Larry Foust, l'oublié du Hall of Fame

Larry Foust, l’oublié du Hall of Fame

Au panthéon du basket-ball américain, s’il y en a bien un à qui il manque son rond de serviette, c’est Larry Foust. Joueur phare des années 50, il a pourtant été étonnamment oublié par le Hall of Fame, alors que ses anciens partenaires et rivaux comme George Mikan, Dolph Schayes ou Bob Cousy y trônent depuis belle lurette. Tentative d’explication d’une injustice manifeste.

Car si Satch Sanders, Guy Rodgers, Frank Ramsey, Chris Webber, Bob Houbregs, Wayne Embry ou encore Bill Bradley sont au Hall of Fame (que vous retrouverez sous sa forme acronyme pour le reste de l’article, HoF), il est surprenant que Larry Foust lui, n’y soit pas. Son C.V. est pourtant de loin supérieur aux noms précités. En calculant les probabilités d’entrée au HoF, le site Basketball Reference le classe à la place 78 avec 94,2 %, soit le taux le plus élevé parmi les joueurs éligibles qui ne sont pas membres du mythique panthéon. Huit fois All-Star, deux fois All-NBA et cinq fois finaliste NBA, l’anomalie est claire. Si Larry Foust vous est inconnu, cet article espère le réhabiliter, non pas en dressant son portrait détaillé, mais en mettant en lumière son incompréhensible absence dans l’institution suprême du basket américain.

Le jeune Larry Foust à la fin des années 40, avec le maillot de son université de LaSalle. On notera un petit air de ressemblance avec Augustin Shackelpopoulos. Crédit : La Salle University

Rapide présentation de ce brave Larry Foust

Né en 1928 dans l’Ohio, un an avant le terrible krach boursier, Larry est le premier joueur vedette de La Salle, la fac de Philadelphie. Pivot au gabarit imposant pour l’époque (206cm et 100 kilos lors de ses débuts en pro, ce qui lui vaudra l’attribution du surnom The Big One), il est drafté en 1950 à la sixième position lors de la toute première draft estampillée NBA, après trois saisons de BAA. Une cuvée historique, l’une des plus belles de l’histoire : Bob Cousy, Paul Arizin, George Yardley ou Bill Sharman. Fait cocasse, ce sont les Chicago Stags qui sélectionnent Foust, une franchise qui fera faillite et disparaitra avant même le début de la saison régulière. Les Fort Wayne Pistons accueillent le pivot orphelin de sa défunte franchise, où il y pratiquera son meilleur basket et reste à ce jour, 68 ans après son départ du club en 1957 (année du déménagement à Detroit), le dixième meilleur win shares des Pistons. Si son numéro #16 n’a pas été retiré par la franchise, c’est probablement qu’il n’aura pas eu l’occasion de le porter sous l’écusson de la ville de Detroit, à l’inverse d’un Dave Bing et son #21 au plafond de la flambant neuve Little Caesars Arena.

Acteur majeur de la NBA des années 50, Larry Foust joua de 1950 à 1962, sept ans aux Pistons donc (où il sera six fois All-Star et deux fois All-NBA, et ratera de peu le trophée de Rookie de l’année au profit de Paul Arizin), deux ans et demie aux Minneapolis Lakers (deux fois All-Star et présent lors de l’incroyable crash d’avion de 1960, à lire l’excellent papier de Peter Vecsey pour le NY Post), puis terminera sa carrière plus sobrement comme remplaçant de Clyde Lovelette aux Hawks de Saint-Louis. Douze saisons pleines, avec cinq finales NBA, toutes perdues, ce qui le place quatrième dans le classement des joueurs ayant perdus le plus de finales, derrière Jerry West, Elgin Baylor et LeBron James.

Larry Foust (#16) en compagnie de Paul Seymour, Andy Phillip et Dolph Schayes lors du All Star Game de 1955. Crédit : Bettman

Pour ce qui est du style de joueur, même pour sa génération, Larry Foust n’était pas un joueur « sexy » : Avec Larry, on est plus proche du look d’expert comptable sous T.R.T que d’un Dolph Schayes et sa ganache de Dean Martin sauce ashkénaze.

Rappelons que c’est une époque où l’on porte sa calvitie comme Emmanuel Chain ou Anthony Davis le monosourcil : mal, mais de manière assumée. Son coéquipier aux Lakers, Hot Rod Rundley, l’appelait « Desert Head » en raison de son crâne dégarni. De par son poste et son gabarit, exit les passes flashy à la Bob Cousy, et si son impact dans la raquette est important, ce n’est pas non plus le projet Manhattan qu’était George Mikan.

