas Mattisseck et Tim Schneider deviennent rapidement des éléments centraux de son projet. Plutôt que de les cantonner à un rôle secondaire derrière les cadres de l’équipe, il leur accorde immédiatement des responsabilités sur le terrain, convaincu que l’expérience en match est la meilleure école pour un joueur en devenir.

Parmi ces jeunes, Tim Schneider, un jeune poste 5 qui a directement été mis dans le bain par Aito. Le coach espagnol a beaucoup insisté sur la nécessité que le gamin élargisse sa palette offensive. Il l’incite à shooter de loin tout en lui inculquant les fondamentaux du jeu sans ballon, la base du style espagnol. Il devient donc rapidement un bon élément de la rotation berlinoise. Il tourne à plus de 5 points de moyenne dès sa première saison à plus de 50% au shoot. Concernant son shoot extérieur, c’est lors de sa deuxième saison que Tim va pleinement lâcher son bras, passant d’une réussite extérieure de 37,4% à un très joli 48%.

Du côté de Jonas Mattisseck, jeune meneur prometteur, il adopte une approche différente au fur et à mesure des saisons. Une chose est sûre, à la mène il a du talent mais au lieu de le laisser être un simple distributeur, Aito veut utiliser sa grande taille et son physique atypique pour en faire un bon défenseur extérieur. Il lui confie d’ailleurs des missions défensives exigeantes dès ses premières apparitions, cherchant à faire de lui un joueur polyvalent et robuste. Sa progression n’est pas aussi concrète que celle de Tim Schneider mais elle apporte tout de même une certaine garantie pendant les prochaines années sur le poste 1.

Enfin Franz Wagner, encore jeune adolescent, ne rejoint que pleinement l’effectif berlinois lors de la saison 2018-2019. Bien sûr Aito perçoit en lui un potentiel offensif déjà énorme malgré qu’il n’ait que 16 ans. Et plutôt que de lui imposer un rôle strict, il l’incite à toucher un maximum de ballons, à prendre des initiatives et à développer son QI Basket contre des joueurs et des équipes qui ont de l’expérience dans le monde professionnel. Sur la saison, le jeune Franz finira à 4,7 points de moyenne en championnat, avec des pourcentages extrêmement intéressants (49-37-85).

Il améliore sa perception du jeu, notamment sur la lecture des mistmatchs et sur ses déplacements sans ballon. Des performances qui lui offriront un billet pour les Etats-Unis et l’université des Michigan Wolverines avant de rejoindre le Magic d’Orlando et d’avoir le début de carrière qu’on lui connait. Dans son processus de développement des jeunes, le système d’Aito était très simple et se basait sur la liberté de ses joueurs. Au lieu de leur dicter chaque mouvement, il encourage ses jeunes à analyser les situations et à faire les bons choix en temps réel.

L’empreinte tactique laissé par Aito Garcia Reneses : un basket fluide et un héritage durable

Aito Garcia Reneses
Aito Garcia Reneses donnant des consignes à sa jeune équipe. Crédit : Archives / ALBA Berlin

Avec un effectif aussi jeune, le plan d’Aito était tout d’abord d’exploiter franchement les situations de transitions offensives. Il le disait lui-même « Un tir en transition est un panier donné » et avec une équipe aussi énergique que la sienne, pas besoin d’aller chercher plus loin pour trouver des points. Ce système permettait souvent à l’ALBA de dominer les premiers quart-temps en imposant un rythme effréné, dans le but aussi de casser la structure prévue par son homologue adverse.

Ce stratagème s’est notamment démarqué dans ce qui sera la première réussite collective sous l’ère Aito Garcia Reneses, et qui n’est autre que la finale d’Eurocup en 2019, face à Valence. Dans une série au meilleur des 3 matchs, si la victoire fut en effet espagnole, c’est malgré tout cette stratégie qui aura permis à Berlin d’y croire en obtenant une victoire folle dans le game 2 après prolongation.

Autre aspect du style d’Aito, le jeu collectif et le spacing. Il retrouve finalement son basket espagnol et dirige une équipe qui n’est absolument pas dominée par des profils physiques. La synchronisation et l’harmonie de ce groupe ont mis du temps à arriver. Mais mis bout à bout, cette circulation dynamique du ballon et ce jeu sans ballon vont devenir des points d’ancrage du projet mené par l’Espagnol, autant dans le jeu que dans le recrutement.

Cela va notamment se conclure par les arrivées de guards dynamiques comme Maodo Lo, d’intérieurs fixateurs comme Luke Sikma qui s’est clairement renouvelé en Allemagne, ainsi que des ailiers efficaces à longue distance comme en témoigne les arrivées de Markus Erikson ou encore celle de Simone Fontecchio. De beaux noms du basket européen qui sont arrivés après l’obtention d’une deuxième wild card pour l’EuroLeague.

Cette wild card qui ne devait pas être renouvelée, le sera finalement. Après une saison stoppée par le Covid, l’EuroLeague a fait preuve de clémence avec le club allemand qui se verra obtenir une deuxième chance. Avec la volonté qu’à l’EuroLeague de se développer sur les gros marchés tels que l’Allemagne et la France (au détriment de la ligue Adriatique). Les joueurs comprennent que le projet du club de la capitale allemande devient de plus en plus stable, ce qui va pousser de jolis noms du basket européen à signer à l’ALBA.

L’EuroLeague aura dans un premier temps, peut-être eu raison de donner sa confiance au jeune et ambitieux projet de l’ALBA car ses résultats ne sont certes pas exceptionnels dans la sphère européenne avec un bilan de 12 victoires pour 22 défaites mais très encourageants sur le plan national avec un nouveau doublé championnat-coupe, mettant définitivement fin à une lourde domination de la Bavière avec le Bayern et le club de Bamberg.

C’est après avoir laissé deux titres en championnats, deux coupes d’Allemagne ainsi qu’un abonnement constant à l’EuroLeague qu’Aito laisse le club dans les mains de son assistant Israël Gonzalez. Après presque 40 ans passés sur les bancs allemands et espagnols, ce dernier annonce qu’il a choisi de mettre un terme à sa carrière. Fier de ce qu’il a pu donner à cette ville, il part convaincu que la suite ne sera que bonne avec Israël comme nouveau coach. Une chose est sûre, même si les choses sont plus compliquées aujourd’hui pour le club, il a donné à de jeunes Allemands les clés de la réussite et à un club tout ce dont il rêvait de retrouver après 10 ans d’absence.