L’histoire du syndicat des joueurs de la NBA est bien plus qu’une simple organisation qui protège les intérêts des athlètes. Elle incarne un mouvement de résistance face aux injustices économiques et sociales, un engagement pour les droits des joueurs et une lutte pour l’équité au sein d’une industrie milliardaire.

La naissance du syndicat des joueurs : L’ère des premiers pas

L’histoire du syndicat des joueurs en NBA, connu sous le nom de NBPA (National Basketball Players Association),  débute en 1954, une époque où les joueurs de basketball étaient bien loin de la richesse et de la célébrité que la NBA connaît actuellement. La majorité des joueurs n’étaient pas rémunérés à la hauteur de leur travail et de leur contribution sur le terrain. Beaucoup vivaient dans des conditions précaires et n’avaient pas les moyens de revendiquer leurs droits. A l’époque, les propriétaires d’équipes avaient un pouvoir quasi absolu sur les contrats, la durée des saisons et les conditions de travail de leurs joueurs…

Dans une ligue où il n’y a pas de prestation maladie, de régime de retraite, de salaire minimum, et avec un salaire moyen de 8 000$ par saison, les joueurs décident qu’il est temps de se regrouper pour défendre leurs intérêts communs. C’est Bob Cousy, la légende des Celtics qui commence à organiser le syndicat en 1954. Le syndicat des joueurs de la NBA est formé, mais son histoire ne fut pas aussi simple. 

L’idée de syndicaliser les joueurs était en elle-même une avancée majeure car, à cette époque, les athlètes étaient souvent considérés comme des marchandises et la notion de négociation collective semblait étrangère à un monde où les salaires étaient faibles et les droits des joueurs quasiment inexistants.

Le premier président de la NBPA était Maurice Podoloff, bien que ce fût principalement une figure symbolique au début. Les premières années ont été marquées par des tentatives de négociations infructueuses, où les joueurs étaient en position de faiblesse par rapport aux puissants propriétaires d’équipes.

Les premières concessions et les luttes pour des salaires plus élevés

Au fil des années 1960 et 1970, la NBA se développe rapidement, notamment grâce à l’arrivée des joueurs stars. Ces athlètes commencent à attirer l’attention et malgré une légère augmentation des salaires, les conditions de travail restent inégales. Le premier grand tournant pour le syndicat des joueurs se produit en 1964, avec la première grève officielle menée par les joueurs qui aura durée deux heures. 

Une date bien choisie car non seulement il s’agit du All-Star Game, mais en plus, c’est le premier télévisé à l’échelle nationale. Un match rempli de légendes, comme Bill Russell, Wilt Chamberlain, Oscar Robertson, Jerry West ou encore Elgin Baylor. En interne, un vote très serré est lancé par les All-Stars pour ne pas entrer sur le terrain, qui se termine à 11 voix pour et 9 contres. Les joueurs réclament aux propriétaires des revendications comme : une augmentation de salaire, un allègement des voyages et la mise en place d’un fond de retraite.

Bill Russell mène la révolte et la tension commence à monter quand Bob Short (propriétaire des Lakers) vient parler à ses Lakers en leur disant «Mettez-vous en tenue et ramenez votre c… sur le terrain». A 2h du match des étoiles, les joueurs n’ont qu’un message «Qu’ils aillent tous se faire voir, on ne joue pas !».

Le basket à l’antenne nationale est très loin d’être un succès et ABC, qui diffuse le match en prime time, menace le Commissioner de la NBA, Walter Kennedy «S’il n’y a pas de match, ne comptez pas sur un contrat TV plus tard…». L’enjeu est donc plus qu’important et à 15 min du match la décision tombe…  Les joueurs obtiennent la mise en place du tout premier plan de retraite, tous sports américains confondus ! Après 10 ans d’existence, le NBPA est enfin reconnu par les propriétaires. Les négociations ont permis d’obtenir des augmentations salariales modestes, mais les joueurs veulent surtout un partage plus équitable des richesses générées par la NBA.