Foust reste cependant une machine à double-double, très adroit pour l’époque (quatre saisons dans le top 10 de la Ligue en % aux tirs), et également sur la ligne des lancers-francs (74% en carrière), et clairement l’un des intérieurs les plus pénibles à jouer pour ses adversaires. Du propre aveu de Mikan, il était même son vis-à-vis le plus coriace.

Foust fait l’unanimité chez les spécialistes de ces temps anciens du basketball professionnel américain, comme étant l’un des tous meilleurs pivot des quinze premières années de la Ligue, fait que nous allons corroborer par une réalité statistique indéniable au chapitre suivant.

Avec ses 114 kilos, Foust était le joueur le plus lourd de toute la NBA à la fin des années 50. Crédit : Guide média 1957 des Minneapolis Lakers

Des accomplissements individuels et collectifs bien-au dessus de la moyenne

Là où chacun d’entre nous, passionnés de basket, avons nos petites opinions sur nos joueurs favoris et leur légitimité ou non à avoir leur rond de serviette au panthéon du basket-ball, Larry Foust se place au delà de toute considération subjective.

Être sélectionné pour le All-Star Game est une belle récompense, mais ne garantie en rien que vous êtes un joueur d’élite. Jamaal Magloire, Chris Kaman, Steve Johnson ou Dana Barros l’ont été, leur intronisation au HoF n’a jamais été à l’ordre du jour pour autant. Cela reste une sélection honorifique, subjective, dont les critères d’admissions ont changé au fils des années, si tant est qu’ils ont existé, et où l’enjeu même de ce match de gala a radicalement changé ces trente dernières années.

Bug de l’an 2000 tardif ou pas, en 2004 Jamaal Magloire se retrouve All-Star. Crédit : Jennifer Pottheiser

Larry Foust n’a pas simplement été invité une fois au All-Star Game, mais huit. Ce chiffre le place à égalité avec des légendes comme Rick Barry ou Steve Nash, et même devant des cadors tels que Scottie Pippen ou Kevin McHale.

Foust est le seul joueur éligible avec ce niveau de cap All-Star à ne pas être au HoF. Et on ne parle pas d’un petit échantillonnage, que les zététiciens en herbe se rassurent : ils sont 53 anciens joueurs à avoir huit sélections ou plus, 52 sont au panthéon. Et figure pourtant dans cette demi-centaine de noms plusieurs joueurs des décennies 50 / début 60 : Jerry West, Wilt Chamberlain, Bob Cousy, Oscar Robertson, Dolph Schayes, Elgin Baylor, Bob Pettit, Paul Arizin, Hal Greer, Bill Sharman : tous ont croisé le fer un jour ou l’autre avec Foust, que ce soit 101 fois pour Schayes, son contemporain, ou 21 pour Robertson, qui commençait dans la Ligue lorsque Foust comptait ses trimestres manquants pour une retraite complète.

Je sors à dessein la mitraillette à name-dropping, sophisme commun souvent peu pertinent, mais il me semble important d’appuyer dans quelle sphère Larry Foust se trouve.

Larry Foust face au jeune Wilt Chamberlain en 1959. Crédit : Bettman

Car au delà des sélections All-Star, les chiffres individuels parlent pour lui. La statistique avancée P.E.R (Player Efficiency Rating, l’équivalent de la note d’évaluation que l’on retrouve pour les joueurs d’Euroligue par exemple) fait consensus depuis 1952 pour obtenir une belle photographie d’époque éloignée où les images ne sont pas légion.

Prenons le tableau ci-dessous, issu du site Basketball Reference. Si l’on s’intéresse à la période 1952-1960, et plus précisément les cinq meilleurs joueurs de ces saisons respectives, on trouve par trois fois la présence de Foust, deux fois deuxième derrière Mikan et Yardley (en 1953 et 1956), et une fois troisième derrière Schayes et Lovelette en 1955. Notons que dans ce tableau où figurent une bonne vingtaine de joueurs, Foust est le seul à apparaître plusieurs fois et à ne pas être au HoF.

Top 5 par année (de 1952 à 1960) des notes d’évaluations (PER). Les joueurs avec un astérisque à côtés de leurs noms sont au HoF. Crédit : BBR

Et si l’on pousse un peu plus loin en généralisant la moyenne statistique de cette note d’efficacité sur l’ensemble de la décennie 1950, tout poste confondu, on retrouve Larry à la onzième place (cinquième chez les pivots).