Wilt Chamberlain essaye de prendre la balle à Jerry Lucas lors du All-Star Game 1964 – crédit : Bettmann/Getty

L’avènement d’un syndicat puissant et des conflits sur les salaires et le CBA

Le véritable tournant dans l’histoire de la NBPA survient dans les années 1980, lorsque le syndicat se transforme en une organisation véritablement puissante et influente. Les joueurs, qui deviennent de plus en plus célèbres, exigent désormais des contrats plus longs, des salaires plus élevés et un contrôle accru sur leur avenir professionnel. La NBPA devient un acteur incontournable dans les discussions sur les règles économiques de la ligue. Notamment à travers la négociation de la CBA (Collective Bargaining Agreement) qui fixe les termes du contrat entre la NBA et les joueurs, y compris les salaires, les bénéfices et les conditions de travail.

En 1983 un tournant historique a lieu avec l’introduction du salary cap : une mesure qui permet de limiter la masse salariale des équipes pour assurer une meilleure stabilité financière. Ce salary cap est le premier de l’histoire des ligues professionnelles américaines. Cinq ans plus tard, en 1988, de nouvelles modifications sont apportées, notamment la Larry Bird Exception, qui permet aux franchises de dépasser le salary cap pour re-signer leurs propres joueurs star. La NBA pose les bases du modèle financier moderne de la ligue et prépare son explosion commerciale dans les années 1990.

En 1995, la NBA va vivre un “lock-out” (fermeture temporaire du 1er juillet au 12 septembre) par les propriétaires pour trouver un accord avec les joueurs sur les salaires. Mais l’évènement qui aura marqué l’histoire entre la NBA et le NBPA, est le lock-out de 1998. La NBA décide de restructurer son économie et de sauver certains propriétaires avec des contrats qui montent en flèche. Avant cet évènement, les joueurs recevaient 57% des revenus de la ligue, désormais ils recevront 55%. Un plafond salarial plus strict est instauré, les contrats rookie passe de 5 ans à 3 ans (avec une 4e année en option pour l’équipe) ou encore un salaire maximum individuel.

Les joueurs refusent tous ces changements estimant ne pas vouloir perdre certains droits obtenus par leurs prédécesseurs. Résultat, 200 jours d’arrêt, 464 matchs annulés et après un accord trouvé entre les joueurs et les propriétaires, la ligue reprend le 5 février 1999 pour disputer 50 matchs par équipes au lieu de 82.

La NBPA : une organisation moderne et l’activisme social des joueurs

Dans les années récentes, le syndicat des joueurs de la NBA ne se contente plus uniquement de défendre les aspects financiers des contrats, mais il devient aussi un acteur majeur dans la lutte pour les droits civils et sociaux. Des joueurs comme LeBron James, Chris Paul, Carmelo Anthony et Dwyane Wade ont pris des positions publiques sur des sujets tels que les inégalités raciales, la brutalité policière, et la justice sociale. La NBPA a évolué pour devenir une voix puissante sur des questions sociales, en parallèle de son rôle traditionnel dans les négociations salariales.

Les combats pour l’égalité salariale, la lutte contre les discriminations et l’amélioration des conditions de vie des joueurs sont désormais des priorités pour la NBPA. L’organisation soutient également des initiatives communautaires, en s’engageant pour des programmes éducatifs et des actions de soutien à des causes humanitaires. L’émergence des athlètes activistes a eu un impact énorme sur la ligue et la NBPA. Tout en restant un acteur économique puissant, l’organisation a su s’adapter aux évolutions sociales en plaçant la justice et l’équité au cœur de son action.


C.J. McCollum (président de l’association des joueurs) et Adam Silver (Commissioner de la NBA) lors d’une réunion - crédit : image via Basketusa
C.J. McCollum (président de l’association des joueurs) et Adam Silver (Commissioner de la NBA) lors d’une réunion – crédit : image via Basketusa

L’héritage d’un combat pour les droits des athlètes

L’existence et l’influence du syndicat aujourd’hui sont le fruit de décennies de luttes, menées par des joueurs qui ont osé défier le système pour obtenir des droits fondamentaux. Des figures emblématiques comme Oscar Robertson, qui a joué un rôle clé dans la lutte pour la free agency, ou encore les joueurs qui ont affronté les lockouts, ont dû faire preuve d’un courage immense pour imposer des changements face aux propriétaires et à la ligue.

Grâce à ces pionniers, les joueurs d’aujourd’hui bénéficient de meilleures conditions salariales, d’une protection juridique renforcée et d’une voix dans les décisions qui façonnent la NBA. Mais si des avancées majeures ont été obtenues, les défis demeurent, et le syndicat reste un acteur clé pour garantir l’équilibre des pouvoirs dans la ligue.