Insuffisant pour le HoF ? Harry Gallatin, avec une note d’évaluation de peu supérieure, et un C.V. quasi-similaire, et même inférieur à celui de Foust (une sélection All-Star de moins, deux fois All-NBA comme Foust, une fois meilleur rebondeur de l’année, et sans titre de champion), y possède pourtant sa place. La légende urbaine est que Gallatin s’y trouve car il était le joueur préféré de David Stern lorsqu’il était enfant. Il s’agit alors de s’intéresser au fonctionnement du HoF, si tant est qu’il en existe un.

P.E.R moyen sur la décennie 50 pour les joueurs ayant au moins joués 300 matchs. Crédit : StatHead

Le Hall of Fame, royaume d’opacité

C’est peut-être ici la raison principale de l’absence de Larry Foust au panthéon du basketball américain, ainsi que celles de quelques autres bonnes âmes tout aussi méritantes (Shawn Kemp, Mark Price, Bill Laimbeer ou encore Kevin Johnson pour ne citer que quelques noms chers à l’auteur de ces lignes). Le Hall of Fame n’est régi par aucun cahier des charges.

Pour l’admission en son sein, la règle, c’est qu’il n’y en a pas. Seul un critère de temps est notable (avoir arrêté sa carrière depuis quatre ans), mais pour le reste, c’est selon le sens du vent. Sur le site officiel, dans la rubrique Election Process, rien n’apparait distinctement comme critères.

Le lobbying, l’influence moderne, est indissociable de l’esprit du panthéon. Ne pas négliger le Fame du « Hall of Fame ». Le biais générationnel et médiatique est total dans le cas de Foust, qui peut-être considéré comme le meilleur joueur dont vous n’avez jamais entendu parler, mais qui n’a jamais été considéré comme un joueur sexy ou bancable, et qui n’a surtout garder aucun réseau dans le milieu du basket lors de son après-carrière.

Quels éléments pourraient jouer en la défaveur de Larry Foust ?

Et bien à vrai dire, pas grand chose. Du moins rien de très rationnel ou de très étayé. Une des théories avancée par la famille de Foust est que ce dernier s’était fâché avec les mauvaises personnes dans la Ligue, qu’il avait une grande bouche et qu’ayant un léger penchant pour la boisson, ne manquait pas une occasion de l’ouvrir. On ne sait pas si c’est pour le bon mot ou si c’est à prendre au sens littéral, mais George Yardley, son coéquipier à Fort Wayne dira de lui :

Je ne l’ai jamais vu sobre, et sa femme non plus »

Une bague aurait probablement réglé le problème. Arnie Risen, pivot contemporain de Foust, était considéré d’un niveau inférieur, mais ses deux titres de champions, l’un comme titulaire des Rochester Royals en 1951 et l’autre avec les Celtics comme remplaçant de Bill Russell, ont certainement joué en sa faveur pour son intronisation au HoF.

Il est probable que le train soit passé pour Foust. Mort d’une crise cardiaque en 1984 à seulement 56 ans, il ne reste plus aucun de ses contemporains encore en vie, coéquipiers ou entraîneurs, à l’exception de cette ronce de Cousy. Si sa candidature a été considérée plusieurs fois pour le HoF, elle n’a jamais abouti et on ne trouve plus de trace de celle-ci après 1989. Un manque total de lobbying pour un joueur peu médiatique en son temps, qualifié de discret par ses coéquipiers malgré ses excès avec la bouteille.

Après sa retraite de joueur en 1962, Foust coupa radicalement avec le basket, pour devenir commercial. Reconversion commune à une époque où jouer en NBA vous octroyait le salaire d’un petit cadre d’entreprise, mais contrairement à d’autres, Foust n’occupera plus aucune fonction dans le sport (dirigeant de club, organisation de camp d’été comme Cousy ou Schayes, coaching etc.)

1989, dernière trace d’une candidature de Larry Foust pour le HoF. Crédit : The Vindicator du 1er novembre 1989

Ce pauvre Larry Foust n’aura pas bénéficié d’une reconnaissance tardive, à l’instar de Zelmo Beaty, Spencer Haywood ou Artis Gilmore. L’érosion du temps en a décidé autrement. La décennie NBA 1950, la moins médiatique de toutes pour des raisons évidentes, ne repêche pas tout ses soldats laissés au front. Foust aura sué le sang, et l’injustice de son effacement de la mémoire collective par le Hall of Fame, alors que la plupart des autres vedettes de sa période y sont, fait tâche. Huit fois All-Star, deux fois All-NBA et cinq fois finalistes NBA, il est considéré comme l’un des tous meilleurs intérieurs de la décennie 1950, mais reste à ce jour exclu de la récompense honorifique suprême.